LE BUDGET 2016 DU BURUNDI LOIN DE LA REALITE

 Burundi news, le 03/01/2016

Par Gratien Rukindikiza

Le Burundi traverse une période difficile. Surtout le peuple burundais qui souffre de la tyrannie, des massacres, des viols des femmes qui s'ajoutent au lot des malheurs de ce peuple fatigué. Le pouvoir doit fonctionner, payer ses fonctionnaires, ses magistrats, ses policiers et ses militaires chargés de la répression du peuple. Cependant, l'argent n'est pas au rendez-vous. Les forces vives de la nation se retrouvent dans des situations alambiquées. Les jeunes contestataires de ce régime sont massacrés tous les jours. Ils se cachent et d'autres fuient. Il n'est pas bon d'être jeune dans ce pays, surtout jeune tutsi ou des quartiers contestataires. D'autres jeunes sont occupés à massacrer le peuple. Le pays est à l'arrêt.

Ce budget de 2016 est un vrai casse- tête. Heureusement pour Nkurunziza, il n'a plus de tête. Il attend que l'argent rentre tout seul.

Budget en baisse mais pas assez

Le budget est en baisse mais pas assez. Il passe de 1 444 milliards de francs bu en 2015 à 1 119 milliards en 2016; soit 30 % de baisse. Il va de soi que les dépenses doivent baisser ainsi. Or, les charges de l'Etat baissent de 19.4 %. Le déficit prévu dans ce budget est de 142.2 milliards qu'il faut financer directement au Burundi. L'équation semble difficile. C'est comme si on demandait à un affamé de ne pas consommer son repas et le confier à quelqu'un d'autre. L'Etat veut prélever davantage alors qua l'assiette fiscale s'amenuise du fait du ralentissement de l'économie, une croissance négative; donc moins de production.

La taxe sur le carburant était de 10 frs bu. Elle passera à 110 frs bu. Ainsi, le transport augmentera car le transporteur répercutera la hausse sur le voyageur et aussi sur la marchandise transportée. Les produits de consommation et tous les produits transportés augmenteront de prix. Par un effet d'entraînement, il y aura une inflation de plus de 10 % au Burundi quand on sait que les commerçants en profitent pour gagner plus. A cet effet, il y aura une baisse du chiffre d'affaires dans les entreprises et la compensation passera par une autre augmentation de prix pour maintenir le même chiffre d'affaires. Le chiffre d'affaires étant fait par la quantité vendue multipliée par le prix unitaire; le prix unitaire augmentera et fera baisser la quantité vendue. Le commerçant doit payer ses frais fixes. Il augmentera le prix et le consommateur arrivera à son seuil de consommation. Personne ne sait que l'Etat ne pourra pas être tenté d'augmenter encore une fois le prix du carburant pour financer son déficit qui sera chronique.

Dès 2015, les recettes de l'Etat ont baissé considérablement. Les recettes de tva ont été révisées en cours d'année pour les baisser de 40 milliards de francs bu. Les impôts sur les revenus ont baissé de 24 milliards bu. Les dividendes de l'Etat au cours des 3 premiers trimestres 2014 étaient de 14 milliards et sont d'un milliard en 3 trimestres de 2015. Les dons en capital sont tombés de 126 milliards à 69 milliards en 2015 pendant la même période des trois premiers trimestres. Les dons courants se sont évaporés avec l'annonce du 3 è mandat.

Quant au fonds routier qui finançait certains secteurs sociaux comme la carte d'assurance maladie CAM pour une partie de  la population non couverte par les mutuelle, il sera réaffecté au déficit budgétaire en cas de besoin. Le ministre des finances ne l'exclut pas.

Les dons en capitaux de 357 milliards et les dons des administrations publiques donc les aides bilatérales de 223 milliards ont peu de chances d'être reconduits avec les sanctions de l'Union européennes. Le gouvernement burundais suppose qu'il gardera 65 % des dons. Trop optimiste. Compte tenu de la tournure des évènements et des massacres, la baisse pourra aller jusqu'à 85 %. Le déficit budgétaire pourra dépasser 35 %; donc plus de 388 milliards de déficit à financer.

Comment financer le déficit?

A part l'augmentation des taxes sur le carburant, l'Etat prévoit d'autres mécanismes. Les bons de trésor sont l'outil favori d'un Etat.

Un petit rappel d'économie monétaire. La masse monétaire  d'un pays varie en fonction de trois éléments indépendants. Les banques créent de la monnaie. Je ne rentre pas dans les détails des monnaies. Quand Jean, un Burundais résidant en Belgique envoie 2 000 € à ses parents, la banque qui reçoit ce montant convertit en franc bu et donne à ses parents prenons 3,4 millions de francs bu. Dans la comptabilité de la banque, les 2 000 € sont saisis en francs bu. La masse monétaire burundaise augmente de 3,4 millions de francs bu. La BRB augmente sa masse monétaire des 3,4 millions. De même, quand un commerçant reçoit un crédit de la banque, cette dernière crée de la monnaie avec une contrepartie de crédit. Le jour où le crédit sera remboursé, la masse monétaire diminuera d'autant. Le dernier outil de création de la monnaie est la dette de l'Etat. Les particuliers et les entreprises s'endettent et créent de la monnaie sans le savoir. L'Etat crée de la monnaie à travers les bons de trésor. Avant 2015, l'Etat burundais vendait ses bons de Trésor à la BRB. Or, la BRB ne détient pas sa propre monnaie. Elle est investie d'une mission monétaire du pays.

Aujourd'hui, les bons de trésor sont achetés par les banques, les entreprises et les particuliers. Les entreprises et les particuliers ne sont pas habitués à ce genre de placement. Les grands épargnants au Burundi sont les établissements publics comme l'INSS qui place les cotisations de retraite et risques des salariés. La Socabu, la Mutuelle sont aussi les grands épargnants. Ces trois établissements dont certains sont mixtes comme la Socabu, sont dirigés par des personnes nommées par le pouvoir. Les directeurs généraux de ces établissements sont membres de facto des conseils d'administration des grands banques de la place. Certains directeurs généraux sont des présidents des conseils d'administration des banques. Ainsi, si l'Etat lance des bons de trésor, il va de soi que les banques vont les acheter même à contrecœur. L'Etat a la main sur les nominations dans ces banques à travers les conseils d'administration.

En 2015, les recettes fiscales et non fiscales ont baissé considérablement. Dans le grand silence, l'Etat a payé ses fonctionnaires en 2015 avec les augmentations des bons de trésor achetés par les banques et les autres dettes envers les banques. Rien que le 1er, 2 è et 3 è trimestres 2015, l'augmentation des bons de trésor détenus par les banques et les dettes envers les banques est de 691 milliards par rapport à la même période de 2014. C'est un montant qui correspond aux salaires des fonctionnaires.

Est-ce que l'Etat pourra rembourser ses dettes?

L'Etat doit 41 milliards de francs bu aux entreprises sur ses arriérés jusqu'au 31 décembre 2012. Sur les trois dernières années, l'Etat n'a pas pu payer une dette vielle de 3 ans.

L'Etat compte lever des fonds à hauteur de 3 milliards de francs bu chaque semaine auprès des banques. La dette nouvelle sera de 156 milliards qui s'ajoute aux autres bons de trésor non encore payés. Il s'agit d'un prélèvement pour fonctionner et non rembourser les bons de trésor. Pour les rembourser, l'Etat devra demander aux banques d'acheter deux fois plus, voire trois fois plus de bons de trésor. Or, les banques détiennent l'argent des autres. Elles ne peuvent pas risquer l'argent des autres d'une façon illimitée. Un Etat peut tomber en faillite. L'Etat n'exclut pas demander des avances à la banque centrale la BRB. On arrivera au stade de la monnaie de singe comme on le dit en économie.

L'Etat dispose aussi d'un levier non moins catholique. La dévaluation de sa monnaie. Il est en train de concentrer les devises à la BRB. Ainsi, il pourra dévaluer sa monnaie de 50 ou 100 %. Si l'Etat burundais dévalue sa monnaie de 100 %, il va changer sa comptabilité des devises à travers la BRB et doubler sa contrepartie en masse monétaire. L'Etat gagnera ce que le citoyen a perdu en achetant les devises pour voyager. Le gain de l'Etat est dans l'immédiat et concerne les devises détenues dans la comptabilité de la banque centrale. L'Etat est en même temps consommateur et grand dépensier, il subira aussi les foudres de la dévaluation car le carburant va doubler de prix et l'Etat en a besoin pour fonctionner.

Revenons sur les bons de trésor. La banque centrale fixe les taux des bons de trésor ou disons les moyennes car il s'agit d'un appel d'offres même si on connaît les moyennes. Les bons de trésor sur 13 semaines sont de 4.35 % d'intérêts annuels, sur 26 semaines un taux de 6.75 %, sur 2 ans un taux de 15.55 % et 9 % pour une durée de 5 ans. Or, les banques prêtent aux entreprises et particuliers à plus de 15 %. Les bons de trésor à moins de 2 ans ne sont pas intéressants car l'open money ou le marché interbancaire (les prêts au jour au jour entre les banques) est à 7 %. Plus l'argent circule entre les banques, plus il est rentable et sécurisé.

Les ventes des bons de trésor ne rassurent pas les investisseurs dans ces bons. On ne peut pas s'imaginer un homme qui a perdu la moitié de ses revenus recevoir de  son banquier un découvert bancaire pour  financer son train de vie sur plusieurs mois sans qu'il donne signe de redressement de sa situation. Les banques burundaises  n'achètent pas les bons de trésor par volonté mais par contrainte. Les liquidités manquent. Les banques aimeraient financer leurs clients à la place de  l'Etat. Quel est ce banquier qui refuserait de les acheter tout en étant au courant des cadavres ramassés tous les jours dans les rues? En cas de refus, le prochain serait le sien.

Si le pouvoir de Nkurunziza survit toute l'année 2016; ce qui est peu probable, on aura une monnaie comme celle du Zimbabwé. Pardon Mugabe! Il a abandonné le dollar zimbabwéen et la monnaie nationale zimbabwéenne s'appelle désormais le Yuan chinois.

L'argent est le nerf de la guerre et souvent la guerre est la source de l'argent. El Shebab finance Nkurunziza à travers la mission AMISOM. C'est pour cela que Nkurunziza copie El Shebab.