Note de la rédaction : L'auteur de cet article ne sait pas que les histoires d'avocats sont des histoires de gros sous. Par le biais de personnes interposées, le producteur des plants d'avocatiers est le Président Nkurunziza lui-même, il est en même temps acheteur au nom de la Présidence car il utilise les milliards du budget de bonnes oeuvres et il encaisse l'argent de ventes de ces avocatiers. Il y a lieu de comprendre pourquoi il parcourt le pays pour planter ses avocatiers car il sait que chaque fois qu'il plante un avocatier, qu'il y a de l'argent qui rentre. Les Burundais qui croient en une manne du ciel n'ont qu'à déchanter. En 1973, les avocatiers de Kirimiro n'ont pas empêché la famine. Les efforts pour planter ces avocatiers, l'occupation des sols pouvant servir à d'autres plantes d'alimentation courante sont contraires à une politique de lutte contre la famine. Entre les poches et le peuple, le choix a été clair.

Burundi news, le 05/08/2009

L’avocatier du Burundi : produits d’exportation ou support de communication ?

 Par Arcade Bigirimana, source frodebu.be

Depuis qu’il est arrivé au pouvoir, le Président Pierre NKURUNZIZA fait planter des avocatiers sans relâche. En quatre années d’effort soutenu, il aurait fait planter plus de 350 000 plants si l’on en croit les statistiques présidentielles.

 

D’après le discours officiel, cet arbre est doublement intéressant :

-          d’un côté, il constitue une source de revenus substantiels pour le paysan producteur : il est prévu une récolte de 100 avocats par saison soit 10.000 FRBU (environ 5,80 €);

-           de l’autre, il devrait être une source de rentrée de devises pour le pays, dans un court ou moyen terme, grâce à l’exportation sous forme de fruits ou d’huile d’avocat : le gouvernement table sur une recette annuelle de 10 millions de dollars(1).

 

            Sur le papier, ce projet semble séduisant et viable. Néanmoins, quand on y regarde de plus près, on se sent envahi par des doutes et des questions. Personnellement, je n’ai pas l’impression qu’il existe des mesures concrètes d’accompagnement susceptibles de favoriser la réalisation de ce projet.

 

a)      Quelle est la Priorité ? Autosuffisance alimentaire ou  exportation?

 

C’est bien beau de planter des avocatiers tous azimuts. Mais il  est essentiel de définir les objectifs et les priorités. Je vous raconte une anecdote : dans les années 80, au Rwanda, le projet PENAP  avait réussi la vulgarisation et la culture de la pomme de terre dans les région volcaniques du Nord. Mais très vite, les producteurs se  sont retrouvés avec une surproduction de pommes de terre. On a assisté à une scène surréaliste : des tonnes de pommes de terre pourrissaient dans les champs ou sur les bords de route en attendant un hypothétique acheteur. PENAP et  le gouvernement n’avait qu’une seule idée en tête : produire pomme de terre sans plus.

 

Le scénario pourrait se reproduire au Burundi. Admettons qu’on récolte 100 avocats par arbre : alors, la récolte nationale s’élèverait 35 millions d’avocats. Supposons qu’un avocat pèse 300 g. Alors, on se retrouve facilement avec 10 mille tonnes de fruits  (=35 000 000  X 0,3 kg) soit un convoi de 450 semis remorques de 22 tonnes chacun !

 

Ma question est donc simple : quelle est l’objectif du Président Nkurunziza ? Est-ce l’autosuffisance alimentaire ? Si c’est ça, le calcul est simple : c’est 35 millions d’avocats à diviser par le nombre habitants du Burundi, soit 4 avocats par personne et par saison.  La quantité est-elle suffisante ? Quelles recettes à base d’avocats propose-t-on à la population ?

 

Si l’objectif est l’exportation, quelle organisation a-t-on mise en place pour ramasser 35 millions d’avocats, les mettre sous conditionnement et les acheminer jusqu’au premier port européen ? Rappelons que les fruits destinés à l’exportation doivent respecter un certain calibrage : de quel calibre seront nos avocat ? Signalons enfin que, dans le transport des fruits et légumes, il n’y a pas de minute à perdre car les produits sont périssables. Le mode de transport le moins cher étant le transport maritime, qu’a-t-on prévu pour permettre aux fruits de supporter 45 jours de mer entre Dar es Salaam et le port de Marseille ?

 

b)      Contraintes logistiques .

 

La logistique des fruits et légumes est très contraignante : c’est une vraie course contre la montre. La banane antillaise est récoltée au lever du jour pour être chargée sur le premier bateau à destination de Nantes, du Havre ou d’Anvers avant la tombée de la nuit. Il en est de même de la salade marocaine qui doit être sur les étales du marché parisien 48 heures après la cueillette. Le chef du CNDD FDD, ayant choisi la culture extensive de l’avocatier, n’a pas pensé, me semble-t-il, aux contraintes logistiques de l’acheminement de ses fruits. J’aimerais que quelqu’un me dise combien de temps l’avocat de Ruyigi ou de Muyinga mettre pour atteindre le premier point de collecte et pour arriver au port de Bujumbura.

 

 

En raison du flux maritime trop faible entre l’Europe et l’Afrique orientale, le transit time (les durée de la traversée d’un navire de marchandises d’un port de départ au port de destination) est deux fois plus long car les navires doivent  faire escale dans plusieurs ports afin de remplir leurs cales. A titre d’exemple de comparaison, il faut compter 45 jours entre Dar Es-Salaam et Marseille contre 20 jours entre Rio de Janeiro (Brésil) et Marseille. Plus le transit time est long, plus le prix à payer sera élevé. Ainsi donc, lorsque notre avocat national parviendra à atteindre les ports européens, il sera deux fois plus cher et personne n’en voudra.

Certes, il existe des conteneurs isothermes ou des navires polythermes qui sont parfaitement adaptés au transport des denrées périssables, comme les fruits et légumes, mais ils impliquent des coûts supplémentaires par rapport au conteneur de produits non périssables.

 

Et jusque-là, on n’a pas encore parlé des circuits de distribution qui permettront à notre avocat de s’exposer sur les  rayons du supermarché du consommateur final. Je vous en fait économie, mais vous comprenez que la grande distribution s’attend à faire une marge sur notre avocat national, ce qui le rend encore plus cher et moins compétitif par rapport aux avocats d’Israël ou de Mexique qui ont voyagé à moindre frais.

 

Concernant l’huile d’avocat, j’ai cru que je rêvais quand j’ai appris qu’un litre coûtait 10 dollars à la sortie de l’usine de Gitega. Rappelons qu’il faut environ 10 kg d’avocats pour extraire 1 litre d’huile. Qu’est-ce qui coûte si cher, les avocats ou la transformation ? Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans cette affaire. Si un litre d’huile d’avocat coûte 10 dollars à la sortie d’usine, combien coûtera-t-il à l’arrivé sur le marché européen ? En tout cas, pas mois de 20 dollars, soit 15€ le litre !

 

Si le business de l’huile d’avocat était si intéressant, il y a fort longtemps que les grands producteurs d’avocats se seraient rués vers ce nouvel Eldorado.

 

Production mondiale d'avocats

Pays

Tonnes 2003

Part de marché

Tonnes 2004

Part de marché

Mexique

1 040 390

33 %

1 040 390

33 %

Indonésie

255 957

8 %

270 000

8 %

États-Unis

197 223

6 %

200 000

6 %

Brésil

173 000

5 %

173 000

5 %

Colombie

161 752

5 %

158 000

5 %

République Dominicaine

150 000

5 %

140 000

4 %

Chili

135 000

4 %

135 000

4 %

Espagne

134 980

4 %

135 000

4 %

Pérou

95 000

3 %

95 000

3 %

Chine

80 000

3 %

85 000

3 %

Éthiopie

81 280

3 %

81 500

3 %

Afrique du Sud

66 500

2 %

66 500

2 %

Israël

58 600

2 %

65 000

2 %

Autres pays

542 042

17 %

543 144

17 %

Total

3 171 724

100 %

3 187 534

100 %

FAO: Chiffres 2003-2004

 

 

 

 

d) L’avocatier comme support de communication.

 

            Je ne le dirais pas assez : M. Nkurunziza, c’est quelqu’un qui a compris le rôle de la communication dans la politique. Il fait assidûment un travail de terrain, un peu comme la publicité.  Ca risque de payer. Rappelez-vous de la campagne de Jacques CHIRAC en 1995 : le slogan un peu saugrenu qui lui a ouvert les portes du Plais de l’Elysées était « Mangeons les pommes ». Le chef du CNND-FDD le reprend le même et propose : « Burundais, Burundaise, mangeons les avocats ». Je vous assure que ça peut faire mouche ! Les bons projets, les bons bilans, les bonnes idées exprimées dans un kirundi académique ne suffisent pas pour gagner une consultation populaire : il faut des accroches c’est-à-dire des slogans mobilisateurs, des mots percutants. Nicolas SARKOZY y est arrivé avec son « travailler plus pour gagner plus ».

 

A ce propos, c’est quoi le slogan du FRODEBU pour 2010 ? Est-ce le fameux « Utora nabi ugatwarwa nabi » qui est récurrent dans le discours du candidat. On peut trouver mieux, n’est-ce pas ?

 

Comme je l’ai déjà expliqué, le tapage médiatique fait autour de l’avocatier n’a qu’un objectif : mettre en lumière le Président de la République,  le mettre au contact avec la population, le faire aimer coûte que coûte. Quant à l’exportation de l’avocat du Burundi, j’y croirai le jour où je le verrai sur les rayons de Carrefour, l’un des leader de la distribution en Europe. Ceux qui croient à la manne annuelle de 10 millions de dollars issus de l’exportation de l’avocat burundais peuvent toujours rêver.

 

Moralité 

 

La fin justifie les moyens. L’équipe Nkurunziza nous vend des rêves : l’idée de vendre des avocats burundais aux Européens n’est qu’un moyen comme tant d’autres pour mener quotidiennement une campagne électorale pour son candidat en toute illégalité.

 

A. BIGIRIMANA (Paris, France)

 

(1) Voir article de Jean-Charles NKANGANYI, « Le succès du développement endogène au Burundi : le cas des travaux communautaires et la campagne actuelle de plantation des arbres fruitiers dans tout le pays », lundi 14 janvier 2008 sur le site Burundi Information.