Vendredi, un
après-midi ordinaire. Une jeune femme monte avec deux enfants les escaliers qui
mènent à la rédaction de la Radio Publique Africaine. Elle s’appelle Mukunzi
Vanessa, elle a 19 ans, habite à Kamenge, quartier Taba. Elle est fatiguée. Elle
a faim. Les deux bambins, le sien, Axel, 9 mois, et l’autre, un peu plus âgé,
peut- être 11 mois, se mettent à gambader dans la rédaction. Anastasie Sogorore,
la responsable des programmes, écoute l’histoire de la jeune maman.
La veille, vers 10 heures, une femme est passée. Elle a prétexté chercher une
personne dans le quartier et lui a demandé de garder quelques minutes le bébé le
temps d’aller lui acheter quelque chose à la boutique du coin. Vanessa ne s’est
pas méfiée. Dans les cités on ne se pose pas de trop questions, on s’entraide
simplement. Sauf que la maman du bébé n’est jamais revenue. Vanessa a compris.
C’est une mère désespérée, qui ne sachant plus comment nourrir son enfant, a
préféré s’en séparer. Et le soir, à son retour, le mari de Vanessa s’est énervé,
a piqué une grosse colère : lui et sa jeune épouse ne peuvent s’occuper d’une
autre bouche. L'homme est un pauvre taxi-motocycliste. Le couple nourrit à peine
son petit Axel. Le mari a sommé Vanessa de trouver une solution au plus vite.
Voilà pourquoi cette jeune femme se trouve là, avec ce petit « Moïse », trouvé
non pas dans les eaux du Nil mais à Taba, un quartier pauvre de Kamenge.
Anastasie Sogorore rédige un communiqué qui passera, gratuitement bien sûr, sur
les ondes de la radio. Mais tout le monde sait que personne ne se manifestera.
Une discrète cotisation s’organise spontanément parmi les journalistes. Un
planton va acheter des limonades et des beignets. Tout se fait simplement.
Vanessa et ses deux enfants ont très faim.
Le petit « Moïse » demeure calme, il regarde les journalistes entrer et sortir
de la rédaction.
Ici à la RPA, on est habitué à de pareils cas. La veille, un homme sérieusement
battu, sanguinolent, est venu à la rédaction. La RPA a téléphoné l’APRODH, une
association qui milite pour les droits de l’homme. Un bon pour se faire soigner
a été apporté et un chauffeur de la radio a emmené le blessé au dispensaire.
Quand un citoyen battu, blessé, au lieu de se rendre à la police demande l’aide
de journalistes, et qu’il est soigné par une association citoyenne ; quand une
jeune maman avec un enfant abandonné sur les bras se rend à la rédaction d’une
radio au lieu d’aller trouver des services sociaux, il y a lieu de
s’interroger...
Mais c’est peut être une question de simple bon sens : on ne fait pas appel aux
absents. Depuis la nuit des temps, sous tous les cieux, les citoyens tentent de
pallier à la carence de l’Etat.
Pour « Moïse », Anastasie Sogorore et le directeur de la radio, Emmanuel
Nsabimana, ont trouvé rapidement une solution. Ils ont appelé Stam, une
Fondation tenue par une Allemande mariée à un Burundais. Elle recueille sans
condition des enfants abandonnés. « Moïse » est attendu, un chauffeur de la
radio va l’emmener.
Vanessa peut retourner chez elle à Kamenge, quartier Taba. Nous sommes à
Bujumbura, vendredi 11 janvier 2008. Un jour ordinaire, une histoire banale.
A Bujumbura, Antoine Kaburahe
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