CHARROI ZERO,  QUI EST LE PERDANT?

Burundi news, le 22/06/2013

Par Gratien Rukindikiza

Les bonnes intentions accouchent souvent de mauvaises applications. Le Burundi gaspille l'argent du contribuable avec le charroi de l'Etat. Les véhicules de l'Etat sont mal entretenus, le carburant de l'Etat sert aux déplacements privés et publics. Les pièces de rechange destinées au charroi étatique sont utilisées sur des véhicules publics et les véhicules privés. La décision du gouvernement actuel d'avoir un charroi zéro a été très bien appréciée. Une mesure pour assainir les finances publiques. Et pourtant, les bénéficiaires de cette mesure sont loin d'être les contribuables burundais.

Les ministres se servent d'abord à prix d'amis

Dès que la mesure a été annoncée, certains ministres ont bien remis à neufs leurs véhicules de fonction. Les secrétaires permanents et les autres  ont fait de même. L'utilisateur de la voiture était prioritaire. Le prix de vente était fixé en fonction de son évaluation. Dans le royaume de la corruption, l'évaluation est faite par l'acheteur, d'autant plus qu'il s'agit des biens de l'Etat. Les ministres ont des véhicules de luxe de marque Sorento de valeur de 80 millions de francs bu. Ces véhicules sont achetés par les ministres à 14 millions de francs bu. Sur les 14 millions, l'Etat paye 7 millions et le ministre débourse 7 millions de francs bu. Voilà un véhicule presque neuf de 80 millions acquis à 7 millions de francs bu. Qui dit mieux?

De même, les Prado des secrétaires permanents leur seront vendus à 7 millions comme les ministres. Pour payer  les 7 millions, l'Etat accorde un crédit bonifié d'intérêts. L'heureux acquéreur n'aura qu'à payer 240 000 frs par mois. Nous reviendrons aussi sur la subvention qui concerne les 240 000 frs mensuels à rembourser.

Double subvention ou triple?

Comme si l'Etat n'avait pas choyé ses fidèles serviteurs, une enveloppe mensuelle de 5000 000 frs est accordée à tout haut fonctionnaire en indemnités kilométriques. Les ministres auront 600 000 frs. Normal car une voiture d'un ministre transporte beaucoup de dossiers et consomme 20 % de plus que celle d'un conseiller! Celui qui a acheté la voiture de 80 millions  à 7 millions aura 600 000 frs ou 500 000 frs selon son niveau et remboursera 240 000 frs. Tenez, un ministre rembourse sa voiture 240 000 frs par mois et l'Etat lui reverse 600 000 frs par mois en indemnités kilométriques. Il lui reste 360 000 frs pour acheter l'essence nécessaire pour aller au travail. Il ne consommera pas plus de 8 litres d'essence par jour.

S'il se déplace en province, il aura 299 frs bu par kilomètre, en plus des 600 000 frs. Qui est le gagnant? Celui qui s'est servi et non celui qui est sensé être servi, j'ai nommé le peuple.

En comparaison avec la France, les indemnités kilométriques seraient au maximum de 2 772 € par an, ce qui revient à 231 € par mois si on tient compte d'une moyenne de 20 km par jour pour 225 jours de travail  pour notre ministre burundais. Or, les bureaux sont concentrés dans un petit cercle. Rarement il fera les 20 km à titre professionnel. Le ministre burundais a 600 000 frs bu d'indemnités kilométriques. Ramené dans le système français, il aurait 462 000 frs bu. Que l'Etat burundais est généreux! Vive le boulot de ministre! Que le peuple acclame!

Dans les bureaux à Bujumbura, la colère gronde, les véhicules en mauvais état ont été laissés aux conseillers et d'autres n'ont rien reçu. Or, ils doivent se débrouiller pour des déplacements professionnels. Cependant, ils auront 500 000 frs par mois s'ils avaient  un véhicule de fonction avant cette politique du charroi zéro.

Est-ce que les véhicules seraient soldés comme le Falcon 50? Au moins, l'argent des véhicules rentrera dans les caisses de l'Etat alors que l'aigle vert a emporté les 8 millions de dollars du Falcon 50.