L'AFRIQUE AVANCE RAPIDEMENT, LE BURUNDI FAIT LE CHEMIN INVERSE
Burundi news, le 17/04/2013
Par Gratien Rukindikiza
Le monde connaît une crise économique sans précédent si on exclut celle de 1929. Les causes sont presque les mêmes. Le capitalisme qui atteint ses limites sans que ses partisans n'arrivent pas à le réparer, à l'image d'un mécanicien qui use sa voiture et qui n'arrive pas à la réparer pour la maintenir en vie.
La crise actuelle est une crise de tout. Une crise économique, financière, budgétaire pour les Etats, des dettes pour les particuliers, de la stagnation pour les entreprises. C'est le monde développé qui connaît cette crise. Le monde émergent ne la connaît pas. La richesse a migré vers ceux qui n'en avaient pas. Même la Chine voit sa machine se gripper devant la morosité économique de l'Europe, la planche à billets américaine, le coma économique du Japon qui dure presque une décennie.
Ce constant fait un heureux ou une heureuse, l'Afrique qui décolle à une vitesse impressionnante. L'Afrique colonisée jadis, l'Afrique oubliée, terre des problèmes d'hier est devenue l'Afrique des progrès, de la croissance à deux chiffres au moment où un pays comme la France, même l'Allemagne pleure pour atteindre une croissance de son Produit intérieur brut de 1 %. L'Afrique insolente, arrogante par sa croissance quand son économie attire les jeunes diplômés européens. Les jeunes ingénieurs portugais se bousculent dans les halls des aéroports de Maputo, de Luanda, Malabo pour chercher du travail. Le nouveau Eldorado est l'Afrique. Tout est à reconstruire, il y a la vie, la force, la volonté de progresser, de se surpasser. Ceux qui affichent cette volonté avec franchise s'en sortent. il n' y a aucune fatalité. Les pays comme le Bostwana, le Ghana, le Mozambique, le Rwanda etc... n'ont rien à envier des autres économies.
Et le Burundi?
Au moment où les autres pays avancent, au moment où d'autres pays africains mettent en place des politiques 20-20, des 3 N, des millénium challenge, etc...., le Burundi met en place une politique pour reculer pour mieux chuter. Ce petit pays de 28 634 km 2 a des ressources. Il a un peuple travailleur. Il lui faut une bonne direction et il fait décoller le Burundi. La direction de ce pays pense aux trois poches du pantalon pour les remplir au moment où le peuple agonise de faim. La corruption est le mot d'ordre. L'administration qui était en retard a pris de la vitesse. C'est une véritable compétition. Aucun développement n'est possible sans lutter contre la corruption. Le Président tchadien a dû mettre en prison des proches pour que le Tchad comprenne que la lutte contre la corruption a commencé afin de démarrer les programmes de développement. Au Niger, le Président Issoufou a mis en prison deux ministres et plusieurs députés corrompus pour bien asseoir son plan de développement économique et social de 3, 8 milliards d'euros.
La richesse du Burundi est minière. L'or appartient aux généraux ex FDD, le nickel est acheté tour à tour par des sociétés qui ne l'exploiteront jamais. Il nécessite 200 MW pour l'exploiter. Tout le Burundi a moins de 40 MW. Le pétrole pointe les barils au fond du lac Tanganyika. Le plus rapide aura ce pétrole. Le lac Tanganyika est partagé avec la RD Congo, du moins sur sa partie du Nord. Je ne sais pas si celui qui l'exploitera sera dans les hauteurs de Buhonga ou Jenda ou de Fizi ou Mulembe. Toujours est-il que ce pétrole frontalier sera source de conflit.
L'autre richesse du Burundi est sa jeunesse. Une jeunesse désabusée avec ces milices du pouvoir, une jeunesse déshonorée, poussée à l'inactivité avec le chômage, une jeunesse sans visionnaire, sans avenir. Elle devait être créative, inventive. Il lui manque un cadre pour s'épanouir. L'insécurité alimentaire s'est ajoutée à l'insécurité physique.
L'agriculteur est la vache laitière. Il produit le café, le thé, le coton pour que les nantis du pouvoir s'enrichissent. L'extrême pauvreté des paysans est une honte face aux milliards consacrés théoriquement à l'agriculture. Ce même paysan qui est sollicité pour voter, donner carte blanche à une fausse élite égoïste, maladroite et brutale. Ce paysan manque de semences sélectionnées, de nouvelles méthodes agricoles. Il est invité à admirer celui qui est devenu agriculteur par l'argent de l'Etat, j'ai nommé le Président de la République. Il a pris des terres appartenant à la collectivité, les tracteurs, dons de la Libye, travaillent dans ses champs. Bref, le progrès agricole qui se trompe de chemin.
L'économie burundaise est agonisante. Ne parlons pas du marché brûlé sur ordre pour laisser place neuve aux spéculateurs. La monnaie ne fait que dégringoler. Le coût de la vie fait des catastrophes dans les ménages. Les repas ne sont pas garantis. Les salaires augmentent pour les nantis du pouvoir et le petit peuple croule dans la misère.
Le Burundi voit ses intellectuels aller proposer ses services aux pays voisins ou ailleurs, faute d'espoir dans le pays. La création de richesse est une idée oubliée. C'est plutôt la destruction qui s'observe.
Pas de développement sans démocratie et respect des droits de l'homme.
A quelques exceptions près, l'essor économique s'accompagne de la confiance. Le consommateur confiant consomme plus et fait tourner l'économie. Un consommateur inquiet est plutôt un épargnant. Il faut de l'épargne pour l'économie mais il faut aussi les consommateurs. L'exemple de la Chine est parlant. Son économie souffre avant tout de la faiblesse des achats en Chine. C'est la consommation qui fait avancer l'économie. Dans un pays comme le Burundi, l'absence de démocratie et de bonne gouvernance découragent la consommation et les investisseurs.
Les partis politiques commencent timidement à s'exprimer, à manifester. La société civile est dans le collimateur. La presse privée qui faisait un travail remarquable vient d'être bâillonnée avec une loi digne des pays dictatoriaux. L'obligation de dévoiler les sources du moment où le domaine de la sécurité est touché. Or, ce domaine est trop vaste au Burundi. La monnaie devient aussi un sujet pénal. Un journaliste qui peut être obligé de révéler ses sources sera obligé d'arrêter son métier. Le pire, le journaliste devra avoir un diplôme universitaire; une mesure imposée par des députés qui n'ont pas terminé le lycée. La tentative de museler la presse s'inscrit dans la préparation des élections 2015. Le pouvoir espère qu'elle sera à genoux d'ici 2015 en raison des procès et des condamnations civiles et pénales.
Au même moment, le Président Nkurunziza est contesté dans son camp. De plus en plus, les voix s'élèvent au sein du CNDD-FDD pour dénoncer la corruption, la brutalité du pouvoir qui privent le Burundi de l'essor économique comme les autres pays. Les autres pays avancent parce qu'ils ont des Présidents visionnaires. Or, le Président burundais est presque muet, sourd. Il suffit de discuter avec des officiels français qui l'ont rencontré lors de la dernière visite. Il a donné l'impression d'être absent, désintéressé à tel point que ses interlocuteurs étaient dégoûtés. Je me rappelle d'un témoignage à Burundi News d'une autorité qui l'a rencontré et qui a fini par pousser son subalterne vers le Président Nkurunziza afin de se dégager de son interlocuteur muet, sourd et impatient.
Il est difficile de marcher vers le développement quand le chef n'intéresse pas les donateurs.
Au Burundi, l'actualité africaine est absente. La presse n'en parle pas. C'est une erreur car c'est en Afrique que se trouvent les exemples de programmes de développement. La chute risque d'être dure au moment où la croissance chez les autres fera la fierté de ces peuples africains.