ANALYSE
« Affaire Falcon » le grand déballage
Par Antoine Kaburahe

Devinette. Quel est le type d’avion le plus connu au Burundi ? Ce n’est pas le prestigieux Airbus A380. Ce n’est pas feu Concorde. C’est un petit avion appelé Falcon 50. Vous pouvez demander même au fin fond du pays, tout le monde connaît, au moins de nom, « Faracone ». Il a fait couler beaucoup d’encre l’ancien jet présidentiel, vendu dans des conditions qui restent obscures. Le Falcon vient même de faire sa première victime collatérale : le ministre Dieudonné Ngowembona a été demis de ses fonctions suite justement à cette vente qui, selon les associations qui luttent contre les malversations financières, a été « entourée de beaucoup d’irrégularités ». Mais « Diego », le ministre ex bruxellois qui a géré le dossier Falcon ne serait qu’un simple « fusible ». Sa destitution ne calme pas l’opinion qui veut la vérité, toute la vérité sur cette vente qui restera dans les annales de l’histoire nationale.
Au sein même du parti au pouvoir, beaucoup de militants demandent un grand déballage, ils estiment que ces « histoires de passation marché » qui ternissent l’image du parti ne concernent qu’un petit cercle d’affairistes. Ainsi, dans un document rendu public par la section du CNDD-FDD en Belgique, les militants déplorent ces « affaires » de corruption et « recommandent une enquête officielle pour nous laver de tout soupçon. Jusqu'à présent, aucune "affaire" de malversation économique n'a été jugée » écrit la section.

Possible de faire le tracing de la transaction

Quid de la commission mise en place pour faire la lumière sur l’affaire « Falcon » ? Elle est déjà contestée. Les observateurs font remarquer qu’elle est « monocolore »: les membres sont issus du parti au pouvoir mais surtout « tous sont des politiciens, aucun spécialiste en aviation n’est là alors qu’il s’agit d’analyser l’audit sur un avion ». Par ailleurs, les journalistes font remarquer que la commission ne compte aucun « expert en marchés publics » alors que « le vrai problème réside dans la passation du marché »
L’affaire « Falcon » ne fait que commencer. A l’heure où la technologie permet de faire le « tracing » de la moindre transaction bancaire sur la planète, il est évident que les millions de dollars de la vente du jet ont laissé des traces quelque part. Un spécialiste de la finance internationale estime que la vente ne s’est pas « faite sur un comptoir de bar », « ce sont de grosses sommes, l’argent est sortie de quelque part pour aller quelque part, le tracing est possible ». L’affaire dépasse donc le seul ministre Ngowembona et les ramifications risquent d’aller très loin et éclabousser beaucoup de personnes qui ont trempé de près ou de loin dans l’affaire. Les associations nationales et internationales qui luttent contre les malversations financières ont fait de « l’affaire Falcon » une question d’honneur. Ce n’est donc qu’une question de temps, aujourd’hui ou demain la vérité sortira. Selon une source bien informée, le ministre démis n’aurait pas apprécié d’être ainsi sacrifié et refuserait d’être un bouc émissaire. Ce qui est sûr Dieudonné Ngowembona n’a pas agi seul. Et s’il déballait tout ? Ce n’est pas impossible. Les USA ont eu leur « watergate », dans les jours à venir le Burundi pourrait avoir son… « Falcongate ».