Burundi news, le 30/04/2008

L'Assassinat du Roi Ntare V, C 'est 32 ans jour pour jour.

Publié le 29 avril 2004 (Source : Radio Publique Africaine – RPA)

 

 

 

Le dernier Roi du Burundi a été sauvagement assassiné dans un camp militaire à Gitega, le 29 Avril 1972, une des dates des plus sombre dans l’Histoire récente du Burundi. Des centaines de milliers de personnes massacrées et ensevelies dans des fosses communes comme le Roi lui-même, restent une hantise de toute la société burundaise, en quête d’une justice dans son sens le plus élémentaire.

 

Et pourtant, l’autorité de l’époque, puissante de sa légitimité basée sur la terreur, bourreau de la victime, évite exprès de parler de l‘assassinat mais de mort en situation de combat. Dans un communiqué publié à la radio nationale, la griotte de l’homme le plus fort du moment Michel Micombero annonce, par la voix de son procureur général Cyrille Nzohabonayo, que " le jeune Roi a été tué lorsqu’il tentait de fuir avec des assaillants venus pour le libérer. »

 

Ce mensonge d’Etat devenu une éthique de pouvoir jusqu’à nos jours avait pour but d’effacer à jamais physiquement et légitimement la trace d’une institution monarchique qui incarnait le fondement même de l’Etat burundais. Ntare V avait été chassé du trône le 28 novembre 1966, par un coup d’Etat militaire dirigé par son Premier ministre d’alors, le capitaine Michel Micombero, après 3 mois seulement de règne. A 19 ans le Roi Natre V est exilé en Europe, plus précisément à Munich en Allemagne, laissant derrière lui sa mère dépossédée de tous ses biens et de son rang. Il sera livré à ses tombeurs-boureaux par l’ancien dictateur ougandais Idi Amin Dada avec qui l’ex-monarque était en relation d’affaires, c'était le 30 Mars 1972. Le Roi a été placé en détention pendant tout un mois jusqu’au jour de son assassinat.

Est- il vrai que le Roi Ntare V a tenté de fuir de son lieu de détention comme l’ont affirmé ses bourreaux dans leur communiqué ? A-t-il été tué par erreur comme on veut le laisser croire à des gens qui doutent encore de la véracité du communiqué ? La radio Publique Africaine a mené une enquête et Alexis Sinduhije brosse le tableau de ce que furent les dernières heures du Roi et les circonstances de son assassinat.

 

Le 29 Avril 1972, il est minuit et demi quand le Roi Ntare V arrive dans une camionnette de l’armée, accompagnée de deux autres, bourrées des illustres troupes d’élite, comme si un seul véhicule rempli de commando ne suffisait pas pour un seul homme déjà prisonnier. Nous sommes au cor de garde, dans le jargon militaire à l’entrée du camp. Le roi est immédiatement conduit par le lieutenant Charles Nyabenda dans le bureau du capitaine Onésime Ntabiraho, le maître du commandement en cette soirée. A peine terminé de présenter le salut militaire un peu genre mission accomplie à son supérieur, le capitaine Ntabiraho fort de son ordre ne se gêne pas de regarder de haut le Roi et de dire " ; Je l’ai vu ce bandit, amenez-le au cachot. » Très calme, au milieu de ses arrogants bourreaux, Charles Ndizeye réplique en demandant pourquoi il était incarcéré pour la seconde fois.

A cet instant, malgré la peur et l’angoisse qui l’envahissaient, le Roi était loin de se douter que sa dernière heure s’approche. La réponse de Ntabiraho, très sèche et très musclée était " ; Va-t-en, tu vas le savoir dans quelques instants. » Par deux militaires, le Roi sera placé pas très loin du bureau de commandement, à 10 mètres dans une salle appelée " ; Salle de police. » Trois minutes plus tard le téléphone sonne dans le bureau du commandement. C’est le capitaine Ntabiraho qui le prend et écoute attentivement la communication. Puis il sort son pistolet déjà chargé à la main et demande de lui montrer où se trouve le Roi Ntare V. On fait sortir le Roi juste au corps de garde tout près du drapeau. Ntabiraho, accompagné de son peloton d‘exécution rapidement constitué et composé par l’adjudant Pascal Kazokura, sergents Jean Niyongabo et Ntibambona, surnommé " ; corbeau. » Lorsqu’il voit l’escadron, Ntare comprend que son sort est déjà scellé. Seul, sans défense, au milieu des…, il fait recours à la réaction de tout être humain devant la peur, devant un danger imminent, devant la mort. Il les supplie de ne pas le tuer. Le fauve capitaine Ntabiraho hurle et lui intime l‘ordre de s’asseoir. Après l‘avoir ligoté et simulant de lui faire une faveur, les bourreaux lui accordent moins d‘une minute de parole. Le Roi les implore en ces termes : " ; Ne me tuez pas avant que je ne voie Jérôme Sinduhije » Il ajoute "; Qui vous a donné l’ordre de me tuer, je ne m’occupe plus de la politique. Si vous m‘ accusez de quelque chose mettez-moi à la disposition de la justice.» il continue " ; Je suis venu pour voir ma mère. » Il n’aura pas le temps de terminer. Des baïonnettes, 3 au total étaient plantées dans son corps l’une en plein cœur qui fait gicler un torrent de sang, l’autre à l‘estomac et le dernier dans le foie. Le Roi a agonisé pendant une vingtaine de minutes avant d'être achevé par Ntabiraho qui a tiré maladroitement 6 coups de pistolets.

La balle mortelle a touché sa carotide pour lui donner le coup de grâce. Et pour y laisser sa trace, Ntabiraho, tire sur le corps inerte trois balles de revolver au front en forme de trois étoiles de capitaine. Il était capitaine, il a mis sa signature. Un militaire, présent sur les lieux, a assisté impuissant, à ce prélude des crimes du siècle, a regardé sur sa montre et c’était 1 heure15.

Six ans avant, lors de son investiture, des bénédictions pour son règne n’ont pas eu d’effets. Et le 29 Avril 1972, c'était fini pour Charles Ndizeye, on venait de tirer sur l‘espoir, ce soir là, même les dieux avaient déserté les lieux.

Les militaires étaient décidément plus forts que les dieux, et six ans plus tard, il est livré par le dictateur ougandais Idi Amin Dada puis assassiné, alors qu’il était en détention dans les dépendances de l’ancien palais de son père le Monarque Mwami Mwambutsa IV, Bangiricenge. Le récit de son enlèvement vers le camp des commandos de Gitega avec Alexis Sinduhije.

Il était 22 heures 45, lorsque les hommes commandés par le lieutenant Nyabenda Charles font irruption à l‘ancien palais du Roi, à Bwoga, où le Roi Ntare V est en détention. Le gouvernement, pour se mettre à l’abri des critiques de la communauté internationale l‘avait assigné à résidence surveillée dans le palais, où il a grandi, pour faire croire que le jeune Ntare était mieux traité. Et pourtant, il était enfermé dans l‘une des dépendances des domestiques de son père. Au palais donc, un détachement de commandos, appuyé par des milices JRR(Jeunesse révolutionnaire Rwagasore), y montent la gardes depuis 30 jours pour surveiller l’isolement total de l’ex-monarque. La branche de la jeunesse d’un parti créé par son propre frère, assassiné pour l’indépendance du Burundi, constituaient des auxiliaires zélés d’une armée qui le séquestrait. Quelle ironie ! L’ordre donné était : " Amener Ntare au camp et enfermez-le en attendant des ordres a venir. » Le chef de poste, le sergent Déo Bizimana, surpris par ce déploiement de force croit qu‘il s’agit du renforcement de la protection du Roi Ntare V qui, quant à lui, était plongé dans un sommeil du juste. Brusquement réveillé de sa geôle, une chambrette de 3 m sur 2 pour un géant de la nature qui se sentait silencieusement étouffé dans cet espace réduit, Ntare V reçoit l’ordre de suivre le lieutenant Nyabenda au camp pour sa propre protection. Comme le prince ne part jamais seul, les militaires au passage le font accompagner par des milices JRR, tous comme lui, ont été massacrés pour effacer tous les témoins directs de ce kidnapping.

Pendant ce temps, l’homme fort du pays, Michel Micombero, saoul comme d’habitude, et entouré de son Etat major civil et militaire, suivait minute par minute, le déroulement d’une opération d’enlèvement d’un homme seul. Côté grades, les colonels Michel Micombero et Thomas Ndabemeye, respectivement chefs de l’Etat et de l’Etat major, les majors Joseph Rwuri, en charge du cabinet militaire et Gabriel Ndikumana, responsable des opérations à l'armée. Les civils, deux seulement, les confidents dans les secrets des dieux, Arthemon Simbananiye, ministre des affaires étrangères du gouvernement déchu pendant la journée et Cyrille Nzohabonayo procureur général de la République, tous réunis comme des larrons pour décapiter le dernier Roi d’une monarchie vielle de 6 siècles. C‘est eux qui ont donné l’ordre de l’exécuter. La reine Baramparaye, la mère du Roi, apprendra, comme tout le monde, qu’on lui a saisi son unique fils, par la voix des ondes.

La reine Kanyonga, la première épouse de Mwambutsa et mère du prince Louis Rwagasore avait entendu des fuites des services secrets burundais sur l’éventuel plan d’assassinat du Roi Ntare V. Le fruit de leur travail était cueilli, la mort du Roi, à qui, ils ont volé la vie et sans doute des centaines des milliers d’autres Burundais massacrés quelques temps après.