AGACIRO DEVELOPMENT FUND, UN MIRAGE OU UN MIRACLE?

 Burundi news, le 28/11/2012

Par Gratien Rukindikiza

Le Rwanda subit dans ces jours la colère de la communauté internationale après le début de la rébellion du M23 au Congo. Deux rapports ont déjà désigné le Rwanda comme étant le financier et le stratège du M23. Ces allégations ont été niées par le Rwanda et par la rébellion M 23. Certains pourront dire qu'ils ne pouvaient dire autrement. Beaucoup de projets ont vu les aides suspendues ou arrêtées. Le Rwanda se trouvait dans une impasse. Tous les observateurs misaient sur la soumission aux conditions pour recevoir encore les aides. Or, le Rwanda a toujours nié mais en acceptant de pouvoir aider à trouver une solution si le Congo et la communauté internationale le lui demandaient.

Devant un défi, une solution inattendue

Le Président Kagamé qui aime parler de la dignité, de la valeur humaine, a choisi la voie interne pour retrouver la dignité. Il a misé sur le patriotisme des Rwandais, la détermination, pour financer le développement à titre volontaire. Agaciro Development Fund a été inauguré au mois d'août 2012.

L'appel lancé aux Rwandais a été entendu. Depuis le mois d'août 2012, le montant collecté avoisine 1, 5 millions d'euros. Les services rivalisent même si certains se plaignent du fait qu'ils sont obligés moralement de cotiser pour ne pas être pointés du doigt par les proches du pouvoir. Certains concluent rapidement que celui qui ne soutient pas Agaciro Fund est contre le pouvoir.

Tout en espérant que certains chefs ne forcent pas leurs employés à cotiser, ce fonds est une première en Afrique. Il fallait y penser. Quémander une aide est devenu une habitude et aussi un frein pour le développement endogène. Certains pays africains financent plus de la moitié de leur budget avec l'aide internationale. En cas d'absence de ces aides, les pays se trouvent démunis. Des budgets ont été exagérés parce qu'un financeur était présent. Nous sommes aujourd'hui à une période où l'Afrique doit choisir. Rester dans la misère à quémander de l'aide ou reprendre la gestion de ses richesses, refuser de les brader en les transformant en produits de consommation ou d'utilisation pour le marché africain. Celui qui vous donne une aide d'une main retire le double de l'autre main.

La solution trouvée par le Rwanda serait un miracle s'il allait jusqu'au bout, c'est-à-dire financer son budget de fonctionnement à 100 % par des fonds internes y compris les recettes fiscales. Cette autonomie pourrait lui permettre de se développer à son niveau car construire des villes, des routes avec de l'aide ruine l'entretien de ces équipements après les aides.

Agaciro fund ne doit pas s'approvisionner au Congo

Agaciro fund est un très bon exemple pour les autres pays africains. Cependant, les Rwandais doivent fournir des gages de respect de la richesse des autres. Les Congolais qui soupçonnent le Rwanda de piller leurs richesses de l'Est  sont les premiers à être rassurés. Si le Rwanda mobilise des fonds qui sont suspects à l'égard du voisin de l'ouest, sa stabilité serait en danger.

Par ailleurs, le Congo abrite des millions de hutu rwandais qui errent dans les montagnes du Kivu. C'est une richesse et c'est aussi un défi. Ces hutu ont leur place au Rwanda. Il appartient au Rwanda d'utiliser la valeur ajoutée de l'économie rwandaise actuelle pour acheter la paix et résoudre cette question des réfugiés rwandais. Tout le monde sait que le Rwanda a connu un génocide. Des mécanismes peuvent être discutés pour garantir la sécurité des minorités et aussi des majorités. En politique, tout est possible et chacun a sa place.

Et le Burundi, Iteka Fund?

Ce qui se fait au Rwanda traduit un certain patriotisme. La mobilisation de la diaspora rwandaise en France à Paris ce samedi passé en date du 24 novembre en était l'exemple. Collecter en une soirée plus de 25 000 euros alors que les personnes présentes étaient autour de 150 relève d'un exploit. Il suffit de se rendre dans une fête nationale burundaise pour constater le manque de mobilisation. Il y a fort à parier qu'il serait difficile de collecter même 10 % de ce montant. Ce n'est pas par manque de patriotisme des Burundais mais parce que personne ne sait si l'argent ne serait pas détourné à Bujumbura. Ce fonds nécessite une confiance dans la gestion des deniers publics du pouvoir.

Si le Président Nkurunziza veut lancer Iteka Fund, il faudra qu'il commence par balayer autour de lui avant de s'adresser aux Burundais. Construire son pays est un grand plaisir et aussi une fierté. C'est le pouvoir qui mobilise son peuple et c'est ce peuple qui construit le pays.  Un pouvoir qui affirme construire le pays tout en réduisant son peuple à ramasser les miettes est dans une pure utopie.