CALME A BUJUMBURA

Burundi news, le 21/03/2013

Par Gratien Rukindikiza

La situation semble calme au Burundi. Est-ce que les choses évoluent positivement? N'allons pas vite en besogne. Des opposants sont rentrés au Burundi, des discussions sont engagées entre le pouvoir et l'opposition sous l'égide des Nations Unies. Des cadres du parti au pouvoir disposés à dialoguer, adoptant un profil bas, il y avait de quoi étonner.

Les caisses vides, le pouvoir s'assagit

Si les poches sont vides, l'arrogance tend à diminuer car il est impératif quelqu'un d'autre les remplisse. Le Burundi tire une bonne partie de son budget dans les aides internationales. Or, ces aides avaient beaucoup diminué en raison du caractère dictatorial du pouvoir. La communauté internationale reproche au Burundi de ne pas respecter les droits de l'homme, l'absence de la bonne gouvernance et le refus à l'opposition de faire son travail tranquillement.

Aujourd'hui, le budget de l'Etat est problématique. Même si les missions à l'étranger ne manquent pas pour permettre à certains de s'enrichir, d'autres missions à l'étranger comme les ambassades attendent plus de deux mois les salaires et les frais de fonctionnement. Les frais de visa sont devenus des caisses noires de subsistance des ambassades. Le Président Nkurunziza l'a peut-être remarqué qu'il a reçu les Burundais dans un quartier périphérique, loin de la ville de Paris en raison des problèmes de budget de l'ambassade du Burundi en France.

Le manque des devises fait plonger le franc bu. L'Etat est obligé d'intervenir pour réguler sa mesure de la loi de l'offre et de la demande des devises sur le marché. Cette pauvreté du pays entraîne une fuite en avant. Certains ténors du pouvoir perdent leur pouvoir d'achat. Tout ce qui reste est à rafler. Les marchés publics sont la manne du ciel. Certains demandent des commissions avant même la première livraison. Cette corruption casse le marché car la douane et les impôts y perdent. Les affaires ralentissent davantage et les hommes et femmes d'affaires se découragent.

Une visite du Président Nkurunziza  à Paris

Il l'attendait depuis plusieurs années. Le Président Nkurunziza avait sollicité cette visite en vain. Tous les ambassadeurs successifs y travaillaient sans y arriver. Des intermédiaires ont été nécessaires pour décrocher un rendez-vous d'une dizaine de minutes avec le Président Hollande. Le Président français, que Nkurunziza a rencontré, est un Président plongé dans ses problèmes. Le Mali est un succès mais aussi un échec. Sur le plan militaire, il s'agit d'un grand succès. Diplomatiquement, aucun pays européen n'a voulu le suivre sur le terrain. Aucun pays européen  n'a accepté de payer la charge lourde. Politiquement, La France est intervenue dans un pays dont les dirigeants sont dans l'illégalité. Le Président Dioncounda a dépassé le mandant de transition avant les élections. Le capitaine Sanogo, putschiste, a un salaire de 6 000 € plus que le Président en restant dans le camp Kati.

 Hollande a un problème de budget avec son déficit de plus de 3 %. Les mesures prises pour ramener la croissance sont inadéquates et sa base commence à douter. Bref, l'homme qui a reçu Nkurunziza a ses problèmes. Ce n'es pas lui qui aidera le Burundi. Et d'ailleurs, il a dit qu'il interviendra dans les instances pour que le Burundi soit aidé. C'est un langage diplomatique pour remercier un Président qui tient à envoyer ses militaires dans le sahel du Mali comme si la CEDEAO n'avait pas de militaires suffisants pour chasser les milliers d'islamistes au Nord du Mali.

A Paris, au lieu de recevoir les aides attendues, le Président Nkurunziza a reçu un cahier de charges. En privé, il lui a été dit que sa façon de museler la société civile, de jeter en prison les politiciens, la mauvaise gouvernance n'était pas de nature à faire rentrer les aides. Le Président Hollande lui a demandé de faire tout pour que les négociations avec l'opposition aboutissent et soient mises en application. Ceci explique le profil bas adopté.

Les discussions continuent à Bujumbura

Que ce soit l'opposition et le parti au pouvoir, la prudence est de mise. Le texte sorti de la première consultation montre bien que le représentant de l'ONU au Burundi ne se laissera pas faire. Il jette les bases des vraies questions politiques burundaises notamment les élections. Le pouvoir a intérêt à aller aux élections avec l'opposition. Si les discussions n'aboutissent pas, il n'y aura pas de financement des élections. Le Burundi n'est pas capable de trouver cet argent nécessaire aux élections. Ces discussions peuvent donner espoir aux bailleurs de fonds; d'où un retour espéré des aides.

Des boucs émissaires en prison pour maintenir le calme

Ce calme nécessite des pions. Le marché de Bujumbura qui a été brûlé sur ordre d'un haut gradé agissant probablement au nom du pouvoir a déjà mis en prison des innocents. Le directeur du marché qui a été mis en prison ne sait rien de l'incendie du marché. Ceux qui l'ont jeté en prison savent qui a brûlé le marché. Il suffit de demander à ceux qui s'étaient trompés de date et qui croyaient que le marché était en feu le vendredi; soit deux jours avant le dimanche de l'incendie. Pourquoi la commission n'interroge-t-elle pas le ministre de l'intérieur qui a dit que c'est Dieu qui a aidé à ce que le marché brûle? Probablement qu'il savait que certains avaient retiré les marchandises le vendredi.

Pour montrer que le Burundi est déjà dans la galaxie de la violence, les policiers n'ont pas hésité à tirer sur des croyants qui allaient prier chez Zibiya. 7 morts et une trentaine de blessés par balles. La grande absente a été l'église. Des fidèles tués et l'église muette, du jamais vu. Est-ce que parce que Zebiya détournait les catholiques vers sa colline? En matière d'église, la concurrence est aussi féroce qu'en affaires.

Il est grand temps que le pouvoir comprenne que sa police est à son image.

Un calme qui ne fait pas oublier le dossier de Manirumva

Le calme ne fait pas oublier le dossier Manirumva. Des innocents sont en prison alors que les coupables sont dans l'équipe qui dirige le Burundi. Le commerçant Hilaire Nadayizamba est en prison depuis plus d'un an. Il est accusé d'avoir téléphoné Ernest Manirumva en cette date du 09 avril 2009. Or, en cette date, 9 autres numéros ont appelé Ernest Manirumva. Aucune des 9 personnes qui l'ont appelé n'ont pas été inquiétée.

Le commerçant Hilaire Ndayizamba avait eu des marchés avec certains ministères. Le dernier marché lui avait échappé et il avait sonné sa disgrâce. A-t-il refusé de payer des commissions? Toujours est-il qu'il a été décidé de le sacrifier en tant qu'innocent pour que les généraux soient épargnés. Il occupe la cellule de Mpimba pour que les regards cessent de se tourner vers le général Adolphe Nshimirimana et d'autres.

Aujourd'hui, le commerçant Hilaire Ndayizamba est très souffrant. Ses lettres n'ont pas suffi à convaincre le ministère de la  justice de le laisser sortir de prison pour se faire soigner. Contrairement à ce que disent les proches du pouvoir, Hilaire Ndayizamba n'avait aucun litige avec Manirumva. Manirumva a été assassiné parce qu'il enquêtait sur les livraisons des armes aux mouvements rebelles rwandais au Congo contre l'or et au Soudan au profit de certains généraux. C'est pour cela que la décision de l'assassiner a été prise.

Que le calme garde la tempête loin du Burundi. Ntaganda sera bientôt extradé vers la Haye et sera jugé par la CPI. Une leçon pour la classe politique burundaise.