Partage de Réflexion.

L’ACTION DANS LE REALISME.

 

 Salvator NAHIMANA

 

Lors des débats sur la politique au Burundi, il faudrait mettre les sentiments de côté. Il est vrai qu’il faut penser à la génération actuelle ; mais l’important, au point où on en est, est de penser aux générations futures.

 

En effet, « ukwo umwana arezwe niko akura ». Depuis des siècles, les Barundi ont cru que le pouvoir monarchique était divin. Il y a quelques années, ils ont cru qu’en dehors de l’armée point de salut, récemment encore et même aujourd’hui ils croient sans le dire qu’en dehors du maquis point de pouvoir. Il ne faut pas non plus oublier que ces époques de croyances politiques ont été jalonnées de cultures savantes montées par les gestionnaires de pouvoir pour garder celui-ci.

 

Ces gestionnaires se sont appuyés pour exclure les autres, sur les clans, le régionalisme, groupes hutu ou tutsi,... De plus, la situation s’est compliquée parce que chaque instruit vit dans l’ambition d’avoir le pouvoir politique. Ceci a empêché la majorité de ces instruits de mettre en avant l’esprit de création d’activités privées. Pourtant, et pourtant il faut se rendre à l’évidence que les postes dans l’administration publique sont limités. L’ouverture vers l’entreprise privée est salutaire pour les citoyens et le pays. Aujourd’hui, tout Murundi a baigné dans cette ambiance politique de près ou de loin.

 

         Comme il ne faut pas comparer la durée de vie d’un citoyen à celle d’une Nation, il faut donc œuvrer aujourd’hui pour un meilleur avenir des générations futures.  Soyons réalistes, sans bonne gouvernance, pas de développement. Cette bonne gouvernance ne s’acquiert pas du jour au lendemain non plus, surtout que l’exemple local en la matière n’a pas toujours été à la hauteur. Quant à l’exemple étranger, il ne peut créer que des complexes ou frustrations.

Le grand rôle revient alors au citoyen murundi. Celui-ci doit se battre pour garder le choix de ses dirigeants. Logiquement, seul l’élu, quelque soit son niveau de représentation a des comptes à rendre aux électeurs. Mais encore, le citoyen peut sanctionner par son vote celui qui n’aura pas respecté ses engagements au cours de son mandat. C’est par ce seul moyen que le gouvernant se préoccupera du citoyen. C’est par toute une série de sanctions électorales que le citoyen finira par trouver le dirigeant qui pensera au développement efficace et durable.

 

         Pourquoi faut-il être réaliste dans cette démarche ? Le mandat étant de cinq ans, il faudrait admettre qu’il y ait trois à quatre mandatures pour une émergence d’élus expérimentés, le temps que le citoyen comprenne aussi qu’il doit élire en fonction d’un programme politique clair qui améliore ses conditions de vie (justice, santé, économie,…). Ainsi, les critères de choix du citoyen ne seront plus de base hutu, tutsi, twa ou autres.

Si on part de l’exemple récent, ceux qui ont voté pour la première fois avaient dix-huit ans. Il faut espérer alors que les choses sérieuses commenceront à se mettre en place dans quinze, voire vingt ans. C’est-à-dire quand notre électeur approchera ses quarante ans ! Vous comprenez que si on se base sur l’espérance de vie du citoyen murundi d’aujourd’hui, notre jeune électeur risque d’aller dans l’au-delà juste avant de voir le fruit satisfaisant de ses efforts. Quant aux autres, ils peuvent faire le calcul en fonction de leur âge.

 

 Prenons l’exemple de la France qui est souvent prise comme référence en matière de fonctionnement démocratique : la révolution a eu lieu en 1789, le vote des femmes a été officialisé dans les années quarante après mille et une revendications de leur part ; l’acceptation du vote au suffrage universel du président de la république n’a eu lieu qu’en 1962. Cela ne veut pas dire que les citoyens Barundi ne peuvent pas aller vite. D’ailleurs, ils ont les moyens de le faire. Il suffit que les organisations civiles, les instruits, les bashingantahe se mettent ensemble pour lutter contre la médiocrité et fassent émerger dans leurs rangs uniquement et uniquement LES MEILLEURS.

 

Pour toutes ces raisons, le changement de mentalité s’impose. Chasser, puis oublier le proverbe qui dit que « amavuta y-umugabo ni ayamuraye ku mubiri ». Cette vision à court terme ne mène nulle part. Il faut s’habituer et très rapidement à ces exercices modernes que sont anticiper, prévoir, organiser, épargner et j’en passe. Si tout le monde ne s’y met pas, le risque du cycle de destructions constructions peut encore durer longtemps. Même si on est militant dans un parti, il ne faut pas hésiter à critiquer ce qui ne va pas dans ce parti. C'est le seul moyen de  le faire évoluer et prétendre à son accession au pouvoir ou à son maintien s'il l'a déjà.