LE BUDGET DE 2011 REFLETE UNE FUITE EN AVANT DU POUVOIR
Burundi news, le 03/01/2011
Par Gratien Rukindikiza
Le budget est le miroir financier d'une personne morale ou physique. Ce miroir est magique car on peut projeter une fausse image de soi. En principe, on budgétise les dépenses par rapport aux recettes. Si une tolérance d'un léger déficit est acceptable, le fait de cacher les problèmes financiers est coupable en raison des dégâts collatéraux que cette situation peut occasionner.
Les pays de l'Europe du Sud connaissent des problèmes budgétaires en raison des situations rocambolesques pour certains. La Grèce a caché les vrais chiffres. Au lieu de mettre à nu ses problèmes économiques, la Grèce a maquillé la comptabilité pour séduire l'Europe et les agences de notation. Quand la vérité a éclaté, la Grèce a frôlé l'insolvabilité. L'Espagne a augmenté sensiblement son PIB avec des projets économiques dans l'immobilier mais qui ne s'intégraient pas dans le paysage économique du pays. Les villas construits dans une zone inhabitée sont restés inoccupés et donc sans acheteurs. Les banquiers ont déjà empoché leurs intérêts mais les promoteurs croulent sous les dettes. Quand l'immobilier éternue, le pays s'enrhume. L'Espagne est victime de ce genre de projets sans lendemain.
Le budget qui ne devait pas sortir
Le Burundi n'a ni maquillé les comptes, ni construit à tout vent. Le Burundi est parmi les pays les plus pauvres du monde. Son budget est financé à plus de 50 % par les fonds hors du pays. Il a donc intérêt à garder de bonnes relations avec les bailleurs de fonds.
Ce budget est sorti à quelques jours avant la fin de l'année, après des mois de retard. Les arbitrages ont été compliqués et le commandant de bord était occupé à autre chose. Les fonctionnaires de la Banque mondiale qui viennent de séjourner au Burundi n'ont pas accepté ce budget. Des négociations ont duré; d'où le retard de l'envoi du projet de ce budget. Ces fonctionnaires de la Banque mondiale ont quitté le Burundi sans faire une conférence de presse.
La ministre des finances a du pain sur la planche. Elle doit combiner son travail assez prenant en fin d'année. Elle doit aussi se protéger par rapport aux dossiers de corruption qui sont évoqués dans les médias. Manque de chance, son siège est plus que éjectable. Elle accumule aussi les critiques des proches du pouvoir car elle n'aurait pas pu convaincre les pays donateurs.
La rigueur budgétaire est indispensable
Celui qui dépense plus qu'il gagne est nécessairement un tricheur ou vit sur le dos des autres. C'est une situation qui a une fin. Le budget du Burundi a été multiplié par deux en 3 ans. Or, les recettes n'ont pas suivi. Le Burundi se trouve à la fin de la phase d'après guerre. Il va falloir compter sur ses propres moyens. Les Pays Bas viennent de suspendre l'appui budgétaire. D'autres pays européens peuvent suivre.
En l'absence de ces aides, le Burundi réagit en augmentant les budgets de certains ministères. Au passage, le budget d'entretien d'un avion du gouvernement est reconduit. Pourtant, le gouvernement n'a pas d'avion. Où est parti le budget prévu l'année 2010? Le Burundi est le seul pays au monde capable d'entretenir un avion qui n'existe pas. Demain, il faudra voter un budget pour entretenir les sous marins atomiques burundais.
La rigueur budgétaire s'impose. La réalité est là et il faut l'affronter. Les Burundais ont déjà appliqué la rigueur dans leurs ménages. Un repas a été supprimé au cours de la journée dans plusieurs ménages pour s'adapter. Est-ce que l'Etat va continuer d'embaucher des fonctionnaires qu'il ne pourra pas payer? S'il faut augmenter les impôts, les recettes ne suivront pas pour autant. Trop d'impôt tue l'impôt.
L'Etat doit faire un budget de moins de 600 milliards. Pour ajuster ce budget, il va falloir harmoniser les salaires, suspendre des voyages en mission qui ne rapportent rien au Burundi, arrêter ces prières collectives étatisées qui sont devenues la plaie du pouvoir et limiter les avantages des dignitaires.
Que fera le pouvoir dans cette fuite en avant?
C'est la course contre la montre. Les fonctionnaires doivent être payés même avec 20 jours de retard. Le Burundi a décidé d'affecter au budget la remise de la dette; ce qui est une violation des accords de cette remise. Elle doit être affectée séparément à la lutte contre la pauvreté.
Faute des dons, l'Etat burundais a plusieurs leviers. Il émettra des bons de trésor en grand nombre mais les taux d'intérêts du marché sont élevés. Il pourra aussi emprunter à la banque centrale BRB, directement sans passer par des bons de trésor; ce qui ressort de la logique monétaire. L'Etat burundais pourra décider en douceur la dévaluation sans que les Burundais le sachent. La perte de la valeur de la monnaie burundaise s'accompagne du gain de la différence de la perte de valeur sur les devises détenues au pays. En effet, les devises sont converties en monnaie burundaise en comptabilité de l'Etat. Si la monnaie perd de sa valeur, les montants provisionnés en monnaie burundaise augmentent.
L'Etat burundais peut faire usage de la planche à billets en imprimant ces billets sans contreparties classiques monétaires. Cette situation entraîne nécessairement l'inflation. La monnaie émise sans contrepartie (Bons de trésor, refinancement de l'économie, devises etc...) est un surplus pour l'économie. Elle ne peut se justifier que par rapport à l'économie. Ainsi, cette économie réagit par le renchérissement des produits. Au Zimbabwe, l'enfant qui va acheter des bonbons est un millionnaire car il lui faut un million de dollar zimbabwéen pour acheter ses bonbons. Espérons que le Burundi évite cette situation.
Le Burundi a mis fin à sa reconnaissance du Polisario en espérant de l'argent du royaume marocain. Demain, il reconnaîtra le Taiwan si la Chine ne donne pas assez.
La rigueur budgétaire en cas de besoin prépare l'avenir. Le refus de la prise des mesures qui s'imposent est la pire des services qu'un pouvoir peut rendre à son peuple. Le budget d'un pays est aussi le miroir de l'économie du pays. Tant que les Burundais n'augmenteront pas leur productivité et aussi leur production de biens et services, le budget sera toujours déficitaire en recettes internes. Trois séjours de prière du gouvernement et hauts cadres en moins de 5 mois ne vont pas dans le sens de l'augmentation de la productivité.
Les grands mensonges présidentiels
Le Président burundais a des visions étranges. Le Dieu qu'il prie doit lire les notes sur le Burundi avec un prisme. Le Burundi qui serait parmi les pays développés en 2020, un mensonge destiné au peuple affamé, pauvre. C'est la seule façon qu'il a trouvé pour endormir ce peuple courageux qui endure la souffrance.
Le Président promet de l'énergie solaire à toute personne qui construira sa maison en terre cuite, aux écoles secondaires et aux centres de santé. Si un ensemble simple d'énergie solaire vaut plus de 20 millions de frs bu, à considérer que 100 000 ménages construisent des maisons en briques cuites, il faudra 2 000 milliards de frs bu pour honorer la promesse. Si on ajoute les centres de santé et les écoles secondaires, il faudra avec les ménages plus de 3 000 milliards de frs Bu. Or, le budget du Burundi est de 1 000 milliards et il sera financé par des recettes internes de moins de 50 %. Où va-t- il trouvé les 3 000 milliards de frs bu promis dans son discours du nouvel an? La démagogie d'un dictateur n'a pas de limite.
Le Burundi a beaucoup régressé par rapport à 2005. C'est une véritable récession économique. Le pays se classe parmi les 10 derniers pays pauvres, corrompus, les pays où il ne faut pas investir selon les études internationales.
Prier, prier mais la misère sera toujours là si la prière remplace le travail
Toute personne a la liberté de prier, de ne pas prier, de croire en Dieu ou de ne pas croire. C'est une liberté fondamentale reconnue par la constitution burundaise. Aucune autorité, qui qu'il soit n'a le pouvoir constitutionnel de forcer les gens d'aller prier. Or, Nkurunziza force ses ministres d'aller prier pour ne pas perdre leurs postes. Un véritable lavage de cerveau! Les ministres pensent plus à plaire au chef au lieu de s'occuper de leur travail. Trois rencontres de prière qui bloquent la vie d'un pays pour implorer le Dieu de développer le pays à la place des Burundais! Si la prière pouvait développer le pays, le Haïti serait plus développé que la France.
Tant que la prière domine les activités du gouvernement, tant que le travail est remplacé par la participation à la prière, le développement est un terme qu'il faut d'abord oublier dans le contexte burundais. Aujourd'hui, pour avoir un poste, il faut faire semblant de prier comme le Président.