Burundi news, le 07/07/2011

Par Pierre Claver

Un autre gâchis qui mérite un rejet net

Le 30 mai 2011, le gouvernement du Burundi revoyait à la hausse les prix de l'eau et de l'électricité. La hausse de plus de 200%  avait été jugée vertigineuse par plusieurs. Philippe Nzobonariba, porte parole du gouvernement, avait promis qu’une campagne d’explication suivra : on prend une décision qui exsangue la population et on explique son bien fondé après.

Le 9 juin, face à la grogne de la population, le gouvernement recule et annule la mesure indécente digne des tortionnaires. Le journal Iwacu parlait d’un répit. Finalement, l’annulation de cette mesure n’était qu’une trompe l’œil. Le gouvernement voulait reculer pour mieux sauter. En effet, le ministre de l’énergie et des mines s’est présenté devant les députés le 28 juin pour essayer de gagner des alliés dans cette escroquerie. 

Une mesure qui va empirer l’économie du pays

L’économie du Burundi va très mal, nous sommes pratiquement le pays le plus pauvre du monde et dans un tel contexte, des dirigeants responsables ne peuvent pas prendre une mesure qui risque d’empirer la situation. Quoique les propos du ministre de l’énergie et des mines selon lesquels cette mesure vise à permettre à plus de Burundais à accéder à l’eau et à l’électricité soient beaux, je mets en question la bonne intention des décideurs. Si les prix de ces services montent de cette façon aussi aberrante qu’illogique, très peu des gens seront en mesure de payer leurs factures et cesseront de recourir à ces services. Les entreprises, surtout les petites et moyennes, devront fermer leurs portes par manque de clients car les prix de leurs services devront suivre la courbe. Ainsi, au lieu de permettre à plus de Burundais d’avoir l’eau et l’électricité, on risque de produire le résultat totalement inverse.

Pour les entreprises, le gouvernement devrait étudier comment leur octroyer gratuitement l’eau et l’électricité pour stimuler l’économie. Par exemple au lieu d’augmenter le prix de ces services pour un atelier de soudure qui compte aujourd’hui dix employés, lui fournir l’eau et l’électricité gratuitement et lui donner la condition d’avoir une trentaine d’employés dans un délais de 24-36 mois. De cette façon, on aura diminué le taux de chômage (ça fait partie des missions du gouvernement, non!), il y aura plus d’impôts pour le gouvernement, on aura réduit le nombre des candidats potentiels pour les groupes des ‘bandits armés’, plus d’enfants iront à l’école, plus de personnes retrouveront la dignité,….

Pas de classe moyenne, pas de progrès économique

Ce n’est pas un problème propre au Burundi, on le retrouve dans tous les pays du tiers-monde. Le grand handicap de l’économie des pays du tiers-monde est le fait que ces économies n’ont pas de classe moyenne. Selon qu’on est dans les coulisses du pouvoir ou pas, on est soit trop riche (une trop petite minorité), soit trop pauvre (une immense majorité de la population). Entre les deux, il n’y a rien. Or, c’est la classe moyenne, composée d’un grand nombre de consommateurs, qui fait l’économie du pays.

La Chine et l’Inde qui sont devenues des grandes économies au monde ne le sont pas devenues parce que ce sont les pays les plus peuplés du monde. Ces pays étaient déjà très peuplés dans les années 60. Ce qui a changé durant ces dernières décennies est que ces pays sont parvenus à restructurer leur économie afin d’avoir une classe moyenne plus importante. Les maîtres actuels de Bujumbura nous diront tout ce qu’ils veulent pour nous emmener à croire que tout va bien, que l’économie va bien, sans classe moyenne, il n’y aura jamais de progrès économique. Donc, au lieu de passer du temps à s’enrichir illicitement, pensons plutôt à des stratégies qui nous permettent de construite une classe moyenne qui va relancer l’économie du Burundi. Car, les plus riches savent comment échapper au fisc, au lieu de payer les taxes et impôts, ils abusent du système et les plus pauvres ne les payent pas, parce qu’ils n’en ont pas les moyens.

Disons ‘non’ à ce gâchis

Le ministre de l’énergie et des mines s’est présenté devant les députés pour trouver des soutiens  dans son plan qui ne vise rien d’autre qu’étouffer davantage les Burundais déjà dépassés par la misère. L’Assemblée nationale, dans son état actuel, n’est qu’une caisse de résonnance de l’exécutif. Je crois que ceci est une occasion en or pour ces députés de se rappeler qu’ils sont à Kigobe d’abord et avant tout pour représenter la population burundaise, une population dans la misère. Ils devraient donc rejeter cette mesure inopportune. Si non, ils répondront devant l’histoire de complicité avec les prédateurs. Ceux qui promeuvent cette mesure qui ne fera qu’anéantir tout espoir des Burundais, qu’ils sachent que si l’on continue à priver les Burundais de tout espoir, eh bien, ils agiront exactement comme un peuple qui a perdu tout espoir. Ce n’est pas Ben Ali de la Tunisie et Moubarak de l’Égypte qui me contrediront.

Vous voulez l’argent?  Ce n’est ça qui manque

Bujumbura persiste et signe, les prix de l’eau et de l’électricité doivent être revus à la hausse. Motif : on a cruellement besoin du cash. Officiellement, cet argent permettra à plus de Burundais d’accéder à ces services, nous connaissons cette chanson. Comme si les dirigeants se sont un jour souciés de la misère de la population.

Si l’État veut avoir de l’argent à tout prix, une gestion efficace des derniers publics s’impose. Il suffit de revoir les cortèges des hautes autorités du pays notamment en diminuant le nombre de véhicules et des individus qui les accompagnent et surtout leur doter des voitures qui consomment moins de carburant.

Investir dans des activités génératrices de revenu pour permettre à l’État de percevoir plus de taxes et impôts. Ainsi, on pourra garnir le trésor public. Avant d’augmenter les prix des services, l’État a le devoir de se questionner sur le pouvoir d’achat des consommateurs. Or, le citoyen burundais est bousculé financièrement à tel point que manger une fois par jour est devenu un luxe pour beaucoup de citoyens. Si le gouvernement crée des sociétés ou soutient les privés qui les créent, nous pourrons faire une bonne omelette sans casser trop d’œufs.

Également, une lutte sans merci contre la corruption s’impose. Il est officiel que la politique de tolérance zéro est une poudre aux yeux pour tenter de calmer les esprits. Or, la corruption est le mal inégalable. Elle a les mêmes effets sur la société que le cancer sur l’organisme humain : on ne pourra jamais avancer sans prendre des mesures concrètes contre la corruption. Or, la tendance est que, au lieu de s’attaquer aux voleurs, on s’attaque à ceux qui les dénoncent et on crie vouloir de l’argent : un paradoxe. Si nos chefs veulent l’argent, il y a moyen d’en avoir sans devoir massacrer la population qui est déjà assez meurtrie.