LE BURUNDI MALADE DE SON AGRICULTURE

Burundi news, le 10/01/2011

Par Gratien Rukindikiza

Loin de la politique politicienne, le Burundi a un problème principal; celui de nourrir sa population. Un pays doit pouvoir nourrir sa population ou dégager une plus value économique pour être capable d'importer les denrées alimentaires aux prix accessibles. L'industrialisation ou le développement des services ne peut se concevoir avec une agriculture délaissée. L'agriculture n'est pas le défaut de tel ou tel régime. Elle est l'enfant oublié de l'élite. Un Burundais aimait blaguer en disant que quand s'il y aura  la famine au Burundi, il mangerait des conserves. Ce raisonnement illustre le manque d'intérêt de l'élite par rapport à l'agriculture. 

Au départ, c'était la houe et elle est toujours là!

La houe est le contraire de développement. Elle est le symbole de cette médiocrité de l'élite burundaise qui est passée du stade piéton à la voiture de luxe mais qui ignore le moteur de cette économie burundaise. Cette houe fatigue le paysan et ne renvoie pas l'ascenseur. Difficile de produire pour manger et pour vendre dès lors qu'on utilise la houe. Le temps consacré à l'agriculture est énorme par rapport à sa productivité. Il est grand temps que les Burundais accèdent à la charrue dans un premier temps et au tracteur après. Ce n'est pas de l'utopie. Mwezi aurait dit que ça serait de l'utopie de disposer de son avion de voyage. Le monde évolue, tout change sauf la loi du changement. Le chimiste Lavoisier aurait ajouté, sauf la loi du changement et la houe au Burundi.

Cette houe est la honte de l'élite et elle est le signe du courage des paysans.

La terre doit être cultivée autrement

La terre a été partagée par plus de 2 fois depuis l'indépendance. Deux générations de paysans ont déjà partagé la terre familiale. Cette terre produit moins par rapport à la période d'indépendance et on la demande de nourrir 2 fois plus de population. Aujourd'hui, pour la faire donner ce qu'elle n'a pas, certains l'assomment à coup d'engrais chimiques inadaptés qui vont polluer la nappe phréatique les années à venir.

Il est impensable que les haricots plantés soient ceux adaptés  à de grands terrains alors que ce sont de petits lopins de terre. Le Rwanda y a pensé et encourage les paysans à planter des haricots qui prennent de la hauteur jusqu'à deux mètres. Ceci explique pourquoi les Burundais vont acheter les haricots au Rwanda. Au Burundi, cette variété a été expérimentée à l'ISABU. L'ISABU de tout le Burundi est incapable de fournir aux paysans burundais réunis une tonne. Une information bien vérifiée auprès de l'ISABU.

Les vallées restent inexploitées pendant des mois alors que c'est une terre qui ne nécessite pas d'engrais. Il y a moyen d'alterner les pommes de terre avec le haricot.

Où sont les agronomes?

Le grand paradoxe burundais est l'absence des agronomes sur le terrain. Ceux qui ont fait la faculté d'agronomie sont soit dans les bureaux; soit au chômage. Il manque des agronomes sur le terrain. Et pourtant, il suffit de mettre les agronomes qui sont au chômage à leur place, à savoir le terrain. Le paysan est délaissé. Ceux qui sont sensés les suivre se contentent de produire des rapports bidons au lieu d'aider le paysan à doubler ou tripler sa productivité.

La formation technique burundaise est aussi à revoir. Il n'est pas normal que les gens formés soient incapables de penser, d'innover, de créer en dehors des théories apprises en classe. Ces agronomes ont le rôle de créer une autre agriculture. Celle d'aujourd'hui a échoué et la famine menace nos paysans.

Les milliards d'argent  à l'agriculture ne profitent pas aux paysans

Comme tout projet au Burundi, les dépenses sont plutôt administratives. Les projets naissent ici et là et aussi des voitures tout terrain polluantes s'acquièrent à coup de dizaines de millions de francs bu. Le paysan n'aura que des miettes pour s'acheter des chèvres ou pour un petit projet, juste pour justifier la comptabilité des gérants de ces projets. Ces projets se conçoivent en dehors de la réalité du terrain. Ils descendent comme des ordres au lieu de remonter comme des souhaits. Il y a  des régions où des vaches laitières modernes sont données aux paysans alors qu'ils n'ont même pas planté des herbes pour les nourrir.

D'autres projets existent sur le papier mais ils ne sont nulle part sur le terrain.

Travailler la terre ou aller dans les grandes villes comme  Bujumbura?

Abandonnés par l'élite, beaucoup de paysans sont attirés par les lumières de grandes villes et espèrent y trouver une vie meilleure. La déception est vite au rendez-vous. L'exode rural est la conséquence de cet oubli de la paysannerie. Si la terre produisait plus, si la terre ne fatiguait pas autant, les paysans n'auraient rien à envier aux citadins. Le jour où la campagne sera rehaussée par des projets de développement agricole, bien pensés et adaptés, il y aura l'exode urbain vers la campagne.

Ces paysans paisibles seront à la base d'une révolution à venir quelque soit le régime au pouvoir. La faim et le manque d'espoir ne laisseront pas l'élite dirigeante tranquille dans cinq ans, dix ou vingt ans.