Burundi news, le 11/03/2008

L’Attitude belliqueuse du CNDD FDD : pour quels enjeux ?

Par The Leadership Institute

La semaine qui vient de s’écouler nous aura permis d’être les témoins d’une situation grave dans le fonctionnement de l’Assemblée Nationale, qui décidément est devenu le miroir du « mal politique burundais ».

Beaucoup de médias ont couvert cette crise institutionnelle au Parlement, qui a démarré avec la tentative de destitution de l’Honorable Alice NZOMUKUNDA comme 1ère Vice-présidente, suite à son exclusion du Parti CNDD FDD, et nous n’allons pas revenir sur les détails de cette destitution disputée.

Dans ce papier, nous allons essayer de réfléchir sur les motivations et les responsabilités des uns et des autres dans cette période critique pour la démocratie burundaise. En effet, il faut admettre que notre jeune démocratie est en train de subir des soubresauts qui, on l’espère, donneront des indications utiles pour les réformes futures.

Voici nos observations sur cette crise, ses causes et ses implications :

1.     Le parti CNDD FDD semble privilégier une approche de confrontation plutôt qu’une approche de conciliation. Et pourtant, la confrontation ne peut que mener aux blocages et aux crises comme on le voit aujourd’hui. Nous pensons  que cette attitude est due au manque de lucidité des leaders de ce parti qui, on l’a dit souvent, n’ont pas encore compris que le CNDD FDD de 2008 a perdu un grand nombre de ses membres au Parlement et  au Sénat. Quoi que l’on dise, c’est une grande hémorragie qui a changé la donne dans la force du CNDD FDD dans ces institutions et demandait que les dirigeants de ce parti changent leur approche et stratégie. Malheureusement, leur stratégie est désastreuse quant à sa moralité et quant à ses résultats : la corruption des élus du peuple. En effet, la forme de marchandage auquel s’adonne le CNDD FDD est beaucoup plus de la CORRUPTION que de la négociation politique. Il s’agit d’individus qui négocient leurs intérêts souvent même au détriment de leurs formations politiques. C’est ce qui vient d’arriver avec l’Uprona,  le Frodebu et le MRC. C’est à croire que toute la classe politique burundaise est vouée à la perdition et à l’immoralité. En encourageant cette pratique de corruption, le CNDD FDD a joué sur la corde sensible de ceux-là même qu’il avait battus aux élections de 2005 et ainsi est tombé dans ce piège infernal qui dépouille ce parti et les institutions républicaines de toute forme de moralité et compromet la conception même de la démocratie et de l’Etat de Droit. La preuve : peu importe les règlements, les dispositions constitutionnelles, le CNDD FDD croit qu’il suffit de CORROMPRE, et  tout faire passer au Parlement. Cela est INADMISSIBLE et même si ceux qui sont contre les mesures votées ne représentaient que 34% des membres du Parlement, leur position pèse lourd car ils ont la LOI avec eux.

Les 78 membres du Parlement qui ont voté lors de l’élection de l’Honorable Irène INANKUYO n’ont pas tous la même position sur la régularité de cette session parlementaire. Ainsi :

                                                              i.     L’Honorable Jean Marie Pascal NSESEMA a invoqué, à tort, que le nombre de parlementaires n’est pas de 118 mais 117 car, a-t-il dit, l’Honorable Hussein RADJABU n’est PLUS parlementaire, et deux tiers de 117 représentent 78 parlementaires. Encore une fois, il devait savoir que ce n’est pas lui ni le CNDD FDD qui ont le droit de lui enlever sa qualité de parlementaire. Il faut vraiment être IGNORANT pour déclarer cela sur une station de radio internationale comme la BBC. Et dire que NSESEMA est Vice-président du CNDD FDD ! A ce niveau de leadership politique, il faut arrêter de divaguer et demander les avis techniques aux juristes que ce parti ne manque pas en son sein, par ailleurs.

C’est vraiment dommage de voir toutes ces erreurs commises par le leadership du CNDD FDD alors que ce parti dispose de cadres intelligents, patriotes et techniciens capables de prodiguer des conseils valables et constructifs pour le Burundi. Malheureusement, les réunions organisées par l’Honorable Jérémie NGENDAKUMANA à l’intention des cadres nommés du CNDD FDD ne sont que des monologues qui réduisent à de simples statues ou marionnettes ces hommes et femmes qui ne demandent qu’à servir leur pays.

C’est un style de leadership quasi militaire qui n’a pas d’avenir dans le cadre d’un parti politique. C’est malheureusement le résultat de la militarisation des structures de ce parti dot on a toujours parlée.

                                                            ii.     Quant à l’Honorable MANWANGARI Jean Baptiste de l’Uprona, pour lui la confusion vient du chiffre de deux tiers de 118 parlementaires, soit 78,6. Pour lui, ce chiffre porte à confusion car on ne sait plus s’il faut prendre 78 ou 79 parlementaires. Mais, enfin, si « deux tiers au moins des membres du Parlement » sont requis pour avoir le quorum, et bien 78 est inférieur à 78,6 et donc ne représentent pas les deux tiers en question. C’est aussi simple que cela et même un élève du primaire peut le faire. L’Honorable Pie NTAVYOHANYUMA le sait pertinemment ainsi que l’Honorable MANWANGARI. C’est dire que tous ces propos ne sont que des diversions censées couvrir leurs magouilles. Tous savent que la loi requiert les deux tiers des membres au moins, donc bel et bien 79 parlementaires pour avoir le quorum.

Voilà deux prises de position différentes et toutes erronées provenant de deux illustres personnalités voulant justifier leurs entorses à la loi. Pour le CNDD FDD, il semble que seule la fin justifie les moyens. Mais pourquoi en arriver là ? Quels enjeux représentaient la destitution RAPIDE de l’Honorable Alice NZOMUKUNDA pour que le CNDD FDD ne ménage aucun effort et va même jusqu’à VIOLER LA LOI ? C’est peut-être en comprenant le motif réel que l’on comprendra cet empressement. Or, en faisant toutes les analyses possibles, on n’arrive toujours pas à comprendre l’enjeu réel qui puisse justifier l’attitude du CNDD FDD à part son attitude belliqueuse et privilégiant la confrontation au dialogue ou tout simplement une tendance dictatoriale que le CNDD FDD veut exporter de son parti vers l’Assemblée Nationale. C’est aussi des attitudes qui font partie du style de leadership des dirigeants actuels de ce Parti mais aussi qui caractérisent le Président du Conseil des Sages, le Président NKURUNZIZA. Mais la réalité finit toujours par les rattraper : le CNDD  FDD n’a plus la même force d’antan dans les institutions républicaines, et doit diriger en partenariat avec les autres forces politiques. Inutile pour le Colonel Jérémie NGENDAKUMANA de vivre dans la folie des grandeurs ou même dans un nuage de mensonges comme lorsqu’il déclare aux cadres nommés du CNDD FDD que tout va bien dans le meilleur des mondes pour le CNDD FDD au Parlement quand le Sénat vient de récuser encore une fois une liste de nominations à certains postes de responsabilité dans la Justice burundaise et quand son annonce de résolution de la crise au Parlement est mensongère puisque la CRISE est toujours là et va encore le hanter dans les jours à venir. Il se ridiculise devant ces cadres nommés qui disposent de leurs propres capacités d’analyse. 

2.     Le Président NKURUNZIZA vient de briller encore une fois par son absence ou plutôt sa fuite des responsabilités face aux problèmes institutionnels que connaît le pays. Comme beaucoup l’ont relevé, le Président de la République est le garant des institutions  et se trouve être au-dessus des Partis politiques. Il devrait, au vu des blocages actuels, enclencher le dialogue entre les partenaires politiques. Au contraire, on observe une situation où il cautionne des attitudes négatives des Honorables Jérémie NGENDAKUMANA et de Pie NTAVYOHANYUMA dans la violation de la loi et du Règlement d’Ordre Intérieur du Parlement.

A notre avis, cela nous rappelle ce que disait un des avocats de Hussein RADJABU lors de son procès et qui serait un principe de droit : la corruption corrompt tout. En effet, le Colonel Jérémie NGENDAKUMANA a été élu dans un congrès ILLEGAL et ce n’est pas étonnant que le respect de la LOI ne soit pas un mot d’ordre pour lui ou pour le Président NKURUNZIZA. Que dire encore de l’attitude combien désolante de l’Honorable Pie NTAVYOHANYUMA dont le leadership de l’Assemblée Nationale est lamentablement en-dessous des normes pour ce poste. Il devrait arrêter de jouer le figurant et de faire preuve de la hauteur et de l’équité nécessaires. A quoi cela sert d’occuper un si grand poste politique si c’est pour y laisser une empreinte d’incompétence et de magouilles ? Il faut placer son honneur et sa réputation bien assez haut sinon on n’est pas à sa place et il faut DEMISSIONNER. Pourquoi se targuer d’avoir des diplômes qui ne servent à rien ? Comme quoi LEADERSHIP et diplômes académiques ne vont pas automatiquement de pair.  

3.     Certaines voix proches du CNDD FDD lancent aujourd’hui des idées comme l’organisation d’un référendum pour dissoudre le Parlement (lire www.abarundi.org). C’est inutile puisque l’organisation d’un tel référendum requiert les mêmes moyens et le même temps que l’organisation d’un autre scrutin électoral en 2010. Nous partageons cependant la même pensée qu’il faut changer nos leaders politiques y compris le Président de la République pour donner une autre chance aux burundais d'avoir des dirigeants à la hauteur de leurs responsabilités. Par ailleurs, ce référendum serait-il constitutionnel ? Ou serait-ce un leurre vers ce que semble vouloir le CNDD FDD : un état d’exception pour cause de non fonctionnement des institutions. Mais comme l’auteur semble préoccupé par ce changement de leadership, nous lui proposons les options suivantes :

                                                             i.     Destituer le Colonel Jérémie NGENDAKUMANA de la présidence du CNDD FDD : c’est un despote qui manque de vision politique et qui finira par faire sombrer le bateau CNDD FDD.

                                                          ii.     Destituer les Honorables Pie NTAVYOHANYUMA et Irène INANKUYO du bureau de l’Assemblée Nationale : le CNDD FDD renferme en son sein d’autres membres de valeur pouvant faire honneur aux Bagumyabanga quant à leur leadership.

                                                          iii.     Destituer le Président NKURUNZIZA tel que prévu par la loi, c’est-à-dire par un vote de l’Assemblée nationale et du Sénat réunis en congrès : ce ne serait pas difficile de prouver sa haute trahison des valeurs démocratiques, de bonne gouvernance et des principes constitutionnels d’Etat de Droit. Cette destitution ne ferait que ramener la confiance du peuple en ses élus car elle prouverait que même le Président de la République n’est pas à l’abri de sanctions quand il dessert le peuple qui lui a fait confiance.

4.     Pour terminer sur ce chapitre, disons-le haut et fort : la crise institutionnelle est encore là malgré les cris de victoire du CNDD FDD. Alors on se demande si c’était vraiment difficile pour le CNDD FDD d’accepter que la destitution d’Alice NZOMUKUNDA soit décidé dans une plénière en bonne et due forme.  Tous ces moyens, ces efforts, tout ce temps perdu et toutes ces magouilles pour un résultat pareil ? Le CNDD FDD devrait se ressaisir : ces blocages institutionnels desservent le parti au pouvoir, c’est cela qu’ils doivent comprendre. Parfois, on se demande si l’on n’est pas trop dur envers le CNDD FDD dans la mesure où les autres formations politiques ne valent pas mieux en termes de moralité politique. Cependant, il faut avouer que le peuple et la plupart des observateurs politiques burundais, membres du CNDD FDD ou pas,  avaient placé tellement d’espoir dans ce parti pour endiguer les maux burundais dans leur ensemble et la déception est tellement grande qu’elle pourrait expliquer notre acharnement d’aujourd’hui.

5.     Nous ne saurions pas terminer sans commenter les récentes attaques contre certains parlementaires burundais. Encore une fois, l’attitude belliqueuse du gouvernement CNDD FDD est à l’origine de ces actes pour les raisons suivantes :

                                                              i.     Dans le cas où ce sont les agents des services de renseignements qui seraient à l’origine de ces actes, c’est encore une ERREUR monumentale de croire que la force et l’intimidation sont les moyens de résoudre les différends politiques. C’est non seulement CRIMINEL mais aussi contraire à tout principe démocratique. Beaucoup d’accusations ont été lancées ici et là et le gouvernement CNDD FDD n’a rien fait pour permettre aux burundais de savoir la vérité ou tout au moins pour montrer sa bonne foi à protéger les personnalités politiques qui ont exprimé leurs inquiétudes. Les preuves promises par la radio RPA et les ligues des droits de l’homme n’ont jamais été demandées par le gouvernement. Tout cela a contribué à accréditer la thèse des assassinats ciblés par le pouvoir. En politique, on ne réagit pas par passion comme semble le faire certains dirigeants du CNDD FDD, avec par exemple le retrait de la garde à l’Honorable Alice NZOMUKUNDA. Toute action et réaction doit être pensée en termes politiques pour en étudier les contours politiques et stratégiques.

                                                            ii.     Accuser les victimes de « simuler » ces attentats est RIDICULE. En temps normal, les services de renseignements burundais auraient plutôt opté de recommander au gouvernement de PROTEGER ces personnalités qui s’estiment menacés car avec les accusations proférées contre le gouvernement, quiconque voudrait lui faire porter le chapeau pourrait organiser ces attaques et laisser tout le monde accuser le gouvernement. C’est aussi simple que cela. Il est donc ridicule de voir certains milieux proches du pouvoir parler de simulacres avant même que ces attaques aient eus lieu (voir www.abarundi.org). Quelle coïncidence douteuse ! Sur cette question, nous retiendrons que le porte-parole de la Police Nationale a déclaré que certains individus ont été arrêtés en rapport avec les attaques de l’année dernière contre d’autres parlementaires et que les dossiers sont devant le Justice. Pourquoi cela n’a-t-il pas été médiatisé pour que les burundais connaissent les auteurs et les mobiles de ces attaques ? De plus, voilà déjà deux jours qu’une personne a été arrêtée en rapport avec les récentes attaques et toujours un silence total sur ses « éventuels » aveux : on ne peut s’empêcher de croire à un autre montage en l’air, surtout avec www.abarundi.org qui a parlé de simulacre, de levée de l’immunité parlementaire et d’arrestations de certains parlementaires.  

6.     Nous voudrions émettre une suggestion pour résoudre la crise institutionnelle qui secoue le Parlement afin de refocaliser les énergies sur l’essentiel des affaires de l’Etat. Nous suggérons que pour mettre en avant le respect de la loi, garant d’un Etat de Droit, dans le fonctionnement de l’Assemblée Nationale, le Président de l’Assemblée Nationale devrait, en consultation avec les chefs des formations politiques représentées au Parlement, mettre en place une commission d’experts juristes indépendants pour donner leur avis sur l’interprétation des textes légaux et règlementaires faisant l’objet de disputes. Cette formule aurait le mérite de sauver l’honneur de tous et de les départager de manière rationnelle et indiscutable. C’est aussi une approche objective de nature à garantir le respect de la LOI. Sachant très bien que les organes juridiques burundais ne sont pas considérés comme indépendants du pouvoir, nous n’avons pas proposé une saisine de la Cour Constitutionnelle pour éviter que les opposants n’utilisent cet alibi pour réfuter ses avis. Encore une erreur du CNDD FDD de faire de l’ingérence dans les affaires de notre système judiciaire.