ET SI L'AFRIQUE SAUVAIT L'EUROPE!

Burundi news, le 15/05/2013

Par Gratien Rukindikiza

L'Europe est en crise, la deuxième crise depuis celle de 1929. La crise de 1929 a fait des ravages. L'Amérique était au bord du gouffre. Les usines fermaient, les banques fermaient, le pays stagnait. La surabondance a cédé la place à une crise sans précédent. L'économie capitaliste atteignait le stade d'explosion. Le monde a eu la chance d'avoir un Roosevelt à la tête de la première puissance mondiale au moment de la crise. Il a sauvé l'Amérique et partant le monde grâce à sa politique du New deal. Il a osé l'impensable en mettant les pieds dans les plats de la théorie capitaliste. L'économie ne se régule pas par la force du marché. L'interventionnisme de l'Etat est indispensable. Roosevelt a sauvé le monde avec sa politique de creuser les trous pour les reboucher. Si le Président Roosevelt avait agi de la même façon que le  Président François Hollande ou de la chancelière Angela Merkel, Hitler aurait dominé le monde.

L'Europe a perdu la boussole

Les économistes très éloquents sont devenus muets, les politiciens européens en charge des affaires des Etats  fuient les micros autant que possible dès qu'il s'agit de parler de la crise qui ravage l'Europe. Comme un étudiant en médecine n'ayant pas assimilé ses cours, le diagnostic est mal posé. Difficile de prescrire un médicament. Juste un calmant pour ne pas tuer le malade mais sans le sauver.

La crise des Subprimes a déclenché la mise à nu de l'économie européenne, de sa fragilité et de son manque d'anticipation. Les Etats européens endettés croyaient être en mesure de sauver les banques. L'Etat espagnol y a laissé ses plumes en  sauvant les banques englouties par les impayés des crédits aux programmes immobiliers irréalistes, sans de probables acheteurs. L'Espagne a cru qu'il s'agissait de construire des villes pour que les acheteurs se ruent sur ces maisons neuves.

La France n'a pas connu les mêmes problèmes que l'Espagne. Elle est victime de sa dette, de sa mauvaise gestion des programmes économiques surtout de la première année à l'arrivée au pouvoir. La France a chaque fois tenté de sauver les riches au détriment des pauvres consommateurs. Le moteur de la croissance est la consommation. La propension marginale à consommer d'un pauvre est de loin supérieure à celle d'un riche. Un riche qui reçoit un revenu supplémentaire d'un million peut ne pas consommer un seul euro car il en avait déjà. Un pauvre à qui on donne 5 000 € va les dépenser car il en a besoin pour manger, s'équiper. Les 5 000 € vont faire tourner l'économie. Notre riche voudra les placer en banque, pourquoi pas en Suisse.

L'Europe a besoin d'une direction, d'une voie claire. Or, elle a perdu sa boussole. Elle scrute l'horizon lointain, un éventuel retour de la croissance américaine, les emplois créés en Amérique. L'Europe a besoin d'un sauveteur. La Chine? L'Amérique? Non.

Oui, l'Afrique pourrait sauver l'Europe

L'Europe a colonisé l'Afrique. Elle a pris son essor en puisant gratuitement en Afrique des matières premières nécessaires pour son industrie. A l'indépendance, les pays africains n'ont pas été remboursés. Ces pays ont enduré un système inadapté, mis en place pour servir les anciens colonisateurs. Beaucoup d'années après les indépendances, les pays africains ont eu du mal à s'affranchir des anciens colonisateurs. Ceux qui ont tenté de le faire ont été déstabilisés, voir tués. On peut citer Lumumba, Sankara.

La nouvelle génération de certains  leaders  africains a compris que l'Afrique compte dans la géostratégie économique du monde. Les anciens colonisateurs sont en cours d'être devancés par les nouveaux pays émergents. La Chine devance avec son PIB toutes les autres puissances sauf les Etats Unis d'Amérique, le Brésil est devant le Royaume Uni avec son PIB de 2 517 milliards de dollars en 2012. L'Europe perd progressivement son industrie, son savoir se fait concurrencer par les pays émergents. La question qui se pose est de savoir si elle se fera manger littéralement par la Chine sans sortir sa dernière artillerie.

Le chômage progresse, l'endettement ne faiblit pas, les banques ont des actifs de loin supérieurs à trois fois, voire quatre les PIB (produit intérieur brut) des pays. La jeunesse des pays européens du Sud cherche du travail jusqu'en Afrique.

L'Europe manque beaucoup de choses aujourd'hui. Même les capitaux manquent. C'est comme si on disait qu'il manquait du pain chez le boulanger. L'Europe pointe au FMI comme l'Afrique, du moins certains pays. L'Algérie finance le FMI. L'Algérie, l'Angola, la Guinée Equatoriale, le Mozambique etc... sont capables de financer le déficit d'un pays comme le Portugal.

Une croissance insolente, un avenir meilleur de l'Afrique

L'Europe entre en récession. Même l'Allemagne pleure pour avoir  1 % de croissance. L'Afrique, comme si elle voulait narguer l'Europe, affiche un taux de croissance de 5 %, dans certains pays de  10 %. Un petit pays comme le Rwanda, sans pétrole ou minerais se rapproche de 10 %. Le dynamisme des économies africaines, la volonté de fer de briser les tabous, de sortir de la pauvreté ces peuples qui ont connu des souffrances poussent certains dirigeants à retrousser les manches.

L'Afrique a une croissance qui crée l'emploi. Beaucoup d'Africains de la diaspora retournent en Afrique pour contribuer à ce dynamisme dans les pays stables. Les ingénieurs manquent pour soutenir ce dynamisme. L'Afrique peut embaucher les jeunes ingénieurs européens pour son industrie pétrolière. Presque tous les pays d'Afrique ont le pétrole ou le gaz. Les multinationales, soucieuses de maintenir les prix du pétrole au haut niveau, annoncent à compte goutte les découvertes pétrolières. Ce sont ces compagnies étrangères qui exploitent ce pétrole. L'Afrique retrouvera sa fierté en s'associant pour créer des compagnies d'extraction et de commercialisation du pétrole. Cette croissance est comme une manne du ciel. L'Afrique ne doit pas gâcher ses chances. Elle doit passer du stade de vendeur de matières premières  au stade de transformateur de ces  matières en produits manufacturiers. L'Europe pourrait être sauvée par l'achat des produits de consommation non loin de la Méditerranée. Elle pourrait s'associer avec des Africains pour redémarrer leur économie et aussi permettre aux Africains d'acquérir la technologie.

L'Europe s'est tournée vers la Chine pour redémarrer son économie. Les Chinois ont été malins car ils ont tout copier et vendent aujourd'hui moins cher que les Européens. Les Européens pourraient ne pas commettre les mêmes erreurs avec un contrat gagnant gagnant avec l'Afrique.

L'Afrique n'a pas besoin d'aide

L'Afrique ne demande pas l'aumône. Les Européens et Américains devaient savoir que l'évasion fiscale vers ces pays dépassent de loin l'aide au développement à l'Afrique. L'aide est de 30 milliards et l'évasion fiscale est de 38 milliards de dollars. En plus, toute l'aide est détournée par les dirigeants corrompus. Les détournements en Afrique dépassent les aides. Il suffit que les Etats luttent contre l'évasion fiscale avec les contrôles accrus des échanges commerciaux entre les filiales et les maisons mères et  contre la corruption pour dire non merci à l'aide et à ces plans diaboliques du FMI et de la Banque Mondiale.

Le développement à la chinoise n'intéresse pas l'Afrique. Les Africains doivent avancer ensemble. Les paysans, les petits gens doivent constater que l'Afrique bouge pour eux aussi. C'est le développement inclusif, une croissance partagée. Du moment où  les Africains se sentiront concernés, ils auront confiance et se mettront à consommer, à construire et à se connaître. Il suffit que l'Afrique augmente de les échanges commerciaux sur le continent pour que la croissance se propage dans les autres pays.

Au lieu de se tourner vers les aides, l'Afrique a besoin de canaliser sa croissance, de faire les Etats généraux pour redéfinir la finalité de son économie. Que l'Afrique refuse de quémander, de louer ses terres pour des miettes, de brader ses ressources minières, de voir la famine, la misère sur le continent. Que l'Afrique se décide d'aider les plus faibles comme le Burundi, la Somalie, les Iles Comores etc... Sans l'aide internationale, l'Afrique pourrait se développer car elle sera libre, libre de ses choix économiques, libre de son autodéfense, libre de ses choix politiques, diplomatiques. Affranchie des diktats des puissances occidentales, elle pourra négocier d'égal à égal avec l'Europe.

L'Afrique pourra apporter son aide à l'Europe

L'Angola a déjà commencé avec le Portugal. Il a injecté des capitaux dans l'économie du Portugal, ancien colonisateur. La France tire aussi quelques ressources des pays de la zone CFA. Les réserves monétaires de ces pays se trouvent en France. Elles profitent plus à la France. Le Gabon permet à la France de garder son "indépendance énergétique" avec Elf.

L'Afrique ne pourra pas tout réinvestir sur le continent. Elle devra diversifier en achetant en Europe; ce que fait le Qatar. Elle pourra racheter des usines au bord de la faillite pour les faire démarrer et acquérir aussi la technologie à transférer en Afrique. Plus l'Afrique sera riche, plus l'Europe sera sauvée. Espérons que les Africains seront des gentlemen's et ne seront pas racistes. Il faudrait accepter, accueillir à bras ouverts des Européens à la recherche d'emplois, des opportunités pour investir dans l'Afrique prospère.

Les Africains auront besoin d'acheter des biens des classes moyennes. L'Europe pourra réouvrir ses usines pour satisfaire les besoins de la classe moyenne africaine à la recherche des produits solides et conformes aux normes. L'Europe sera à l'honneur. Le chômage baissera grâce à la nouvelle consommation de ces classes moyennes. C'est une embellie qui durera dix à vingt ans avant que les Africains ne maîtrisent pas la technologie. L'Europe n'aura d'autre salut que dans la recherche développement pour inventer les produits du futur. Si l'Europe face à l'Afrique émergente n'innove pas suffisamment, elle souffrira à tel point que les nationalismes naîtront et le monde ne sera pas à l'abri d'une nouvelle grande guerre. Cette fois, les Africains iront se battre en Europe sans être commandés par des Européens.

Le monde sera celui des pays émergents dont ceux de l'Afrique. Le facteur démographique est en faveur de l'Afrique car elle aura une main d'œuvre suffisante. L'Europe aura besoin des travailleurs africains instruits, compétents, des ingénieurs et médecins car sa population sera vieillissante au moment où l'Afrique sera le continent ayant un fort taux de croissance démographique. Ce sont des Africains qui paieront les retraites des Européens.