Burundi, l’armée à la croisée des chemins!

 

 Burundi news, le 11/05/2015 

L’armée Burundaise est mise à l’épreuve par « l'injustice de la justice de son commandant suprême le President Nkurunziza » et de l'incurie du haut commandement incarné par le Général Pontien Gaciyubwenge. Jusque là , Nkurunziza réussit son coup sur la forme pour rallier à son troisième mandat toutes les institutions de la République érigées en outils de répression, l'histoire de crimes organisés.

Par Eric Manirakiza

Le respect du serment militaire ou de la loi tout court tel que déclarait récemment par le Ministre de la Défense et par son Chef d'Etat Major obéit à la méthode de crimes organisés, une plaie qui gangrène la gouvernance burundaise.  Selon wikipedia, le crime organisé est une structure humaine relativement stable de plusieurs personnes respectant les ordres d'un chef ou d'un comité de direction pour faire des profits illicites par des méthodes et dans des domaines prohibés.  Pour s'assurer de la bonne exécution de sa volonté, le Président Nkurunziza a tué le culte du mérite en mettant des boites aux lettres à la tête de différentes institutions. Il a surtout transformé l'administration publique, les institutions de la police et de la justice en outils de répression. Aujourd'hui, c'est le tour de l’armée jusque là  considérée comme la seule institution crédible et professionnelle.

Le Président Nkurunziza se sert de la « justice » pour imposer son « injustice » sur tout un peuple. Ici, le troisième mandat bénit par sa Cour Constitutionnelle répond à cette méthode de crimes organisés.  D'abord, étant le président du conseil des sages du CNDD-FDD (organe suprême du parti), il se désigne candidat, se fait investir par un congrès satellite, et veut nous faire croire que c'est la volonté des militants. Entretemps, les vrais militants qui s'opposent à cette candidature sont chassés du parti sans aucune autre forme de procès.  Ensuite, un groupe de sénateurs introduit une requête devant la Cour Constitutionnelle pour rendre juridiquement légal un mandat illégal. Le lendemain;  il  adresse un message à la Nation;  soi-disant pour prendre acte de la décision de la Cour Constitutionnelle; alors que tout le monde sait; après les dénonciations du Vice - président de cette dernière ; qu'elle a été dictée et imposée par force et sous menaces par le Président lui-même. Implicitement, cette loi dont l’armée est supposée respecter et protéger n'est autre que Nkurunziza lui même mais loin delà la Constitution du pays, encore moins l'esprit de l'Accord d'Arusha.

Ainsi l’armée dont certains membres du haut commandement n'ont plus besoin de cerveau pour vivre, devient l'instrument au service d'un individu avide du pouvoir au lieu de jouer son rôle de garant de la Constitution. François Bayart dans sa “politique du ventre” ou l'analyse du fonctionnement de l'Etat au Cameroun, a démontré que l'objectif  d’accès aux postes de décision pour les dirigeants s'expliquait par un mobile d'accaparement des richesses. La peur du lendemain, le fait du prince de droit de vie et de mort de notre President  comme le rappelait si bien Achille Mbembe, entraine un esprit fataliste et une passivité qui déresponsabilise les chefs pour qu'ils deviennent pleinement acteurs de la défense de notre Constitution, du refus du statu-quo et de l'arbitraire.

La judiciarisation de la  société

En effet, au lendemain des élections de 2010 le Président Nkurunziza a crée des lois opportunes ou de circonstances pour réduire les libertés publiques et d'associations. Toutes ces lois pourtant contraire à la Constitution du pays ont été toujours bénies par les deux chambres d'enregistrement pour ne pas dire l'Assemblée Nationale et le Senat. Pis encore, ces lois ne sont jamais passées devant le service national de législation en charge de vérifier la Constitutionnalité des projets de loi. Or, ces quelques exemples de judiciarisation de la société sapent les fondements d'un Etat de droit pour le futur du Burundi. Quand le pouvoir est exercé non pas dans l’intérêt de la société entière mais en faveur d'un petit groupe qu'on peut qualifier de mafieux, le résultat s'appelle injustice, inégalités, exploitations et frustrations … Face à cette animalisation de la vie politique ou la prédation sur les ressources, il est du devoir de toutes les forces vives d’être vigilantes et de refuser cet état de fait. Cette vigilance se traduit par la résistance civile déclenchée le 26 avril dernier en vue de contraindre  le Président Nkurunziza à renoncer un mandat de trop et illégal dans le strict respect de la Constitution et de l'Accord d'Arusha. résistance civile pacifique mais réprimée dans le sang par la police qui devait plutôt encadrer la manifestation comme pour assurer son allégeance a leur maître suprême.

La réaction de l’armée va -t-elle être répressive contre un peuple qui revendique pacifiquement sa dignité ?

L’évolution de ce mouvement en action depuis le 26 avril  témoigne de la détermination d'un peuple prêt à se sacrifier pour protéger la Constitution et refuser de rester sous l'esclavage d'une personne fut-il président de la République. Car, malgré une vingtaine de citoyens tombés sous les balles de la police, la résistance ne faiblit pas et met en difficulté le Président Nkurunziza pour atteindre son objectif d'un troisième mandat. A cela s'ajoute la Communauté Régionale et Internationale dans son ensemble qui ne cesse de multiplier les mises en garde à l'endroit du Président de la République. Cependant, toujours dans sa méthode de crimes organisés à travers le communiqué du Conseil National de Sécurité, Nkurunziza vient de rallier à sa cause son Ministre de la Défense qui, le week-end dernier, semblait prendre de la distance avec toute violation de la Constitution et de l'Accord d'Arusha. L'objectif de Nkurunziza est d'utiliser les militaires pour contenir les manifestants;  là où la police et ses miliciens les imbonerakure ont lamentablement échoué.

Ce revirement place l’armée dans une situation délicate de tant plus que, vous les militaires, vous continuez à croiser les bras devant une police dont le rôle est de sécuriser la manifestation, réprime plutôt dans le sang un droit constitutionnel comme pour assurer son allégeance à leur maître suprême.  Aujourd'hui, l'heure est venue de choisir son camp. Soit, soutenir la résistance en chassant Pierre Nkurunziza torpilleur de la Constitution en vue de sauver la stabilité et l'avenir du  pays. Soit, soutenir un Président despote pour embraser le pays, la sous-région et risquer aussi  le  démantèlement total de la FDN par rapport a son état actuel en participant à l’enterrement d'un accord qui l'a mis en place.

Un dicton africain dit : « La gentillesse de la perdrix lui a tordu le cou ». Ceux qui ont lu Les Fables de La Fontaine se rappellent de la perdrix et du serpent. Un jour d’été, sous le soleil des Tropiques, un feu de brousse s’était déclaré dans la forêt. C’était le sauve-qui-peut. Tous les animaux couraient à l’approche de la catastrophe. Un gros serpent a été doublé par tous les animaux. Il ne savait que faire. Il rampait avec toutes ses forces mais risquait d’être la proie des flammes tellement le feu se répandait à une vitesse vertigineuse.

Sans perdre de temps, la perdrix tendit son cou. Le serpent s’y enroula doucement. La perdrix reprit sa course à grandes enjambées. Arrivé hors de danger; le serpent a étouffé ; étranglé et mangé la perdrix après que celle-ci lui ai sauvé la vie.

Une complaisance éventuelle de l’armée avec le Président Nkurunziza pour lui permettre de briguer un autre mandat en violation de la Constitution conduirait  plusieurs militaires à connaître le même sort que la perdrix. Car, les représailles ne tarderont pas à suivre surtout que tous les intervenants dans les différentes causeries morales et qui ont eu à exprime des positions différentes à celle du ralliement dudit mandat sont connus et seront rattrapés par ce crime organisé qu'ils auraient servi.

Les officiers, sous-officiers et les hommes de troupe devraient méditer urgemment sur cet état de choses et renverser la tendance de leurs Ministre et Chef d'Etat Major Général. Car, le Ministre de la Défense ne devrait pas précipiter toute une institution dans la catastrophe et encore moins provoquer un séisme sur son pays. C'est maintenant qu'il faut mériter les gallons que vous portez sur  vos épaules !