FAUT-IL AIDER LE BURUNDI?
Burundi news, le 14/10/2012
Par Gratien Rukindikiza
Une conférence est prévue du 29 au 30 octobre 2012 à Genève pour réunir les bailleurs de fonds et les autorités burundaises. Les autorités burundaises s'y préparent tant bien que mal. Des arrestations des policiers ont été opérées, une façon de montrer que la question des assassinats orchestrés par certains policiers est prise au sérieux. L'optimisme ne durera pas longtemps car le procureur général a déçu les espoirs en déclarant qu'il n' y a pas d'exécutions extrajudiciaires au Burundi.
La loi sur l'opposition destinée à caser les dissidents du FNL dirigés par Miburo est un fiasco. Les avantages destinés au poste de porte parole de l'opposition sont prévus pour Miburo. Ceci explique les sorties médiatiques de cette dissidence du FNL ou le FNL Nyakuri II car le I était de Jacques Kenese qui n'aura que le poste de gouverneur. Cette loi est aussi prévue pour démontrer aux bailleurs que le pouvoir entend dialoguer avec l'opposition. Cette loi est déjà contestée par les membres de l'ADC Ikibiri.
Les dividendes attendus du retour négocié de l'ancien porte parole du Frodebu, Pancrace Cimpaye, n'ont pas été à la hauteur. En matière de mensonges politiques, la vérité est souvent connue. Le pouvoir doit continuer à chercher des signes trompeurs pour réussir cette rencontre à plus de 2 milliards de dollars.
Faut-il aider le pouvoir ou les Burundais?
Le degré de corruption et de favoritisme au Burundi a déjà marqué la séparation entre le pouvoir et le peuple, y compris même au niveau des deniers publics. La question se pose sérieusement. Il y a lieu de se demander combien d'euros bénéficiera le paysan de Ruzo en terme d'avantages tirés de ces 2 milliards de dollars. Si les 4/5 resteront dans la capitale sous forme de voitures, locations de bureaux, missions à l'étranger, de consultance, de téléphone ou de papiers, à quoi ça sert d'avoir cette aide? Que le pouvoir demande son aide et laisse le peuple demander le sien.
Par ailleurs, si réellement ces 2 milliards sont destinés à augmenter la production agricole, à promouvoir l'industrie légère, génératrice d'emplois et d'exportations, à favoriser l'amélioration de la santé de la population et son logement, tout en consacrant plus de 2/3 aux projets en soi (hors administratifs), cette aide est souhaitée et sera salvatrice.
Il faudra cependant arrêter des mécanismes de surveillance pour que cette aide ne soit pas détournée au profit des équipements destinés à réprimer la population.
Et les conditions?
Si l'aide est destinée à la population, la question des conditions ne se pose pas car ce peuple burundais subit depuis plusieurs années les affres de la cupidité, de la corruption de l'équipe au pouvoir. Refuser une aide pour le sauver serait une erreur. Cependant, confier à ce pouvoir la gestion de cette aide serait aussi une erreur. La meilleure solution serait de confier l'aide à un organisme international assisté par la société civile et le gouvernement et de financer directement les projets des associations locales de la population.
Concernant des financements d'équipement, l'énergie, le privé, le tourisme et l'intégration régionale, les bailleurs de fonds devraient poser des conditions notamment la bonne gouvernance, le respect des droits de l'homme, la lutte contre la corruption, la liberté de réunion des partis de l'opposition, l'arrestation des assassins de Manirumva, les responsables du carnage de Gatumba, la réforme des services de renseignement et les conditions de retour des leaders politiques se trouvant en exil. Ce sont ces conditions qui pourraient contraindre le pouvoir à changer sa stratégie de répression du peuple et à accepter de combattre la corruption et asseoir un bon climat pour les élections de 2015 d'autant plus que ces fonds sont destinés sur une période de 5 ans.
Il fut un moment, le parti CNDD-FDD demandait aux bailleurs de fonds de ne pas accorder les aides au Burundi au moment où il était en rébellion. Aujourd'hui, aucun parti politique ne demande le refus de l'aide. Ce même parti au pouvoir actuellement devait comprendre que la classe politique burundaise a évolué. Il devait se demander pourquoi le pays a reculé en matière de corruption et en respect des droits de l'homme.
Les aides, oui. Mais pour le peuple.