LE CAPITALISME EST MORT, VIVE LE NOUVEAU CAPITALISME A VISAGE HUMAIN

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 21/02/2009

Le monde est victime de ses succès technologiques. Il évolue en fonction des inventions. Depuis l'invention de la machine à vapeur, la campagne a été dépeuplée au profit des villes industrielles. La navigation a été possible, ce qui a permis au monde ayant eu les inventions de coloniser les peuples restés à l'écart de la nouvelle technologie. Ces peuples ont d'abord été exportés dans des terres vierges en Amérique pour travailler dans les cannes à sucre. Les inventions ont créé le bonheur des uns et le malheur des autres. Les Africains ont été mis en esclavage en Amérique en raison de ces inventions. La poudre inventée par les Chinois a permis aux royaumes et républiques européens de conquérir l'Afrique, d'imposer leurs diktats. Face aux armes à feu, les Africains n'ont pas pu résister. Avant même les indépendances, la monnaie fiduciaire était déjà en circulation et les règles mondiales monétaires étaient imposées au reste du monde par l'Europe et l'Amérique. Les fameux accords de Bretton Woods ont marqué les contours du capitalisme moderne, mondialisé et monopolistique dollarisé, si je peux me permettre.

Karl Marx et le nouveau capitalisme

Le théoricien Karl Marx avait bien défini le capitalisme et la monnaie qui le régissait. Pour lui, le profit était constitué d'un surplus de travail de l'ouvrier non payé par le patron. Il disait que la monnaie devait représenter une richesse produite. Karl Marx a vécu dans le siècle du début de l'industrialisation au 19 è siècle. S'il avait connu Bretton Woods, il aurait compris que le capitalisme changeait de visage et que la notion de profit se compliquait.

Karl Marx avait prévu l'implosion du capitalisme par des contradictions  du système. En tant que grand théoricien, la solution proposée pour remplacer le capitalisme n'a pas tenu. Le communisme est aujourd'hui une notion plus abstraite que réelle. L'échec du communisme dans les pays de l'Europe de l'Est, en Russie, Cuba,  etc... est la manifestation des limites de la mise en application des théories économiques et politiques toutes faites.

Le dollar marque le monopole et fragilise les économies mondiales

Depuis la fin de la guerre du Vietnam, les Américains ont compris que la domination du monde peut passer par l'économie que par les guerres. En 1971, le dollar est devenu la monnaie mondiale sans contrepartie de garantie. Il n'était plus garanti en or comme il était avant. Après les dépenses colossales pour financer la guerre du Vietnam, les Américains étaient incapables de rembourser les dollars ayant pris d'autres sobriquets comme les pétrodollars, les eurodollars etc... La masse monétaire créée en dollars était telle qu'elle ne pouvait pas que financer l'économie américaine. Ces dollars non convertibles en or sont restés à l'étranger et sont devenus des unités de valeur commune.

Presque tous les paiements internationaux se faisaient en dollars. Chaque pays devait détenir des dollars dans ses réserves pour payer le pétrole, les matériaux de constructions, les avions etc.... Etant ceux qui frappaient la monnaie mondiale, les Etats Unis pouvaient se permettre d'acheter à l'étranger avec leur monnaie que  personne ne pouvait demander sa  valeur réelle. Toutes les monnaies étaient indexées au dollar  jusqu'à l'émancipation de l'Europe et du Japon.

Un système financier mis à nu par les subprimes

Il est difficile de comprendre que l'Américain insolvable, sans travail, ayant reçu les subprimes, qu'il est responsable de la crise mondiale actuelle. Celui qui a donné un crédit à un ménage en notant qu'il est insolvable ou menteur, savait bien qu'il était assis sur une bombe à retardement. Les banques qui les ont distribuées et qui ont gagné de l'argent les premières années ont distribué des dividendes et des bonus aux actionnaires et aux patrons. Ces derniers savaient bien que les crédits ne seront pas remboursés. Plusieurs autorités des pays occidentaux  savaient bien qu'une crise majeure se faufilait à l' horizon. Ils ont préféré fermer les yeux pour éviter de ne pas imploser le système. La bulle internet a permis à plusieurs patrons d'entreprises de vendre du vent, de récupérer la mise et les bonus pour se mettre à l'abri d'une éventuelle crise mondiale. Le phénomène de titrisation a permis de faire partager les risques à ceux qui achetaient les yeux fermés des "produits phares ayant fait ses preuves outre Atlantique".

Parallèlement au début du problème des subprimes dès 2004, les bonus et les primes aux patrons ont plus que doublé. Les résultats des entreprises étaient en progression. Certaines entreprises industrielles et de services gagnaient plus d'argent à la spéculation qu'au vrai métier exercé de production de biens et services. Il était devenu plus rentable de spéculer que d'investir. Au moment où les experts nous chantaient la croissance mondiale, la production technologique baissait mais les valeurs des actions à la bourse augmentaient. Pire, certaines  sociétés rentables ayant réalisé des bénéfices très importants ont vu leurs actions chahutées à la bourse. Les fonds de spéculation d'origine américaine ont racheté beaucoup de sociétés pour les revendre après un an ou deux en profitant de l'effet de levier( différence entre le taux d'intérêt d'un emprunt et le taux de rentabilité sur investissement). Ces fonds licenciaient une partie du personnel, nettoyaient certains actifs, imposaient d'autres méthodes efficaces à court terme et vendaient les sociétés pour réaliser leurs gains financiers.

Le monde financier a beaucoup profité de cette crise. Presque toutes les banques en ont profité pour nettoyer les comptes des erreurs de gestion non avouées et aussi des pertes dans dans paris risqués. Les banques occidentales ont en réalité touché le fond mais elles peuvent encore creuser. Les banques ne se font plus confiance. Elles ne veulent plus prêter aux particuliers et aux entreprises ou en réalité, elles n'ont pas d'argent pour prêter. Comment expliquer que des banquiers se bousculent aux portes du ministère des finances français pour avoir des prêts de 10 milliards d'euros à rembourser à 8 % d'intérêt au moment où le taux directeur fixé par la banque centrale européenne vient de tomber à 2, 50%? Pourquoi ces banquiers ont-ils accepté un prêt à 8 % alors que moi, en tant que particulier, la banque me prête à moins de 5%. Qui va payer la moins value? Quelle  était l'urgence d'un tel prêt? Pourtant, les banques savent que l'Etat français est très endetté et que l'argent prêtait par l'Etat est l'argent de la planche à billets.

Le paradoxe du monde financier actuel est l'inversion des rôles. L'Etat était emprunteur sur le marché monétaire comme les banques et les entreprises. Ce marché était animé par les banques. Aujourd'hui, l'Etat prête de l'argent sans passer par la banque centrale. En réalité, l'Etat prête l'argent qu'il affirmait ne pas détenir les mois derniers. Les caisses étaient vides. Et voilà, l'argent qui tombe de nulle part pour renflouer les banques au bord de l'asphyxie financière. Les entreprises émettent des obligations non garanties par l'Etat auprès des autres entreprises. Le domaine du crédit et de l'émission monétaire sortent de plus en plus des banques pour être expérimentés par les entreprises en mal d'argent frais des banques. Peugeot émet des obligations à 9 %, impensable. Au même moment, les taux d'intérêts sont moins de la moitié dans les banques. Cette société a compris qu'elle ne peut pas obtenir ces fonds des banques et a préféré miser haut même si la rentabilité des ses activités tombe en dessous de 9%, elle aura sauvé l'entreprise et les salariés. 

Il faut sauver le capitalisme!

Le capitalisme est malade, il agonise. Sa nouvelle maladie n'est pas bien connue. Les médecins assistent impuissants devant l'ampleur des dégâts. Ils espèrent que la maladie partira toute seule après avoir calmé la population pour éviter qu'elle s'affole. Les génériques administrés aux patients n'ont rien donné. Pire, les patients sont atteints par d'autres infections. Ceux qui sont en bonne santé tombent malades un à un. Tous les experts contactés  ne font qu'énoncer l'ampleur des dégâts sans apporter des solutions.

L'économie va mal. Personne ne sait quand et par quel moyen le monde sortira de cette crise. Les économistes libéraux ont déjà fermé leurs livres car ils ont connu un échec cuisant. L'économie mondiale ne se régule pas seule comme on l'apprenait dans les facultés d'économie. Cette théorie est à l'origine de la crise. Le laisser faire de l'économie qui finit par retrouver son équilibre est un véritable gouffre. Les dirigeants financiers mondiaux y ont cru et voilà qu'il est trop tard pour  sauver le monde sans dégâts.

La crise a commencé en 2004. Elle s'est manifestée aux yeux du public quand les dirigeants ont cru qu'il fallait lever le tabou en 2008. En 2009, la crise financière devient une crise économique. C'est ce que tous les économistes craignaient. Il fallait la circonscrire dans le domaine financier sans atteindre l'économie. Mission difficile. Les dirigeants ont commis l'erreur de ne pas vacciner ceux qui n'étaient pas encore malades, à savoir l'économie réelle : La production et la consommation. Ils ont voulu sauver les banques et les consommateurs ont paniqué. A Londres, des épargnants ont perdu confiance et sont allés retirer leur épargne dans une banque; ce qui a donné l'image de la crise de 1929.

Aujourd'hui, les dirigeants européens tentent de sauver les banques et les entreprises. Dans certains pays, ils ont compris que la relance de la consommation peut être un des leviers. En France, le Président Sarkozy a choisi la relance par l'investissement. C'est son choix. Mais, les entreprises peuvent produire, tant que la consommation ne repart pas, la production sera invendue et la crise réelle se retrouvera dans un cercle vicieux. Le Président américain Roosevelt qui avait relancé l'économie par la relance a gagné le pari. Cette solution était proposée par le New Deal nommé pour sauver l'Amérique.

En écoutant certains dirigeants, la crise actuelle aura des conséquences jusqu' à la fin de 2010. Les peuples doivent se préparer. Les sommes qui sont débloquées pour sauver le capitalisme peuvent sauver l'humanité de la famine, de la malaria, du sida et développer l'Afrique. Il suffit de la volonté.

Et si la crise était une chance de l'Afrique

Dans toutes ces histoires, l'Afrique semble épargnée jusqu' à une certaine période. Pas complètement. La crise financière a commencé par la bourse d'abord. La perte de confiance à la bourse à la suite des révélations de l'état réel des banques a déclenché la panique. Cette panique boursière n' a pas touché l'Afrique. C'est en quelque sorte la pauvreté qui l'a sauvée  dans un premier temps. Cette pauvreté ne pourra pas la sauver des conséquences de cette crise. L'économie réelle n'est pas encore touchée mais elle le sera bientôt en raison des problèmes d'écoulement de la matière première.

Bientôt, les pays occidentaux, très occupés à soigner leurs économies pourront suspendre ou baisser sensiblement les aides à l'Afrique. Les budgets seront touchés et surtout les budgets d'investissement. Si on sait que les investissements en Afrique sont en grande partie réalisés par les Etats, on comprend que cette crise aura des répercussions sur les peuples africains.

Les dirigeants africains ont le temps. Or, c'est ce temps qui manque aux pays occidentaux. Les occidentaux ont déjà la crise. Les Africains ont le temps de réfléchir, de trouver des solutions à la crise. Qu'est ce qui peut empêcher les Africains de constituer un comité d'experts pour étudier les conséquences de cette crise à l'Afrique et trouver des voies et moyens pour résister. L'Afrique a l'argent du pétrole même si son cours est en chute, l'argent des matières premières. L'Afrique a sa richesse naturelle, sa richesse humaine et sa matière grise. Il suffit d'une cohésion pour se mettre à une table dans le but de trouver des solutions.

Si l'Afrique ne saisit pas la balle au bond, si elle attend que la crise se généralise, touche les économies réelles, les dégâts seront graves et elle ne pourra s'en sortir qu'avec au moins cinq ans après la sortie de la crise de l'occident. Les populations fragiles seront à l'abandon. L'accès aux soins de santé, à l'éducation et même à une alimentation sera  hypothéqué.

L'Afrique peut profiter de cette crise pour repenser à son mode de fonctionnement, changer certaines règles de ce capitalisme sauvage. Si elle arrivait à se montrer dynamique, à attirer les investissements des pays riches en mal de consommateurs dans leurs pays, l'Afrique sortirait renforcée de cette crise.