LA MONNAIE UNIQUE DE L'EAST AFRICA ET LE BURUNDI

Burundi news, le 03/07/2011

Par Gratien Rukindikiza

Les économistes  disent souvent  que la mauvaise monnaie chasse la bonne. La monnaie, jadis représentée par l'étalon or, était une valeur sûre. Avec des milliers de dollars, on était sûr d'avoir le lingot d'or équivalent. Les billets de banque, inventés par un Suédois en 1658, furent un tabac dans le monde libéral de ce moment. Les Goldsmith notes sont venus civiliser la circulation de la monnaie. Il était hors de question de parler de dévaluation de la monnaie représentée par les billets car ces billets n'étaient ni moins, ni plus que la garantie de l'or déposé à la banque.

La monnaie est devenue le symbole du pouvoir régalien et aussi le symbole de l'impérialisme dans le sens des empires. Celui qui domine un pays lui impose sa monnaie. Les Américains ont pu imposer le dollar dans les échanges internationaux après la 2 ème guerre mondiale. La reconstruction de l'Europe, à coup de dollars US a joué un grand rôle.

La mauvaise monnaie chasse la bonne, et surtout quand la mauvaise est une conséquence d'une guerre ravageuse. La guerre du Vietnam a précipité l'arrivée de la mauvaise monnaie. Les déficits américains pour financer cette guerre impitoyable des deux côtés n'ont pas permis à l'économie américaine de garantir l'étalon or. Le Président Nixon a décrété la fin de la convertibilité Or-dollar. Voilà le début de la monnaie de singe. Ce singe est bien riche en maitrisant la nature plus que la monnaie sans valeur qu'il n'a jamais possédée.

Aujourd'hui, un pays peut fabriquer de la monnaie sans se soucier de la contrepartie en or. Par ailleurs, la création de la monnaie suit des règles dans l'économie capitaliste. Battre la monnaie  est du ressort du Prince. Toutefois, ses erreurs ont des conséquences sur la cité. En principe, la monnaie est créée par le  refinancement de  l'économie dans le cadre de la croissance par le biais des crédits. Elle est créée aussi par l'émission des bons de Trésor ou le financement des déficits de l'Etat et en dernier, par les rentrées des devises converties en monnaie du pays.

Une monnaie nationale à rude épreuve

La monnaie burundaise a subi les aléas de l'économie burundaise. Les dévaluations successives du temps de Bagaza pour rendre les exportations compétitives ont baissé le pouvoir d'achat des Burundais mais ont créé une relance économique.

Aujourd'hui, les dévaluations ne sont pas officielles mais la monnaie s'adapte au marché. En l'absence de l'offre du marché productif local, la monnaie circule dans des transactions dépensières et non productives. La planche à billets du pouvoir est le véritable tombeau de la monnaie. Le pouvoir contrôle sa monnaie. il y a d'autres pays qui n'ont jamais connu de monnaie nationale. C'est le cas de l'Afrique occidentale francophone, hors Guinée Conakry. Ces pays ont le francs CFA rattaché au départ au franc français, maintenant rattaché à l'euro. Une monnaie unique par un ensemble des pays, est-elle profitable à l'économie de chaque pays plus une monnaie nationale? Les avis sont partagés en fonction des idéologies.

La monnaie unique de l'East Africa, un calvaire pour faire entrer le Burundi

La monnaie unique de l'East Africa sera une bonne chose pour le Burundi, surtout en cette période. Avant d'évaluer les points positifs, une question se pose, est-ce que le Burundi pourra remplir les conditions d'admission?

Une monnaie unique exige une harmonisation des fiscalités, de la gestion monétaire, de la gestion aussi des déficits budgétaires et une façon de fonctionner du pouvoir. Compte tenu du désordre actuel du pouvoir en matière économique, il faudra beaucoup d'efforts des Burundais pour pouvoir remplir les conditions. Celui qui devra supporter ces efforts est sans nul doute le peuple burundais. Ceux qui ne goûtent pas au grand gâteau de la corruption du pouvoir devra payer les pots cassés.

Une monnaie unique suppose une circulation monétaire et aussi des citoyens. L'argent ira là où il y aura la production. Celui qui ne produira pas aura du mal à financer son administration. Les taux d'intérêt seront définis par la banque centrale de l'East Africa. Espérons que les Burundais pourront  bénéficier des taux plus bas que les 18 %.

Quant aux avantages de cette monnaie unique pour le Burundi, tout sera fonction de la capacité d'adaptation. Le pouvoir ne pourra plus émettre la monnaie. Adieu la planche à billets. L'Etat ne pourra que se financer à travers les bons de trésor validés par la banque centrale de l'East Africa. Encore faut-il que ces bons soient intéressants pour le public à un taux déterminé par la banque centrale régionale. Si les taux sont les mêmes, certains hommes d'affaires vont préférer acheter des bons de trésor (Obligations) d'un pays ayant une économie solide comme le Kenya ou l'Ouganda. Si le pouvoir n'arrive pas à lever les fonds, par manque d'acheteurs des bons de trésor ou par une méfiance du fait du taux d'endettement élevé, les fonctionnaires seront payés un mois sur deux ou avec un retard de 3 ou 4 mois.

L'Etat burundais perdra aussi du fait qu'il gagne avec les taux d'intérêt actuel élevés. En baissant ces taux, la BRB devra se restructurer pour devenir une agence de la banque centrale régionale; soit des licenciements en vue. Pardon, je n'ai rien dit!

Les Burundais seront épargnés par la perte de valeur de leur monnaie en fonction de la faiblesse de l'économie nationale. Cette monnaie bénéficiera de la croissance des économies de la sous région.

Et si les Burundais polluaient la monnaie unique?

Le Burundi est le maillon faible de cette zone de l'East Africa composée par le Burundi, le Kenya, l'Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie. Le Burundi est le pays le plus pauvre, le pays le plus désorganisé, le pays le plus corrompu, le pays où le système d'éducation n'est pas encore adapté aux systèmes de la sous région etc...

La législation burundaise devra évoluer. A défaut, le système de corruption actuelle ne fera que du mal à la monnaie unique et à la circulation des biens et des personnes.

Certains ne le savent pas. Au Burundi, certains proches du pouvoir fabriquent des faux billets de banque. Ces billets sont repris dans la circulation avec la complicité de certains cadres de la banque centrale BRB. Ces faux billets sont injectés dans l'économie en achetant des devises sur le marché noir. Les faux billets convertis en vrais billets de dollars et tout est blanchi. Ce marché noir à son tour s'approvisionne en devises dans les banques grâce à certaines complicités du pouvoir. Ainsi, ce trafic de faux billets inonde le circuit de la masse monétaire et joue un mauvais rôle dans la gestion des devises. Ces devises acquises avec des faux billets sont envoyées à l'étranger dans des valises diplomatiques dans certains pays d'Afrique et de l'océan indien. Il n' y a pas pire quand il s'agit d'étrangler l'économie nationale.

La masse monétaire augmente, crée l'inflation par manque de production de biens et services et les devises sortent du pays sans que les contreparties de la masse monétaires soient rattachées aux causes de la création monétaire générée par les devises. Le pays perd les devises et des simples papiers acquièrent des biens  ayant nécessité des efforts au niveau économique. A titre de comparaison, c'est comme si vous vendez votre maison contre une enveloppe vide. Si vous n'avez pas la chance de passer l'enveloppe à une autre personne qui l'accepte, vous avez perdu votre maison.

Demain, avec la monnaie unique de l'East Africa, est-ce que les fabricants de la fausse monnaie  proches du pouvoir hésiteront à fabriquer la nouvelle monnaie régionale? A suivre. Si le système reprenait à ce moment, le Burundi risque l'exclusion. Comptons sur le patriotisme qui a manqué jusque là au pouvoir pour un sursaut national.

Le grand ennemi de la monnaie unique au Burundi est l'intérêt personnel. Le pouvoir actuel passe l'intérêt personnel de ses dignitaires avant l'intérêt national. Il n'hésite pas à créer l'inflation pour maintenir le "standing de corruption" des dignitaires.

Hommes d'affaires, monnaie unique une chance?

Pour les hommes d'affaires, la monnaie unique est une aubaine à condition de savoir comment en profiter. Les hommes d'affaires burundais ont les reins moins solides que leurs homologues de la sous région. Ils ne pourront pas investir dans les pays voisins sans s'allier avec les autres hommes d'affaires. Par ailleurs, ils risquent d'être des sous traitants au Burundi de leurs homologues. Le marché burundais restera insignifiant si les hommes d'affaires de la sous région n'investissent pas en masse pour créer d'abord le pouvoir d'achat avant de créer la demande. Les Burundais sont pauvres et ne feront que diminuer leur consommation. Soit le Burundi sera un pays de main d'oeuvre moins chère; donc un pays à dumping social qui permet de produire à moins cher et vendre dans la sous région, soit un pays où les potentialités de consommation sont inexplorées et donc un challenge pour les hommes d'affaires.

Si un homme d'affaires arrive à créer un besoin d'assurance multirisque des paysans, il aura des dizaines de milliards de chiffres à réaliser. Si les Burundais portaient tous des chaussures, une industrie de chaussures aura sa place.

Tous ces investissements nécessiteront des capitaux. Or, les capitaux manquent au Burundi. L'économie est dominée par des profiteurs qui dépensent en produits de  luxe leurs bénéfices s'ils ne sont pas partagés avec les "protecteurs" du pouvoir. La valeur ajoutée de l'économie est très mal répartie, non seulement au niveau social mais aussi au niveau du capital technique. Les bénéfices doivent générer les investissements. A défaut, c'est le goulot d'étranglement. Ceux qui ont déjà maîtrisé la politique de réinvestissement, d'amortissements et d'innovation pourront s'adapter. Les autres ne pourront qu'amortir la chute.

Une formation s'impose au monde des affaires burundais pour se préparer au marché unique de la sous région mais aussi à la monnaie unique. Un homme averti en vaut deux. Un homme d'affaires avertit vaut de l'or.