L'AFRIQUE DES PEUPLES OU L'AFRIQUE DES DIRIGEANTS?

 Burundi news, le 13/02/2016

Ô Afrique, pleure tes héros, pleure ton peuple maltraité, pleure ton uranium pillé, ton pétrole dévalué, tes valeurs souillées.

Ô peuples de l'Afrique, votre richesse est devenue votre malheur. Tes bulletins de vote sont devenus des cartouches contre vous. Tes urnes sont devenues vos tombes. Peuples africains, qui est votre sauveur? 

Les Africains ont un continent riche. Riche en esprit de solidarité, riche en hospitalité, riche en beauté de la nature. Riche en minerais, riche en terre fertile. Riche en sagesse humaine. Riche en ubuntu. Riche de tout. Et pourtant, pauvre. Quel est ce phénomène de pauvreté quand on est riche? Qui en profite? Qui exploite l'Afrique? Et les dirigeants? Qui aime l'Afrique? Qui la déteste?

L'Afrique convoitée et mal décolonisée

L'Afrique est comme une belle fille très convoitée mais que personne ne veut épouser. On aime l'Afrique par ce qu'elle apporte. On aime l'Afrique parce qu'il est facile de la piller. Souvent, le voleur ne vient pas de loin. S'il traverse la mer ou l'océan pour piller l'Afrique, c'est qu'il dispose d'un poste avancé local. On pourrait dire que presque tout le mal de l'Afrique tient son origine dans la décolonisation. Que Dieu me garde de parler de la Françafrique! Oh la France qui a imposé la dé-recolonisation de ses colonies. Qu'est-ce qu'ils ont été malins! De Gaulle a été clairvoyant pour son pays. Tant pis pour les Africains colonisés par la France. Il a demandé si les Africains voulaient l'indépendance totale. Seul Sékou Touré a dit oui et son pays a payé cher cette liberté les premières années. La Guinée devait créer sa monnaie et en plus cette monnaie a été assommée à sa naissance. Heureusement, le panafricain Nkrumah, Président du Ghana,  a aidé le peuple guinéen. La Guinée aujourd'hui a sa monnaie stable.

A part la Guinée Conakry, les autres pays de l'Afrique noire anciennement colonisés par la France ont obtenu l'indépendance avec une sorte de rattachement à la France par la monnaie et aussi par la sécurité. Le franc CFA reste le cordon ombilical qui relie la France à ses anciennes colonies d'Afrique noire. Le franc des colonies françaises d'Afrique CFA est devenu le franc de la communauté financière d'Afrique mais a gardé le sigle colonial CFA, une façon de rappeler aux Africains que la main mise est toujours d'actualité. Sacré franc CFA! Une dizaine de pays ayant des intellectuels de haut niveau ne pouvant pas avoir leurs propres monnaies est un véritable scandale d'indépendance. Ces pays doivent garder 50 % de ses réserves monétaires à la banque de France. Ils ne peuvent pas en disposer et quand ils en ont besoin, cela s'appelle une demande de prêt qui peut être refusée par l'ancien colon.

Alors que les autres pays se battent pour des stratégies de développement, ces pays africains sont forcés de mettre en place une politique anti inflationniste. Tout économiste sait qu'une dose d'inflation est nécessaire pour favoriser le développement des pays en plein essor économique. Au fond, l'inflation n'est pas un problème en Afrique. Le plus important est le plein emploi et l'augmentation de la demande. Tout développement crée de l'activité, de l'emploi, de la production et souvent la masse monétaire ne suit pas exactement. Il y a en ce cas plus de demande que de l'offre. C'est la loi de l'offre et de la demande. Les biens deviennent plus chers et cela encourage aussi la production, et du coup favorise le plein emploi et le bien être du peuple si c'est dans la phase de croissance. Dans le sens inverse, lutter contre l'inflation de 1.5 % actuel dans les pays de la zone CFA revient à bloquer le moteur de production, ralentir la croissance économique au nom de la lutte contre l'inflation mise en place en Europe sous la pression des Allemands tétanisés par l'inflation des années 30. Ces pays n'ont pas le droit de laisser flotter leur monnaie pour s'adapter au contexte régional ou international. Bref, les ministres des finances sont des sous- directeurs de la banque de France.

L'ancien Président togolais Chris Olympio avait décidé de sortir du franc CFA. Deux jours après, il était assassiné lors d'un putsch mené par un ancien sous officier de l'armée coloniale du nom de Gnassingbé Eyadema. Sankara y pensait aussi et il a été assassiné. Il est difficile de sortir du franc CFA seul mais c'est faisable collectivement.

Le franc CFA ne dérange pas les Présidents corrompus. C'est la monnaie par excellence qui facilite l'évasion fiscale. Ce sont les peuples qui sont perdants.

Le processus de décolonisation ne s'est pas bien passé. Le Portugal a laissé des pays exsangues avec des guerres internes pour l'accession au pouvoir. Les pays anciennement colonisés par le Royaume uni s'en sortent bien avec le Commonwealth. L'attachement reste commercial mais avec une grande liberté.

Qui aide qui?

 L'Europe aide l'Afrique, nous dit-on. Si c'était l'inverse. Quand les pays de la zone CFA reçoivent les intérêts sur leurs fonds placés obligatoirement à la banque de France, le comptable français l'inscrit dans l'aide au développement. Le manque à gagner découlant des 50 % des réserves rangées dans les coffres forts de France théoriquement mais officieusement utilisées est énorme. L'économie manque de fonds et cet argent placé dans des banques locales aurait généré plus de 3 % du PIB.

Les minerais de l'Afrique sont exploités avec des contrats plus politiques que miniers. Les redevances pour nos africains ne sont pas à la hauteur de l'exploitation, sans parler du refus par ces multinationales de traiter les problèmes écologiques liés à ces exploitations. Non seulement ces ressources sont mal payées mais le peu des redevances se retrouve dans des banques européennes. L'évasion fiscale, la fuite des capitaux menacent l'Afrique au profit de l'Europe et l'Amérique. En fin de compte, entre ce qui est appelé aide internationale et le manque à gagner à la spoliation de l'Afrique, on se retrouve dans le cas inverse. L'Afrique aide l'Europe. L'uranium nigérien éclaire la France avec des contrats plutôt politiques qu'économiques. Le Niger n'a pas une grande marge de manœuvre pour négocier avec Areva au moment où les commandos spéciaux français qui protègent le Nord du Niger sont considérés comme le rempart contre les attaques des islamistes. La question qui se pose est de savoir si les bases militaires installées en Afrique ne sont pas les véritables gardiens de la spoliation de l'Afrique et protecteurs de ceux qui livrent l'Afrique aux charognards.

L'aide à l'Afrique est inférieure à l'évasion fiscale pratiquée par les multinationales en Afrique. Cette aide est de loin inférieure aux envois de fonds de la diaspora à leurs familles.

L'Afrique reçoit chaque année d'une façon ou d'une autre de l'occident 134 milliards de dollars dont 50 milliards d'aides et plus de 60 milliards de fonds envoyés par la diaspora et 192 milliards de dollars sortent chaque année; soit une perte de 58 milliards de dollars.

Les 50 milliardes d'aide à l'Afrique sont composés d'ingrédients à l'image des produits financiers dérivés. Cette aide comprend les remises de la dette, les frais de renvoi des clandestins qui sont en Europe, les salaires des experts, pardon, de faux experts en Afrique.

L'Afrique devait comptabiliser aussi l'aide à l'occident. On aurait des "produits financiers classiques", quantifiables. Il s'agit du manque à gagner dû aux matières premières achetées à des prix dérisoires, l'évasion fiscale, le manque à gagner dû à la corruption légalisée. A titre d'exemple, le droit fiscal français permet à une entreprise française de déduire de ses impôts la corruption en Afrique pour gagner un marché. Seul bémol, ne pas corrompre un agent de l'Etat; donc un fonctionnaire. Il est simple de contourner. La société donne l'argent à un avocat d'affaires local qui redistribue aux agents de l'Etat pour gagner le marché.

L'aide aux dirigeants et non aux peuples

 L'aide à l'Afrique sert à s'acheter une bonne image pour l'occident. L'occident qui pille l'Afrique a besoin de se montrer "généreux" en distribuant des miettes qui proviennent de la plus value réalisée à partir des matières premières achetées à très bas marché. Nous les Africains, nous n'avons rien compris à notre économie. Quel est le produit occidental côté sur un marché hors de chaque pays? Aucun. Pour les Africains, le pétrole est coté à Londres, le cuivre, le nickel, l'or etc... sont cotés hors de l'Afrique. Ceux qui produisent et vendent ne fixent pas les prix mais ce sont les acheteurs qui s'organisent en cartel pour déterminer les prix en fonction de leurs intérêts et anticipations. C'est le monde à l'envers que seuls les Africains peuvent accepter.

L'aide reçue est sous forme monétaire. Cette aide est souvent accompagnée de contrats et ceux qui réalisent ces contrats viennent du même occident. La France avait accepté de financer une infrastructure au Kenya mais à condition que les Kenyans acceptent que les sociétés françaises occupent plus de 70 % du marché. D'autres aident comportent un volet expertise et ce sont les occidentaux qui deviennent des experts alors qu'il y a des africains ayant fait les mêmes études et mêmes compétences. En fin de compte, cette aide retourne en occident d'une façon ou d'aune autre à plus de 60 %. Pour les 40 %, les dirigeants renvoient en Europe un pourcentage selon les pays sous forme de détournement. Cet argent du développement du pays sert à acheter des villas, à payer des voyages en occident des maîtresses, des produits de luxe alors que la misère ravage le pays.

Cette aide qui n'en est pas une, sert finalement les dirigeants. Si elle était destinée à développer la richesse des dirigeants, on pourrait dire qu'elle a rempli sa mission. Comme elle est pour les peuples, c'est une calamité. Si l'aide était interrompue en Afrique, ce sont les dirigeants corrompus qui souffriront le plus.

L'égoïsme et la tragédie des pouvoirs en Afrique

Quand on arrive au pouvoir en Afrique, c'est comme si on gagnait à la loterie. Certains dirigeants n'entendent pas quitter le pouvoir et c'est le début des malheurs des peuples. Les deux mandats sont devenus du passé. On revient au temps des partis uniques. Au moins à cette période il y avait des coups d'Etat qui permettaient les alternances. Actuellement, ces dirigeants s'imposent par la force au nom de la démocratie. Les armées sont devenues des clubs des fonctionnaires aux ordres des dictateurs. Dans plusieurs pays, ces armées ont perdu de leur splendeur, de leur vivacité et ne sont plus capables de défendre les frontières. Celui qui arrive au pouvoir façonne l'armée pour le défendre et développe au sein de cette armée une certaine animosité à l'égard de son peuple. Il fera d'abord une partition de son peuple en ethnies, régions, religions etc... Il désignera de ce fait son ennemi parmi son peuple à son armée. Au moindre difficulté, le Président envoie l'armée contre son peuple.

L'Afrique des peuples devient l'Afrique des dirigeants.

Le club des ennemis des peuples plus solidaire que jamais

Au moment où les peuples africains croupissent dans la misère, certains chefs d'Etat surtout de l'Afrique centrale, que je ne désignerai pas mais en signalant qu'ils ont du pétrole chez eux, envoient des valises de billets à leurs collègues dictateurs afin de tenir. Certains disent que le Président Congolais Sassou Nguesso a envoyé de l'argent à Nkurunziza pour tenir bon. A ce moment, le peuple congolais manque de tout. Il y a aussi une pratique de mendicité de certains chefs d'Etat au titre personnel. L'argent qui circule entre les chefs d'Etat pourrait financer le système de santé au Burundi. Mais cet argent va dans les poches des dirigeants au détriment des peuples. Oh peuples africains maltraités!

Ces dirigeants ont créé un grand club. Ce club analyse les conditions pour tenir face à ces méchants africains qui veulent les empêcher d'opprimer leurs peuples. Les massacres des peuples ne les concernent pas du moment où leurs richesses ne sont pas touchées.

Les Burundais victimes de ce club

Le Burundi se trouve dans une phase pré génocidaire. Un génocide qui concernera les tutsi et certains hutu opposés au troisième mandat. Le peuple burundais appelle à l'aide. Le conseil de paix et sécurité de l'Union africaine avait décidé l'envoi de 5 000 militaires pour protéger le peuple burundais contre le dictateur Nkurunziza. Quelques temps après, la Maprobu n'est plus à la une. Après le refus de Nkurunziza, l'Union africaine est devenue le club des gamins à qui on donne l'autorisation d'aller jouer ou pas. La Maprobu ne sera pas envoyée au Burundi. Ce club a fait du lobbying même auprès des quelques démocrates qui restent en Afrique. Ces derniers ont abdiqué devant ce club. Aujourd'hui, le peuple burundais lutte seul pour sa survie.

Les peuples africains ont intérêt à créer leur union africaine des peuples. Celui des chefs d'Etat ne les concerne pas. Naguère humiliés, maltraités par les colons et voilà ces peuples encore humiliés, maltraités par les néo-colons africains mais encore debout.