MERCI PEUPLE BURKINABE,  UN COUP DE BALAI AU BURUNDI AUSSI

 Burundi news, le 02/11/2014

Par Gratien Rukindikiza

Il est difficile de parler de ce qui vient de se passer au Burkina Faso sans parler du premier des hommes intègres, celui qui a donné l'espoir au peuple burkinabé et aussi au peuple africain après les héros des indépendances. Le Président Sankara fut le révolutionnaire au vrai sens du terme. Il a remis en cause le néocolonialisme, la dette injuste des pays du Tiers monde, l'oubli de la paysannerie. Il a remis à jour le patriotisme. Un Président qui avait gardé son salaire de capitaine, un Président humble. Merci Sankara. Ta mort est vengée par le peuple burkinabé. La vengeance ira au delà des frontières. La justice te sera rendue. Le peuple burkinabé célèbre aujourd'hui le départ de ton assassin.

Depuis l'assassinat du Président Sankara, les héros ont manqué à l'Afrique. Mandela est de ces héros. Le Président Rawlings a marqué aussi l'histoire de l'Afrique.

Le peuple africain a manqué de référence. Le peuple burkinabé vient de montrer que la force réside dans la souffrance, dans la volonté de s'en sortir.

 "Je préfère faire un pas avec le peuple, que cent sans le peuple", disait le Président Sankara. Combien de Présidents africains font-ils  un seul pas avec le peuple? Combien de Présidents ne pillent-ils  pas les peuples pour s'enrichir au moment où les peuples meurent de faim, végètent dans le chômage? Oh peuples africains, les pleurs, la pitié ne paient pas. La communauté internationale va du côté du plus fort. Si vous êtes pauvres, faibles, vous serez écrasés. Si vous êtes pauvres et forts moralement, la victoire sera de votre côté.

La leçon du peuple burkinabé aux peuples africains

L'ancien Président a  pris le pouvoir le 15 octobre 1987 après avoir assassiné le Président Sankara qui avait dirigé le Burkina Faso du 4 août 1984 au 15 octobre 1987. Après plusieurs années sans être élu, Blaise Compaoré organisé des élections et a dirigé le pays pendant  deux mandats. Il tenait à rester au pouvoir en modifiant le fameux article 37 de la constitution burkinabé qui empêche un Président de se représenter pour un troisième mandat. L'opposition burkinabé et la société civile ont adopté le mot d'ordre du coup de balai pour balayer Blaise Compaoré du pouvoir. Ce dernier a voulu passer en force en présentant le texte de modification au Parlement. Ce 30 octobre 2014, le peuple a dit non et a forcé le passage au Parlement et les députés sont sortis par une issue de secours.

Les évènements ont pris une autre tournure. La radio a été prise d'assaut par le peuple. L'attaque du palais présidentiel où se trouvait Blaise Compaoré a été évitée de justesse par le dialogue entre les représentants de  la société civile et le commandant de la garde présidentielle.

Le peuple burkinabé a démontré qu'il peut changer les institutions, renverser  un dictateur pacifiquement même s'il y a eu un mort. L'armée a démontré qu'elle est au service du peuple car elle a refusé de tirer sur les manifestants, ce qui a accéléré la chute de Blaise Compaoré.  Comme le disait Sankara, on a besoin d'un peuple convaincu que d'un peuple vaincu. Le peuple burkinabé était convaincu de sa victoire et il a refusé d'être vaincu.

Dans plusieurs pays d'Afrique, des Présidents veulent changer les constitutions pour se présenter pour un 3 è mandat. Il y a les deux Congo, le Burundi, le Rwanda, l'Ouganda. Les plus intelligents ne se présenteront pas. Les autres  tenteront de se présenter. La situation est différente au Rwanda car l'opposition ne se fait pas entendre et les Rwandais sont plus tournés vers les miracles de l'économie rwandaise. D'autres disent que le Président Kagame ne se présentera pas pour un troisième mandat. Au RD Congo, le Président Kabila est assis sur une poudrière. Son assise à Kinshasa n'est pas solide. Un vent de révolte peut l'emporter. C'est l'homme fragile s'il se met au forcing. Au Congo de Brazza, l'opposition est tombée dans les mirages des dollars pétroliers selon le principe de "Mange et taie-toi". Seule la société civile peut conduire au renversement populaire si le Président Sassou Nguesso veut se présenter pour un troisième mandat.

La leçon au peuple burundais

Le peuple burundais vit des moments difficiles. Le pouvoir tue, pille et triche. Ce pouvoir est incarné par le système du trio Nkurunziza. En violation des accords d'Arusha et de la constitution, le Président Nkurunziza veut se présenter pour un troisième mandat. Le fait d'avoir présenté au Parlement le projet de modification de la constitution pour qu'il puisse se présenter est un signe que la constitution ne le lui permet pas. Malgré le rejet de la modification par le Parlement, le Président Nkurunziza persiste et signe. Si certaines informations font état d'une volonté de déstabilisation du pays par le même pouvoir afin d'aboutir à une transition du Président Nkurunziza, il ne faut pas écarter la volonté de Nkurunziza de passer en force.

Le mouvement de la liberté a commencé au Burkina Faso. Il va s'amplifier les jours à venir. Ce mouvement concerne aussi le peuple burundais. Le chômage des jeunes, l'insécurité physique, alimentaire, la corruption, le mauvais chemin pris par la CENI, les emprisonnements abusifs et politiques, les assassinats extra judiciaires etc... constituent les conditions objectives d'une révolution burundaise.

Le pouvoir appartient au peuple. Du moment où le peuple est conscient qu'un groupe d'individus lui a volé son bien cher qui est le pouvoir, la démocratie, il lui appartient de se battre pour retrouver son bien. La colère d'un peuple meurtri est plus forte que la force du pouvoir. Le peuple burundais est mûr pour récupérer son pouvoir par la rue comme l'ont fait les Burkinabé. L'armée, la police ne pourront pas tirer sur les manifestants déterminés. Chaque officier donnant l'ordre de tirer devient responsable devant son peuple et en cas de victoire de cette révolution, il est le seul en assumer les conséquences. Même sans victoire de cette révolution, le peuple finit par se venger d'une façon ou d'une autre. On ne tire pas sur son peuple du moment où il manifeste sans usage des armes à feu.

A travers cet article, j'interpelle la conscience des officiers de la police et de l'armée. L'embarras du choix ne se pose pas entre le peuple et le pouvoir. Les pouvoirs changent mais le peuple reste. Officiers, pourquoi défendriez-vous contre le peuple un pouvoir qui viole les droits des citoyens. N'êtes-vous pas les fils et filles du peuple? Etes-vous contents de ce qui se passe dans le pays? Personne ne vous demande de renverser le pouvoir car il ne vous appartient pas. La nation burundaise vous demande de ne pas tirer sur le peuple, d'accompagner une révolution burundaise comme l'a fait l'armée burkinabé qui a gagné des points en respectabilité.

Message au Président Nkurunziza

Monsieur le Président, vos conseillers vous mentent comme ceux de l'ancien Président Buyoya qui  lui disaient qu'il allait gagner les élections contre Ndadaye. Vos conseillers vous disent que vous êtes populaires car là où vous arrivez, vous êtes acclamé. Vous oubliez que ce peuple le fait sous une surveillance de l'administration, des services de renseignement pour que le monde soit comme vous le voulez et non comme il est. Le peuple burundais vous voue une haine sans précédent mais vous le cache.

Ces derniers jours, vos conseillers, quelques ministres vous disent que les pays européens vous soutiennent pour un troisième mandat. Ouvrez les yeux Monsieur le Président. Vous avez lu le rapport du Parlement européen très critique à votre égard. Quel est le pays européen qui irait dans le sens contraire du Parlement européen? Vos conseillers sont obligés de vous dire que tout va bien dans l'Union européenne pour qu'ils continuent à faire des missions à Bruxelles. Ils vous donnent des rapports bidons sur des gens qu'ils auraient rencontrés alors qu'il n'en est rien.

La donne vient de changer. La leçon burkinabé est un grand évènement pour l'Afrique et l'Europe. C'est vrai que certains émissaires français vous disent qu'ils vous soutiennent. Un soutien de circonstance lié aux mauvaises relations entre la France et le Rwanda. Un soutien à double tranchant. Ce soutien qui s'est déjà manifesté au conseil de sécurité des Nations Unies est en train de changer. Le Burkina Faso reste un exemple pour vous. Une semaine avant le renversement du Président Burkinabé, le ministre de la défense de France avait dit au Président burkinabé qu'il est le garant de la stabilité de la sous région et que son maintien au pouvoir est souhaitable. Quand les manifestants ont brûlé le Parlement et les militaires refusaient de tirer sur les manifestants, la Présidence de la France a sorti une lettre envoyée à l'ancien Président Blaise Compaoré l'invitant à quitter le pouvoir sans modifier la constitution. L'amitié a changé en fonction du rapport des forces.

La leçon burkinabé sera un modèle. Souvenez-vous du printemps arabe qui a commencé en Tunisie. Deux semaines avant la chute de Ben Ali, la ministre de l'intérieur de l'époque avait proposé d'envoyer un matériel pour mâter les manifestants, une semaine après, la France poussait au départ de Ben Ali. Dans la foulée, l'ancien Président libyen Kadhafi qui était le grand ami de la France a constaté un retournement des relations. L'opinion française voulait que le printemps arabe frappe d'autres pays arabes. Le Président Sarkozy ne pouvait pas passer à côté. Il a été le premier à bombarder son ami Kadhafi. Certains disent qu'il a été tué par un commando infiltré par la France ou avec l'aide de ce commando. 

De même, le retournement a déjà commencé. Les médias réclament, l'opinion publique demande un changement en Afrique, des révolutions. Sur les télévisions françaises, les prochains sur la liste sont notamment le Burundi et le Congo Kinshasa (RDC). On voit votre photo en tête des dictateurs africains. Monsieur le Président, vous êtes encore en paix tant que les enquêteurs mystères sur l'assassinat des trois sœurs de Kamenge tués par vos services de renseignement ne rendent compte. La décision de tuer ces sœurs a été prise au haut sommet. Si vous n'étiez pas au courant, démontrez -le en arrêtant le général Adolphe Nshimirimana. Si vous ne l'arrêtez pas, cela signifie que l'ordre de tuer ces sœurs est venu de vous directement et il faudra assumer. Trop c'est trop, vous avez tué Manirunva et voilà un assassinant de trois religieuses européennes venues pour aider les Burundais.

Message à la société civile et à l'opposition

L'opposition burundaise devrait arrêter de regarder les intérêts personnels, de privilégier les egos des uns et des autres. On peut accepter d'avoir faim aujourd'hui au nom du peuple quand on est sûr qu'on se bat pour une cause juste. Le peuple a besoin d'une opposition unie crédible et avec un langage clair. L'opposition ne commence et ne se limite pas à la RPA. Il faut affronter le pouvoir, encadrer les militants et refuser les emprisonnements politiques. La solidarité doit être le mot d'ordre.

La société civile donne l'impression d'être démoralisée, incapable d'agir. A-t-elle été secouée par l'emprisonnement de Mbonimpa? Prenez l'exemple du collectif du balai au Burkina Faso. Ce collectif a tenu tête au pouvoir jusqu'à la chute du pouvoir. Personne ne fera la révolution à la place des Burundais eux-mêmes.

Un peuple bâillonné ne peut pas attendre du salut des autres. Le Burundi a eu son indépendance grâce à la lutte de nos héros. C'est le même peuple qui doit se battre. Aux leaders de l'opposition et de la société civile de conduire ce peuple à l'épanouissement et à la retrouvaille de son bien qui est la démocratie et aussi une bonne redistribution de la richesse du pays.

Et si Nkurunziza quittait le pouvoir sans violer la constitution

Tenant compte des changements au Burkina Faso, Nkurunziza serait malin en annonçant ne pas briguer un troisième mandat. Il s'en sortirait avec moins de casse. Ne pas briguer un troisième mandat ne suffira pas. Il faudra aussi désarmer les imbonerakure, dissoudre les CENI, mettre en place un cadre de discussions sincères avec l'opposition, renvoyer tous rebelles FDLR présents au Burundi pour préparer des élections apaisées.

La réalité est autre même au sein du CNDD-FDD. Les cadres de ce parti n'hésitent pas à critiquer ouvertement le Président et son duo qui l'accompagne. Les officiers anciens FDD ne sont plus solidaires avec le pouvoir de Nkurunziza. Il suffirait que le Président Nkurunziza entende le mal qu'ils disent de lui pour comprendre qu'il vit dans une bulle d'auto mensonges. Ce sont ces mêmes officiers qui seront le danger principal de Nkurunziza en forcing pour se présenter et tricher les élections de 2015. Mais en réalité, il y a un mal qui frappe nos chefs d'Etats africains. Plusieurs sont trop bêtes. Ils quittent le pouvoir par la force comme s'ils n'avaient pas les yeux pour voir ce qui se passe. Mobutu aurait pu profiter de la médiation de Mandela pour quitter le pouvoir. Blaise Compaoré aurait dû profiter de la médiation de l'ancien Président Jean Baptiste Ouédraogo pour accepter de ne pas tenter de modifier la constitution. Kadhafi aurait pu partir à temps. Voilà aussi Nkurunziza qui risque de rater une occasion de s'éviter des tragédies et aussi les éviter au peuple burundais. Est-ce que le pouvoir rend bête? Ou l'argent du pouvoir?

Peuple burundais, l'heure est arrivée pour défendre tes acquis. Le peuple comprend les militants du CNDD-FDD, FNL, MSD, UPD, UPRONA, FRODEBU etc.. ainsi que les sans partis. Le devoir incombe à tous car le changement apporterait un plus à toutes les victimes de la dictature burundaise.

A bon entendeur, salut!