Au Burundi, le moment de choisir son camp est arrivé

Par Déo Hakizimana

 

Ce qui vient de se passer au Palais de Kigobe, le siège de l’Assemblée nationale burundaise, est révélateur d’une situation sécuritaire qui empire. Les faits sont durs sur ce point.

Il y a une dizaine de jours déjà, les Nations Unies ont décidé d’appliquer la « Phase III » sur toute l’étendue du territoire national.

Ces mots « Phase III » veulent indiquer que la communauté internationale prend au sérieux les signaux d’alarme et que les phases antérieures ont été dépassées : le personnel sous sa tutelle ne peut plus se contenter de circuler avec précaution (Phase I), ou restreindre seulement ses mouvements (Phase II comme c’est le cas actuellement au Kenya. On atteint le stade de « relocation ». Ce vocable anglais signifie que les onusiens se voient imposer un transfert, un confinement dans un endroit x plus sûr, sauf s’il existe des opérations d’urgences (Phase IV). L’on doit à ce moment être en forme en cas d’évacuation (Phase V). Pour en arriver là, divers signaux ont défilé dans l’actualité.

Plus parlants sont les assassinats ciblés, la circulation des armes et la menace des milices privées. Le tout s’aggrave par le non respect des accords de paix Gouvernement-FNL, une évidence qui multiplie les zones de non-droit.

Le chaos qui en est résulté a bloqué le traitement des dossiers notamment criminels urgents. Pour tout dire, le pays croule encore plus sous le lourd poids  de son passé non éclairci, et cela arrange les faucons prédateurs.

 

Les leçons du passé ont-elles donc servi à rien ?

 

Ce chaos est d’une telle gravité que même le lancement lundi dernier de cadres de dialogue encouragés par le Binub (Nations Unies), sous l’œil intéressé du Conseil de sécurité et de la Commission de consolidation de la paix est passé inaperçu. Malgré les millions de dollars en circulation.

Si l’on était encore dans les années 70-90, il y aurait de quoi réjouir un candidat putschiste. Pour parler comme les stratèges, une des 3 conditions pour un coup de force - à savoir le mécontentement général - est là. Resterait un homme dans l’armée et un scénario. En 1976, Bagaza en avait un : Micombero  était fatigué. En 1987, Buyoya a dû exploiter le conflit Eglise-Etat pour remercier son « cousin ». Lorsqu’il est revenu en juillet 1996, il s’est servi de la confusion qui régnait autour d’un Président dépassé par la donne. S’il devait revenir aujourd’hui, comme le chuchote une certaine opinion chaque fois que le Burundi réalise une mauvaise passe, il devrait compter cette fois-ci avec une géopolitique interne extrêmement complexe.

En fait, que ce soit lui ou que ce soit un autre, il aurait fort à faire pour s’imposer face aux armées et milices aussi diverses qu’incontrôlables, qui pullulent sur un territoire qui a goûté à deux expériences électorales dont la légalité a été établie.

 

Epuisante patience, déception inconsolable

 

C’est sur cette donne que repose l’énorme et épuisante patience du peuple burundais actuel qui, dans une déception inconsolable, affronte les inerties coupables de nos jours.

En clair donc, s’il existe un scénario dit « rose », il faudrait qu’un ressaisissement civique, direct et immédiat, qui ne peut venir d’ailleurs que de la plus haute autorité de l’Etat, s’impose. Pour des tas d’évidences, il semble que ce ressaisissement est plutôt la chose à laquelle on s’attendrait le moins.

Alors, le statu quo, peut-il durer ? La réponse est non. Et si celle-ci reste opaque, posons la question autrement : le Burundi peut-il se contenter d’appliquer une Constitution devenue inapplicable ? D’un parlement qui ne vote pas des lois ? D’un gouvernement qui ne gouverne pas, ses ministres ayant autant de langages qu’il y a des chefs de partis politiques alors même qu’il avait un mandat d’union nationale ? Pouvons-nous nous satisfaire d’une justice bâillonnée, d’une police et d’une armée qui, finalement, après avoir fait des progrès incontestables, va refléter les contractions de leur classe politique ? A l’évidence non.

Il reste alors le scénario dit « noir », le plus détestable de tous, qui menace d’être malheureusement le plus probable. Il s’installerait suite, par exemple, à de mauvaises humeurs génératrices de règlements de compte assassins, nés des colorations ethniques qui ont refait surface.

Si le cas Nzomukunda, n’est pas de ceux-là, à proprement parler, eh bien, il a le mérite de montrer que les contradictions se sont accumulées, jusqu’au-delà des fourmillements ordinaires d’une crise qui mange tout le monde.

Face à l’extrême pauvreté qui galope, les réfugiés qui ne peuvent plus poursuivre leur flot de rapatriement, la reconstruction devenue impossible, c’est le moment d’affirmer que « quand les éléphants se battent, ce sont le herbes qui périssent », comme dit le proverbe ».

C’est pourquoi ce n’est plus le temps de continuer à poser des questions, mais d’aider à apporter des réponses. Oui, des réponses, pas uniquement des jérémiades.

Le MSD propose (voir le communiqué n°2 du 14 février) qu’il y ait un climat qui permet de ramener la sérénité, créée grâce à la générosité, à l’humilité et à la détermination de faire respecter la vérité surtout sur les obscurités qui nous empêchent d’avancer. (Nous reviendrons sur ces propositions).

C’est cette sérénité qui aiderait à en finir avec le contentieux FNL, à envisager par des moyens démocratiques, la réforme de la constitution, qui serait le fruit d’un labeur collectif, conduit par un vrai gouvernement d’union nationale obéissant à une seule éthique, celle des valeurs citoyennes.

C’est à cette condition que nous pouvons espérer qu’il existe des échéances politiques en 2010. Dans moins de deux ans.

Dans cet ordre d’idées, il est important que les députés qui, dans l’imbroglio actuel, ont favorisé la violation des règles constitutionnelles, nous dire à quel camp ils appartiennent.

 

Déo Hakizimana, SG/MSD