ET SI LE GENERAL ADOLPHE NSHIMIRIMANA N'ETAIT QUE L'EXECUTANT QUI RESPECTE LES ORDRES?

Burundi news, le 06/03/2012

Par Gratien Rukindikiza

Est-ce que le grand criminel est celui qui exécute ou celui qui planifie et donne des ordres? Il y a des questions qui dérangent, des remises en cause qui perturbent les observateurs politiques, des non dits , des tabous. Ce n'est pas celui qui appuie sur la gâchette qui est le grand criminel. L'histoire parle des crimes de Hitler, lui qui dirigeait, qui donnait des ordres de génocide. Quel est le général cité pour ses crimes? Certains sont passés par le tribunal de Nuremberg mais ne sont pas très connus. Sur le plan militaire, un général comme Rommel a été très apprécié par les occidentaux pour  ses qualités techniques militaires dans ses batailles du désert du Nord de l'Afrique. Prenons le même Rommel et imaginons un seul instant s'il était nommé par Hitler à la tête des SS. Il serait devenu le plus grand criminel de guerre. Dans tous les cas, s'il n'a pas nommé à ce poste, c'est qu'il avait sûrement des valeurs morales qui n'ont pas été contredites même dans les livres des historiens du camp adverse.

Du chef d'Etat major adjoint de l'Armée à la Documentation, il est devenu le monstre!

Au Burundi, l'histoire est tout autre. Le général Adolphe Nshimirimana a été nommé par le pouvoir de Ndayizeye au poste de chef d'Etat major adjoint de l'Armée FDN. C'était le 15 décembre 2003 juste après les accords de paix signés entre le pouvoir de Nkurunziza et le CNDD-FDD.

Le général Adolphe Nshimirimana avait fait un travail remarquable aux côtés du général Niyoyankana. Les deux généraux ont pu former une seule armée avec les anciens FAB, les anciens FDD et autres forces rebelles, excepté le FNL. Cette intégration des anciens rebelles s'est faite sans heurt. Force est de reconnaître que les deux généraux ont eu le mérite d'arriver aux résultats satisfaisants. Ce n'est pas dans mes habitudes de faire des éloges. Votre site Burundi News en avait déjà parlé. Il a publié des interviews des deux généraux.

A la victoire électorale du CNDD-FDD en 2005, le général Adolphe Nshimirimana a été nommé administrateur général de la Documentation, service de renseignements burundais. Peu de temps après, ce service a changé. Le général Adolphe Nshimirimana a donné une autre image, celle d'un criminel, d'un homme craint dans tout Bujumbura. Qu'est-ce qui s'est passé?

L'ironie de l'histoire est que le grand tournant de ce service et de cet homme a changé exactement au moment où j'étais dans son bureau à Bujumbura. L'arrestation de l'ancien Président Ndayizeye, la torture de l'ancien vice Président Kadege dans les services de la Documentation et ce montage de faux putsch sont le point de départ de cette image de ce service et du général Adolphe Nshimirimana.

Fin juillet et début août 2006, j'étais au Burundi et j'ai tenu à rencontrer pour la première fois ce général Adolphe Nshimirimana dont beaucoup de gens parlaient. Il m'a reçu le 31 juillet 2006 à 7 hrs 30 dans son bureau en tenue de combat; ce qui n'impressionne pas celui qui a porté cette tenue pendant plus de 10 ans. Ce jour, le général Adolphe Nshimirimana était très occupé mais il a tenu à me recevoir. Au moment où je lui faisais part de mes préoccupations de la façon de conduire le pays par le pouvoir du CNDD-FDD, le téléphone n'arrêtait pas de sonner. En ligne, le Président Nkurunziza lui demandait où il en était pour regrouper les personnes concernées par l'opération. En réalité, c'était le montage du faux putsch pour arrêter Kadege, Ndayizeye et autres. Il était prévu aussi l'arrestation d'Alexis Sinduhije que j'avais identifié dans la conversation par le terme "Ka gasamirizi". Les ordres venaient directement du Président Nkurunziza. La suite est connue. Le Président Nkurunziza avait tenu, quelques jours après, à dépêcher Willy Nyamitwe, son conseiller en communication, pour filmer les tortures de Kadege. C'était la preuve que Nkurunziza voulait savoir  que tout était fait en fonction de ses ordres y compris la torture de Kadege.

Nkurunziza serait bon mais Adolphe un criminel!

Dès l'arrivée au pouvoir du CNDD-FDD, un massacre a été organisé à Muyinga. Le colonel Vital Bangirinama a été l'exécutant. Les ordres venaient de qui? D'en haut comme le disent les Burundais. Le Président Nkurunziza avait défendu ce colonel en arguant qu'il ne faut pas juger  tous les  crimes au nom de la stabilité des institutions. Les mauvaises langues disent que Vital Bangirinama est parti avec 15 000 dollars sur décision du Président. Aujourd'hui, Vital Bangirinama réside en Tanzanie et a son salaire mensuel payé par les services de renseignements burundais sans aucun doute sur accord du Président car ce service dépend directement de la Présidence.

Ernest Manirumva a été assassiné par la police et la Documentation. Selon un témoin oculaire, le général Adolphe Nshimirimana et le général Ndirakobuca, alias Ndakugarika étaient présents sur les lieux. Pour que les deux services travaillent ensemble pour un tel assassinat, il faut que le coordination se passe au niveau de la Présidence avec l'aval du Président de la République. Ce sont les usages. Ainsi, Nkurunziza était informé au minimum ou serait l'instigateur de l'assassinat de Manirumva.

Le carnage de Gatumba est aussi l'œuvre des deux services de sécurité. Les deux généraux étaient aussi présents le jour même pour les modalités pratiques. Encore une fois, cette collaboration n'est possible que quand le Président a donné son aval; donc un aval pour massacrer les policiers et les militants du CNDD-FDD. Le commandant Uwamahoro disait à un de ses chefs de la police qu'il ne sert à rien de lui poser des questions sur sa présence à Gatumba ce jour du carnage. Il lui a dit que le sujet n'est pas à sa hauteur. Une façon de lui dire que s'il continue à en parler, il risquait son poste.

L'implication de la police, de la Documentation et de certains officiers de l'Armée dans les massacres généralisés contre les militants du FNL dans Bujumbura rural est révélateur de qui peut être derrière ces massacres.

Rien que pour les trois exemples, il ressort que le général Adolphe Nshimirimana n'est pas le décideur ou le donneur d'ordre, il est l'exécutant. Le Président Nkurunziza ne serait pas l'ange contrairement à ce que disent ses proches. S'il l'était, il aurait déjà limogé le démon alors.

Nkurunziza a peur d'Adolphe Nshimirimana et ne peut pas le limoger!

Une idée reçue mais répandue à Bujumbura, surtout chez les militants du CNDD-FDD. Le Président Nkurunziza serait un homme de paix, qui n'aime pas la violence. Il aurait les mains liées par Adolphe Nshimirimana. Nkurunziza ne serait pas capable d'empêcher Adolphe de tuer. C'est une idée fausse et archifausse. Adolphe n'a jamais commis un forfait sans l'aval de Nkurunziza. Adolphe Nshimirimana lui doit beaucoup de respect. N'est-il pas arrivé, après les fuites des informations lié au carnage de Gatumba, que Adolphe Nshimirimana se mette à genou devant Nkurunziza pour implorer le pardon?

Adolphe disait lui-même à une personne qu'il n'est pas aussi criminel qu'on le croyait mais qu'il ne faisait qu'exécuter des ordres du Président Nkurunziza. Il a parfaitement raison. Mais il les exécute avec zèle; raison pour laquelle son service a obtenu plus de 9 sur 10 de la part du Président. Comme on sait que ce service n'est pas un des plus performants au niveau du renseignement, il va de soi qu'il a obtenu cette note par le nombre de cadavres des burundais sur son compte.

En attribuant cette note à ce service, le Président Nkurunziza a démontré qu'il est le donneur d'ordre et qu'il approuve parfaitement l'exécution de ses ordres. Sans blanchir Adolphe Nshimirimana, le grand criminel n'est pas celui qui tue mais celui qui donne des ordres de tuer. Ceux qui sont jugés à Arusha dans le procès du génocide rwandais n'ont pas pris les machettes ou commandé sur le terrain. Ils sont des planificateurs, des donneurs d'ordre et aussi des moyens.

Et la prière du Président!

Et alors! N'a-t-on pas vu des criminels aller prier après avoir fait des massacres? Il y a des chrétiens qui ont été même tués dans des églises au Rwanda avec la complicité de certains prêtres. Au Burundi, la prière est devenue la mode plus que la croyance. Certains prient pour le show, d'autres pour endormir d'autres, d'autres pour avoir des postes et enfin d'autres pour la bonne cause religieuse.

Burundi News avait publié une photo du Président Nkurunziza et d'Adolphe en train de prier à l'église de Simbananiye, que beaucoup de Burundais considèrent comme planificateur des massacres de 72. Qu'est -ce qui peut lier ces hommes? La repentance, non, je ne crois.

Les Burundais devraient la réalité en face. Les tueries ne peuvent pas continuer si elles sont commises par les services de l'Etat sans qu'elles soient l'œuvre du Président. Le général Adolphe Nshimirimana n'est qu'un exécutant zélé. Quelqu'un me disait que le Président Nkurunziza était en colère contre Adolphe parce que les tueries n'avaient pas assez rapidement. Il aurait menacé de s'en occuper personnellement. Disait-il la vérité ou pas? Toujours est-il que les tueries continuent et le peuple en souffre.

S'il faut juger demain dans un tribunal international, le premier à juger n'est pas le général Adolphe Nshimirimana mais le Président Nkurunziza lui-même comme son ami Bagbo. L'exécutant Adolphe Nshimirimana devrait être aussi jugé car un ordre de tuer ne doit jamais être exécuté; sauf sur le front contre un ennemi. Même en cas de guerre, il est strictement interdit de tuer les prisonniers.

Je défie quiconque me prouvera que les services de renseignements burundais font des massacres sans que le Président soit informé au préalable. Il est prévu tous les matins un rapport au Président directement sur la situation des renseignements du pays. Les deux hommes se rencontrent tête à tête ou par autre moyen.