None ba « Bashingantahe » barihe ?

C’est l’heure de vérité pour le Burundi

 

Par Déo Hakizimana

 

Ce week-end du 11-12 août s’achève dans le pessimisme pour le Burundi. Ce qui s’est dit autour du n°108 du journal Intumwa de Willy Nyamitwe n’est à notre avis qu’un exutoire d’un dossier encore plus complexe. Les assassinats ciblés se sont poursuivis et multipliés. L'activité militaire rebelle est une réalité à partir du nord du pays, où c'est le Chef de l'Etat lui-même qui en parle.  

A Gitega, des imbéciles ont encore une fois tenté de profaner le monument du Prince héros de notre Indépendance. Nos dirigeants, à commencer par les plus hautes autorités, les députés de l’Assemblée nationale et les figures phares de l’Exécutif, ont choisi d'échanger des propos fort peu obligeants les uns envers les autres à travers les médias, comme sir des tribunes officielles pour discuter avaient péri sous des incendies. Nous entendons que des réunions pour plancher sur des solutions d’avenir ou plutôt des réponses (opportunistes ou rassembleuses ?) à la crise ont été agendées ce week-end.

Mais rien, à notre connaissance, n'est venu nous montrer que le  dialogue national, général et global que nous appelons de nos vœux est à l'ordre du jour, même si les parties en présence ne nient pas son importance, reconnaissant en passant l’impardonnable violation des dispositions constitutionnelles.

 

Le discours sur le Rwanda 1994 a refait surface. C’est grave.  

 

Entretemps, les dossiers de détournements ont fini de ramener notre pays dans les tiroirs de la désolation, puisque les conséquences vont avant tout toucher les victimes de l’extrême pauvreté. Les choses sont si graves que le discours sur le Rwanda de 1994 – quand on écoute les arguments émotionnels (motivés ou pas) de la députée Kampayano - refait surface en parlant de ce Burundi d'août 2007. Triste référence pour qui sait l’Afrique des Grands Lacs du temps des « guerre d’octobre ».

Et comme pour tout prouver, les Américains viennent de recevoir  la consigne d'éviter Bujumbura pour des raisons sécuritaires. C'est un peu comme si les perspectives sombres qui nous ont fait bondir il y a six semaines se matérialisent (voir ces articles sur www.cirid.ch).

 

En réaction à ces récriminations, qui survolent un ciel déjà rouge d’incertitudes, nos dirigeants semblent estimer que les dégâts n’arrivent qu’aux autres. Il y a exactement vingt ans, quand Bagaza allait se laisser renverser par le major du 3 septembre, il confiait à ses proches que ceux-ci exagéraient la réalité des problèmes ; des témoins racontent qu’il n’y voyait que de l’auto-intoxication, alors que le processus de son renversement était en marche.

En 1993, pendant que Ndadaye suppliait le major Président, démontrant que le Burundi n’était pas encore prêt pour des élections dont les résultats durent, l’homme fort de l’époque ignorait toutes ces mises en garde parce qu’il était sûr de gagner. On connait la suite.

Car vint le Frodebu, dont l’establishment dominant ignorera très tôt qu’il ne suffisait pas de gagner un mandat électoral, mais qu’il fallait surtout gérer un pays, en commençant par veiller sur la sécurité du chef élu, tout en se protégeant des infiltrations de la part d’un pouvoir certes joyeusement vaincu mais qui avait des longueurs d’avance dans l’art de la dissimulation. Là aussi on connait la suite.

 

 

A la veille du 2ème anniversaire du gouvernement de 2005

 

Aujourd’hui, nos frères et sœurs du CNDD-FDD, lorsqu’ils fêteront dans moins de deux mois le 2ème anniversaire  du gouvernement d’août 2005 seront obligés de constater que tout son combat reste entier et que le pays ne se gouverne pas avec l’« igitsure » (le grand bâton, comme je l’appelle souvent).

S’ils en arrivent à faire ce constat, il faudra s’en réjouir, ce sera une chance pour tous, car cela voudra dire qu’ils ont commencé une agréable aventure : celle d’apprendre à écouter les autres « Bagabo », les autres « Bashingantahe » durant ces moments de vérité.

A ce jour, ce n’est malheureusement pas le cas. Il faut pourtant qu’on y arrive. Un ami m’écrivait récemment, en exprimant la même attente, dans un commentaire sur les articles des derniers jours. Il disait : « si le Titanique coule, même si nous échappons au naufrage, c'est nous qui porterons le deuil, une fois de plus. Une fois de trop ».

C’est pourquoi nous devons être extrêmement généreux en proposant des pistes. Ba bashingantahe bavugwa ni bave hasi, biyerekane, bavuge twumve. "La seule chose qui permet au mal de triompher est l'inertie des hommes de bien", avons-nous toujours rappelé.  

Contribution modeste, mais généreusement pensée

Moi je parle au nom de cette petite association appelée Cirid (Centre indépendant de recherches et d’initiatives pour le dialogue, www.cirid.ch) , qui a cependant une histoire de plus de onze ans.

Je parle aussi comme n’importe qui, comme vous Madame, Mademoiselle, Monsieur. Nous sommes, nous, des hommes et des femmes de bien. Qu'allons-nous faire dès ce lundi pour aider ? Même les partisans des coups d’Etat savent que cette alternative n’y fait plus rien de durable. La lutte armée, elle nous a fatigués. Les « lettres ouvertes » ? Ca ne suffit plus. Le dialogue ? C’est l’idéal, mais ceux qui ont les moyens de l’organiser  se débinent. Alors quoi ?

 

Au Cirid, nous avons commencé à faire ce que nous pouvons. Un de nos collègues parti avec un partenaire genevois rentre du Burundi où du 23 juillet au 3 août a eu lieu à notre siège national à Bujumbura une session de formation en communication pacifique et non violente.  Nous l’avons fait pour constituer une petite équipe d’initiés, qui peut offrir ses services dans le domaine de la médiation locale.

Nous avons aussi pris la responsabilité de publier un petit ouvrage de 60 pages présentant notre démarche baptisée 4 semaines d'actions, 4 projets pour l'avenir du Burundi (Voir encore www.cirid.ch). Nous tenons toujours à notre idée de pèlerinage de ressourcement civique sur le site historique du "Traité de Kiganda", une idée qui a passionné un nombre inattendu d’amis proches et lointains.

Nous avons même imaginé sur la base de ce satisfecit une petite action « new look » baptisée « Annuaire des partenaires de la paix au Burundi » pour que ceux qui partagent le même idéal puissent un jour faire connaissance. Vous aussi, vous pouvez en faire partie.

C’est peu par rapport au labeur immense qu’il y a à accomplir. Pour nous néanmoins, c’est déjà un pas…

 

Déo Hakizimana. d.hakizimana@cirid.ch