ON EN APPREND TOUS LES JOURS.

Salvator NAHIMANA.

 

          Avec tout ce qui s’est passé au Burundi, on en apprend tous les jours. Mon avis partagé « DEUX ARTICLES VIENNENT DE FORCER MON ADMIRATION »,  paru sur Burundibwacu.org et Burundi news a suscité la réaction suivante : « Salvator Nahimana réagit, c’est bien la preuve qu’il lit. Toutefois, il se trompe, s’il connaît le Burundi, en ce qui concerne en particulier les victimes de 1965, 1969, et 1972, quand il affirme que les retraits d’argent dans une banque suivent une procédure rigoureuse avec différents contrôles. A la Cadebu, en 1972, on utilisait les seins des femmes (!) en lieu et place des empreintes digitales. Ma source est sûre ! … ».

Voilà une réaction avec « une source sûre » qui prouve une fois de plus que des Barundi ont été spoliés de leurs biens. Cette information a tout de suite fait ressurgir en moi l’image de l’embarquement à Nairobi au mois de juillet de cette année des paysans (bébés, enfants, adolescents, femmes et hommes) d’origine burundaise. En discutant dans l’avion avec le plus âgé d’entre eux, il m’a raconté qu’il avait quitté  sa région natale en 1972 pour se réfugier au Rwanda. En 1994, il a dû quitter le Rwanda pour la Tanzanie.  Il s’était rendu sur sa colline natale au Burundi en 2006. Les autorités burundaises  lui ont fait comprendre qu’il ne recouvrerait plus sa propriété après plus de 30 ans. Ce qui l’a plus choqué, c’est qu’aucune solution de rechange ne lui ait pas été proposée. Il est retourné en Tanzanie la mort dans l’âme et il s’est décidé à adhérer au programme de réinstallation des réfugiés Barundi aux USA. Il m’a bien dit que toutes personnes qui partaient étaient dans le même cas que lui. Ils étaient au moins deux à trois dizaines. Le vieux était content d’échanger avec moi. Sa décision de partir a été prise pour ses enfants et non pour lui-même. Ils n’avaient aucun avenir en Tanzanie, disait-il. Je lui ai dit qu’il fallait que tous ces enfants soient scolarisés, qu’ils soient les meilleurs et qu’il ne fallait pas qu’ils se contentent des petits boulots que les Américains ne veulent plus.

            A la question de savoir s’il y avait une autorité burundaise qui les accompagnait jusqu’à leur nouvelle terre d’accueil, il m’a plutôt montré une dame et un monsieur qui parlaient swahili. C’était eux qui les accompagnaient et il m’a dit qu’ils n’étaient pas d’origine burundaise. Il y a lieu de se poser la question de savoir si  le gouvernement américain aime  plus ces Barundi que le gouvernement burundais ! Je sentais de l’angoisse et de l’amertume chez mon interlocuteur quand il m’a confié que personne ne parlait anglais dans le groupe des Barundi. Je lui ai dit de ne pas s’inquiéter, que l’apprentissage se ferait vite, comme quand il a appris le swahili ! Il a tout de suite esquissé un sourire !

Quant on s’est quitté à l’aéroport de Bruxelles, je leur ai souhaité bon courage et bonne chance. J’ai donné mon adresse mail aux jeunes pour qu’un jour, quand ils le pourront, me racontent leur vie là-bas. Le pourront-ils ou y penseront-ils encore ?

Ces témoignages montrent bien que des biens ont été spoliés.

Ces exemples ne sont pas des cas isolés. Un ami, natif de  Ryarusera, installé à Séguret dans le sud de la France, m’a appelé après la lecture de l’article. En puisant dans ses souvenirs d’enfance, il s’est souvenu d’un livret d’épargne dont son père était fier. Celui-ci était cuisinier chez les prêtres à Rushubi. Il semblerait que l’épargne était obligatoire pour lui à la Caisse d’Epargne vers les années 1965. Cette caisse d’épargne, d’après toujours ses souvenirs, est devenue par après la Cadebu. Le vieux papa a fini par rejoindre l’au-delà par mort naturelle sans jamais récupérer son épargne malgré mille et une réclamations !

 

Avec tout ce qui précède, il devient normal pour un citoyen Murundi de se demander si son administration d’hier et/ou d’aujourd’hui le protège. Malheureusement, les malversations économiques  actuelles le renforce dans son questionnement.

Que faire alors ?

Dans les pays dits développés dont certains citoyens ont été spoliés de leurs biens par les représentants de l’administration ou à cause de leur faute, leurs descendants se sont organisés en associations pour recouvrer leurs biens. En effet, on  a rarement vu un Etat, de sa propre initiative, s’auto juger pour réparer les erreurs de son administration. Seuls les citoyens, qui se regroupent en associations ou sous autres groupes de pression arrivent à faire reconnaître aux Etats leurs erreurs et ainsi avoir droit aux réparations.

Cela prend du temps, ce sont souvent les enfants, les petits-enfants voire les arrières-petits-enfants des victimes qui obtiennent réparation. L’exemple en Europe des associations qui continuent à remuer ciel et terre afin de recouvrer leurs biens spoliés pendant la deuxième guerre mondiale qui s’est terminée en 1945 est parlant !  Qu’en sera-t-il alors du Burundi ?

           

            L’analyse des réparations de toutes ces injustices que le peuple Murundi a subies par ceux qui le dirigeaient ou le dirigent encore devrait figurer dans le cahier des charges des missions de la Commission Vérité et Réconciliation.

En attendant, et le chemin risque d’être long, il reste aux Barundi de mieux s’organiser pour défendre leurs intérêts par les voies légales.  Ainsi, l’impunité qui s’est installée ne sera qu’un mauvais souvenir pour les générations futures.