A QUI PROFITE LA FAMINE AU BURUNDI?

 Burundi news, le 29 mars 2007

Par Gratien Rukindikiza

Le malheur des uns fait le bonheur des autres. Les grandes catastrophes ont enrichi les plus malins et les puissants. Les grandes maisons de la ville de Bujumbura sont en quelque sorte le fruit des années de guerre. Jamais, certains burundais ne sont devenus aussi riches qu’aujourd’hui.

Il y a des tabous, en parler devient un crime de lèse-majesté. Certaines questions dérangent. Pourtant, il faut les poser. A qui profite la famine au Burundi ?

Ces dernières années, la famine est devenue un phénomène à répétition comme les saisons climatiques. Après la guerre, la famine est devenue le nouveau fléau. Un fléau pour les uns et un bonheur pour les autres. La course vers la richesse exagérée a créé les nouveaux profiteurs des crises.

Pendant la guerre, l’embargo a enrichi certains Burundais proches du pouvoir avec les fameuses caisses noires de carburant et d’autres caisses destinées à contourner l’embargo. Au moment où les Burundais s’appauvrissaient, les autres s’enrichissaient à une vitesse vertigineuse.

Après l’embargo, les ONG ont permis d’augmenter la consommation et certains en ont profité pour tirer des bénéfices de l’inflation créée par cette arrivée massive de devises et d’un pouvoir d’achat des nouveaux consommateurs si on y ajoute l’ONUB.

La famine frappe de nouveau, pour la nième fois, les provinces du Burundi. Ce ne sont  pas les terres fertiles qui manquent. J’ai été frappé de constater la verdure qui domine dans les marais du Burundi non exploités en pleine période de saison sèche. Pourquoi aucun gouvernement ne songe-t-il pas à mettre en place une vraie politique de lutte contre la famine ?

La famine frappe surtout les paysans qui vivent de la terre et qui n’ont pas d’autres ressources. Elle épargne ceux qui gagnent leur vie par d’autres moyens car elle n’est pas très visible sur les marchés des grandes villes. A Bujumbura, les produits de Kivu continuent à arriver et le riz importé est devenu plus compétitif que le riz du Burundi. Tant que la famine frappe les pauvres paysans, l’alarme est silencieuse.

La famine est considérée comme une catastrophe nationale. Le pays peut faire recours  à la communauté internationale. Les ONG sont présentes pour secourir la population affamée. Il y a aussi des budgets spéciaux pour acheter de la nourriture. Ce sont ces achats qui font le bonheur des uns. Les marchés sont souvent arrangés et concernent des milliards de francs bu. Plusieurs ministères entrent dans la passation de ces marchés. Un commerçant ou deux s’arrogent un tel marché. C’est le cas d’un certain Ndayizamba qui fournissait les haricots et l’huile de la police et à un certain moment de l’armée, qui voulait accaparer tout le marché des haricots et huile pour les affamés. Derrière ces commerçants se trouvent ceux qui contrôlent le pouvoir. En réalité, ce sont quelques individus  nantis qui se soignent de  la famine. Les affamés crieront et n’auront que les miettes. La transparence est mise de côté. Aucune communication sur les montants prélevés sur chaque salaire d’un fonctionnaire pendant plusieurs mois qui étaient destinés à nourrir la population. Qui dit que cet argent n’a pas construit des villas pour les dirigeants actuels ou anciens ?

A chaque niveau, les intermédiaires administratifs se servent. Les gouverneurs s’y mettent à volonté, les administrateurs aussi et les chefs de colline. Le paysan affamé reçoit en peu plus de ce qu’il reçoit sur les aides internationales au développement.

La famine est devenue une catastrophe lucrative. Les produits destinés à nourrir les affamés sont achetés chers et se retrouvent sur le marché. S’il y avait les statistiques sur les détournements de ces aides du sommet à la base, je suis convaincu que nous pourrons constater que les destinataires reçoivent moins de la moitié du budget. Comme il s’agit d’une question de gros sous, on s’imagine alors qu’aucune autre affaire n’est aussi lucrative que cette honte qui n’est rien d’autre que d’égorger un agonisant.

Ceux qui profitent de cette famine sont de véritables assassins. Inutile de chercher les assassins ailleurs. On tue avec les armes. Un fusil est une arme mais la famine est une arme de destruction massive car elle tue des dizaines de milliers.