ET SI LES BURUNDAIS FAISAIENT COMME DES MALIENS!

Burundi news, le 04/07/2010

Par Gratien Rukindikiza

En Afrique, les pays se ressemblent mais les peuples ne se ressemblent pas. Les peuples sont aussi souvent à l'image du pouvoir à tel point qu'on pourrait dire sans se tromper "Dis-moi qui te dirige, je te dirai qui tu es". Les leçons des uns ne sont pas des modèles pour les autres. Pire encore, la façon de détruire les pays en Afrique est plus imitée que la façon de les construire. On dirait que, plus les dirigeants détruisent leurs pays, ruinent leurs peuples, plus ils sont des grands dirigeants. La peur, la pauvreté et l'ignorance, ce sont les ingrédients pour endormir les peuples d'Afrique.

Les peuples africains doivent se prendre en charge. Plusieurs Etats ont démissionné et au lieu de développer les pays, ils endettent les peuples pour le bien être des dirigeants. Ce sont nos enfants qui vont payer la corruption d'aujourd'hui, l'extravagance des dirigeants africains.

Certains dirigeants ont compris que, faute d'aider leurs peuples, il vaut mieux les laisser s'entraider. Nous citons le cas du Mali.

Les Maliens de la diaspora, un exemple pour les Burundais de la diaspora

Le Mali est un pays qui avait souffert de la dictature de Moussa Traoré et qui souffre de l'avancée du désert. Les Maliens doivent se battre pour survivre. Ils ne sont pas gâtés par la nature comme les Burundais. Ce n'est pas l'or du pays ou le pétrole annoncé qui fait vivre le paysan malien. Après l'arrivée au pouvoir d'Amani Toumani Touré (ATT), les Maliens ont pris espoir en eux et ils ont été entendus en Europe. La région de Kaye plus particulièrement a misé sur une constitution de diaspora, souvent non instruite mais animée d'amour pour leurs villages. Les Maliens de Kaye sont partis en Europe, non pas pour mener leur vie tranquille et oublier le pays mais pour financer les projets des paysans restés au village.

Ces Kayiens ont créé des associations pour financer des projets d'école, de centres de santé, d'éducation communautaire pour le développement etc... Ils ont devenus crédibles et ont des résultats tangibles. Ils ont attiré la sympathie et plusieurs donateurs les ont suivis. Aujourd'hui, la seule région de Kaye réunit à elle seule plus que le financement direct aux paysans burundais. C'est un exemple pour la diaspora burundaise. A force de se battre pour tel ou tel politicien, les Burundais de la diaspora sont devenus des réservoirs de main d'oeuvre pour le Burundi en cas de la victoire du cheval gagnant sur lequel on a misé. Ils ne sont pas sensibles à la misère du peuple burundais. L'égoïsme et le manque de patriotisme font que le Burundi ne profite pas de cette diaspora mal organisée et non encadrée.

Quel développement des paysans maliens!

L'exemple que je donne souvent du paysan burundais est typique. Avant la colonisation, le paysan burundais cultivait la terre avec sa houe. Mon arrière grand père, voire l'arrière grand père de mon arrière grand père labourait la terre avec la houe. Le roi Ntare Rugamba venait voir son peuple sur Inderuzo (Civière), les Burundais labouraient la terre avec la houe. Aujourd'hui, des siècles après, celui qui a remplacé le roi est un Président. Quand il vient voir le paysan, il vient en voitures mercedes blindées, fumées, tout terrain. Les voitures sont tellement  nombreuses que le paysan ne sait pas dans quelle voiture se trouve le Président. Une seule voiture coûte la totalité des maisons des paysans du village visité et elle a une valeur que ces paysans ne produiront jamais pendant leur vie. Les paysans que le Présidents visitent en voitures de luxe,  blindées (et non rend visite car il n'y a pas de réciproque), labourent la terre toujours avec la houe.

Il suffit de constater le pas franchi par le chef du pays et la stagnation du paysan. Le paysan a travaillé plus pour produire le café, le thé etc... pour que le Président puisse s'acheter des voitures de luxe alors que notre cher paysan n'a pas eu de retour. Pourquoi le développement a t- il touché une seule catégorie? Pourquoi le paysan a-t-il été oublié?

Le paysan malien prend sa revanche. La houe devient du passé. Organisé, aidé par le pouvoir au niveau de la décentralisation, le paysan malien de Kaye laboure la terre avec des charrues et boeufs. Pour ne pas s'arrêter à ce niveau, après avoir maîtrisé la technologie de fabrication des charrues, il vient de dompter les tracteurs fabriqués localement par des Indiens à des prix défiants toute concurrence. Qui peut s'acheter au Burundi un tracteur neuf de moins de 10 000 €. Les paysans maliens copartagent les frais du tracteur. Et le paysan burundais? Quel pouvoir va-t-il l'aider à s'affranchir de cette calamité de houe qui fait suer autant les femmes? Ce ne sont pas les intellectuels au chaud à Bujumbura ou la diaspora exploitée en Europe, avec  ses soucis de vie courante et qui refuse de regarder la pauvreté des paysans burundais en face.

Les portes s'ouvrent et ils en profitent

Un protocole de coopération vient d'être signé ce jour dans une mairie d'une ville de la région parisienne. Les sommes mises  en jeu pour une commune sont considérables et l'honnêteté de ces Maliens inspirent confiance. Tous les projets sont exécutés tel que c'est prévu dans des protocoles. Une délégation du maire de la communede Diakon, son adjoint et deux députés, tous parlant d'une même voix, avec le soutien de la diaspora de la commune Diakon. Qui peut faire mieux? Les Burundais? Non, ils sont les champions d'inviter des ministres ou d'autres personnalités pour des projets qui atterriront chez les proches des ministres ou autres. Ils sont invités pour des conférences pour discuter de la politique politicienne. Pour arriver à quoi? A rien! Combien de millions d'euros dépensés ces 4 dernières années en Europe et en Amérique pour des discussions politiques des Burundais? Combien de millions dépensés pour financer des projets directs aux paysans au Burundi? Très peu.

La politique politicienne pour dire le contraire de ce qu'on veut dire sans le dire directement pendant plusieurs longues et fatigantes minutes a pris beaucoup d'argent qui aurait dû servir au développement. J'ai toujours entendu dire que ces débats permettent de calmer les Burundais, leur permettre de s'exprimer comme si il s'agissait des psychologues pour soigner ces patients burundais. Celui qui voudra soigner les Burundais devra commencer par les dirigeants et le peuple en dernier.

Ce débat politicien qui ne conclut pas sur un développement est une perte de temps. Trop de politique tue le paysan. Il n'a jamais mis dans sa casserole un kilo de politique et pouvoir le donne à manger à ses enfants. La force des Maliens réside dans cette énergie canalisée vers le développement local. Ils arrivent à financer le pays plus que les financements internationaux. L'apport de la diaspora malienne dans la région de Kaye dépasse de loin l'apport de l'Etat malien dans cette région.

La bière, la bière, les bonnes discussions politiques, et après!

Le fonctionnaire burundais prendra sa bière, deux , trois, quatre, etc... et il l'accompagnera de bonnes discussions politiques selon ses penchants du moment. Ces bières dépassent facilement la paye mensuelle. C'est le paysan qui a besoin des papiers qui paiera les dessous de table pour que le fonctionnaire maintienne son standing et puisse discuter de cette fameuse politique bien arrosée dans des bars. Au passage, notons que l'appartenance politique changera en fonction des forces en présence. Les plus prudents et surtout opportunistes se bousculent aux portes du nouveau parti arrivé au pouvoir ou ayant gagné les élections. Combien de gens ont-ils déjà eu des cartes de l'Uprona, du Frodebu, du CNDD-FDD, un petit crochet confidentiel avec des cotisations au FNL pour rester officiellement au CNDD-FDD?

La stabilité politique malienne a de quoi à apprendre aux Burundais

La stabilité politique du Mali le doit à ATT. Il a été un des premiers Présidents militaires à avoir cédé le pouvoir sans passer par des élections. Son départ et le fait de rester près de l'armée a facilité la stabilité politique. Le Président Omar Konaré pouvait se dire que ATT pouvait reprendre le pouvoir si Konaré hypothéquait la démocratie. ATT est de retour au pouvoir par la voie des urnes. Le Burundi n'a pas eu cette chance. Si Buyoya avait accepté la transition de trois ans avec Ndadaye et était resté neutre en quittant le pouvoir sans passer par un échec électoral, le peuple burundais aurait pu éviter un grand calvaire qu'il vient de subir.

La stabilité politique manque aujourd'hui car celui qui stabilise le pays doit avoir un esprit stable aussi. Or, celui qui utilise la violence a peur. C'est la peur qui crée la violence et c'est cette violence qui entretient la peur. Il y a deux sortes de peur. La peur physique et la peur de perdre ses avantages et situation matérielle. A chacun sa peur, pour d'autres les deux peurs. Le paysan n'a pas peur de perdre ses avantages, il n' a ni salaire, ni voiture de fonction. Il a la peur d'être assassiné, de voir les siens subir des violences physiques. Celui qui a peur de perdre ses avantages a une maladie que seuls les psychologues peuvent guérir. Souvent ce sont des avantages illicites comme la peur de perdre un poste qui rapporte beaucoup en corruption.

Appel à la stabilité et à l'amour de son peuple

Un jour, j'avais pris rendez-vous pour demander des financements de ma zone natale. J'ai commis l'irréparable de comparer le Mali et le Burundi en disant que les Maliens reçoivent beaucoup de fonds alors que moi, ce sont de petites sommes. Mon interlocuteur m'a dit une vérité qui m'a touché. Il m'a dit ceci : "Le jour où vous les Burundais  finirez de détruire, vous reviendrez nous voir, on vous aidera à reconstruire. Tant que vous continuerez, ça ne servira à rien de vous financer". Nous devenons comme des ambassadeurs officieux qui sont rappelés à l'ordre quand ça va mal au Burundi. Parti au pouvoir ou opposition, peu importe, on doit répondre de ce qui se passe au nom du Burundi.

Les politiciens burundais devraient savoir que s'ils aiment le peuple, ils devraient se mettre à table pour discuter, trouver des solutions aux problèmes. Nous sommes fiers de notre pays quand il a un nom de la fierté dans la communauté internationale. Nous restons aussi solidaire de notre peuple quand la situation est critique.

S'il vous plaît les politiciens burundais, surtout les dirigeants, facilitez-nous la tâche.