Rectificatif au 01 août 2007. L'article de Fabien Cishahayo se trouve encore dans les éditoriaux. Nos excuses.

Note de la rédaction : Nous publions un article paru en premier sur le site Burundibwacu et qui a été repris sur Burundirealite. Fabien Cishahayo est un des premiers Burundais des médias à constater avant les autres que le pouvoir du CNDD-FDD était mal parti. Son départ du site Abarundi était dû à ses analyses que les autres responsables de ce site ne supportaient pas. Il est toujours difficile pour les militants d'un parti de supporter des critiques quand leur parti commet des erreurs.

L'article de Fabien Cishahayo critique le système actuel. Or, la ligne actuelle du site Burundibwacu se rapproche du pouvoir. Pour défendre le pouvoir, rien n'est interdit. Des mensonges ne manquent pas. Leur cible est Rukindikiza. Son crime est que Rukindikiza a refusé de défendre une seule ethnie au Burundi. Défendre le peuple sans défendre une ethnie est devenu un crime. Critiquer un pouvoir quand un hutu est au pouvoir, on n'aime pas les hutu. Voilà la dernière retrouvaille de Burundibwacu, Rukindikiza aurait tué des hutu en 1988 dans Ntega Marangara. Il faut vraiment en rire. Car c'est exactement le contraire qui s'est passé. Les rédacteurs de Burundibwacu le savent. Rukindikiza a négocié en 1988 à Gisanze avec des gens armés de machettes et arcs sans tirer une cartouche. Il a évité un bain de sang à Gisanze. Les menteurs de Burundibwacu devaient se renseigner. Le camp Muyinga où Rukindikiza travaillait n' a jamais participé dans des combats à Ntega Marangara. Si les rédacteurs de Burundibwacu ont besoin des informations sur Rukindikiza lors de Ntega Marangara, ils peuvent poser la question au procureur général de la République qui était à Muyinga en ce moment.

Nous remercions certains membres de la rédaction de Burundibwacu qui ont insisté pour que la réponse à ce faux Lothaire Niyonkuru soit publiée. Le journal Intumwa qui a collaboré avec Burundibwacu dans cette fameuse lettre vient de mettre les points sur les i. Le Niyokuru Lothaire est un professeur d'université, d'après Intumwa. Or, le seul Lothaire Niyonkuru Lothaire, professeur d'université s'est exprimé sur la RPA pour démentir. Il y a lieu de se demander si Burundibwacu a un autre Niyonkuru Lothaire différent de ce Lothaire Niyonkuru cité par le journal Intumwa; tous les deux, auteur d'une même lettre. Un Lothaire Niyonkuru bis qui a pris le nom de Lothaire Niyonkuru du fait que l'autre Lothaire Niyonkuru était intelligent! Voilà l'autre faux Lothaire Niyonkuru qui donne même les noms de ses enfants sans dire dans quel pays il se trouve et quel métier il exerce pour qu'il soit bien identifié. Pourquoi Intumwa et Burundibwacu divergent-ils sur l'identité de ce Lothaire Niyonkuru?

Nos félicitations à Fabien Cishahayo pour son apport dans ses analyses intelligentes et bien éclairées. Nous lui souhaitons de maintenir le cap.

Et si le système DD (CNDD-FDD) s’effondrait ? Tout le monde gagnerait, sauf le peuple burundais.

Par Cishahayo Fabien

 

 

Canada, 2007-08-22 (Burundi Bwacu) - "Si nous voulons que les choses restent comme elles sont, il va falloir que ça change " Guiseppe di Lampedusa

Les observateurs extérieurs au système (CNDD-F)DD ne manquent jamais de relever ces derniers temps la dérive, pour ne pas dire la descente aux enfers du Burundi sous la gouverne du parti vainqueur des élections de l’été 2005. Même à l’intérieur du système – si l’on peut vraiment parler du système, ce dont je doute personnellement – des critiques commencent à se lever pour appeler à rectifier le tir, pour éviter que tout s’effondre comme un château de cartes.

Pour nous qui regardons cette situation de l’extérieur du pays et de l’extérieur du parti – ou de la coalition au pouvoir, il est difficile de voir les signes et les lignes qui dessineront le futur du pays. La politique burundaise est devenue totalement illisible. On ne parvient plus à identifier les centres à partir desquels se décide le sort de la maison natale. Le parti CNDD-FDD, divisé, tente de recoller les morceaux en remettant en scelle ceux qui, hier, ont eu le tort de choisir Radjabu contre Nkurunziza, dans le bras de fer qui a opposé les deux dirigeants pour le contrôle des institutions. Le gouvernement, aéropage hétéroclite de personnalités, tantôt proposées puis désavouées par leurs partis respectifs, s’ils ne sont pas nommés après un tordage de bras des puissances extérieures – suivez mon regard vers un vice-président – peine à définir une direction commune. La seule chose qui fasse consensus, c’est la volonté de s’enrichir le plus rapidement possible au mépris des problèmes dans lesquels se débat le peuple des collines. Quant aux deux chambres du parlement burundais, elles peinent à contrôler l’action du gouvernement et à l’infléchir dans le sens de la volonté générale. L’obstruction systématique, comme si l’opposition républicaine siégeait désormais dans les enceintes de Kigobe, est devenue la norme. La scission du parti au pouvoir a favorisé des sortes d’alliances contre nature, entre ceux que le peuple a élus et ceux qui, de justesse, ont pu avoir leur strapontins ou ne l’ont eu que parce que la cooptation liées aux quotas a pu leur ouvrir les portes des deux chambres. Bref, le pays est au bord du gouffre et comme le disait le mot célèbre, il risque de faire un pas en avant. L’appel des 67 parlementaires vient à point nommé pour rappeler ce que nous dit l’adage populaire à savoir que la montagne qui refusait tout appel à la raison a brûlé au vu et au su de ceux qui lui avaient prodigué de sages conseils.

Un scénario à la rwandaise

Avant la prise de pouvoir par le FPR en 1994, de nombreux assassinats de dignitaires, soupçonnés d’être de mèche avec l’opposition, eurent lieu au Rwanda. Le discours public, largement promu par les médias ou relayé par eux, parlait d’ibyitso - les traîtres – et appelait constamment à leur élimination, ce qui faisait de leur meurtre un acte de bravoure.

Quels que fussent les auteurs de ces forfaits, le terrain était donc propice à la diabolisation du pouvoir en place et à son élimination, considéré comme un acte de salut public. En effet, les meurtres étant signés avant même d’être exécutés, il était facile de faire endosser au pouvoir en place les atrocités commises et il lui était très difficile de protester de son innocence. Or que voyons-nous aujourd’hui à Bujumbura ? Un leader du groupe parlementaire CNDD-FDD menaçant de punir sévèrement les auteurs d’une lettre ouverte au Président de la République, un pseudo-journaliste, ignorant ou inconscient de ses responsabilités éditoriales, stigmatisant les parlementaires qui n’ont pas voté dans le sens du pouvoir, et allant jusqu’à étaler au grand jour leurs cordonnées, comme s’ils les livraient en pâture aux chiens et aux chacals. Un président de la république lui-même, ridiculisant les parlementaires et essayant de les tourner contre le peuple qui les a élus en prétendant qu’en ne votant pas dans le sens du pouvoir, ils desservent les intérêts de leurs électeurs. Et comme par hasard, une pluie de grenades s’abat sur le domicile de certains des élus du peuple qui ont appelé le Président à ramener le bon sens dans le débat public. On se croirait aux dernières minutes du Titanic. Le pays est-il mûr pour le retour d’un sauveur ?

Un petit air de …déjà vu !

Tour le monde se rappelle du pourrissement de la situation politique à la veille du renversement, en 1996, du régime dirigé par Ntibantunganya Sylvestre. Le pauvre homme avait essayé, dans la mesure de ses maigres moyens, d’arrêter cette marche vers le chaos savamment orchestrée par un stratège planqué dans les coulisses. Il était allé jusqu’à investir dans sa survie physique et politique personnelle en abdiquant toute dignité et en caressant dans le sens du poil une armée qui était en train de massacrer son peuple… et qui l’avait rendu veuf. Rien n’y fit. Le rideau est tombé quand un certain Gustave qui, dans les coulisses manipulait les marionnettes, a fini par occuper le devant de la scène et a renversé les institutions. A ce moment, nous avons commencé un nouvel acte de la tragédie burundaise. Il aurait été pire si Nyerere, médusé, n’avait pas crié au scandale devant le projet de Buyoya de supprimer le Parlement. Il se contentera de le diluer et nommant des ” élus „ !

Contrairement au pitoyable Ntibantunganya rescapé de l’hécatombe du 21 Octobre 1993, le CNDD-FDD avait, dès le départ, les moyens de ses ambitions politiques. Il n’a pas pris le pouvoir les mains nues. À la légitimité issue des armes, il avait ajouté celle issue des urnes. Il avait donc, logiquement, les moyens de tenir un discours crédible et la capacité d’engager le pays hors des sentiers où nous avons pataugé pendant longtemps, en croyant que la seule légitimité issue des urnes suffisait à protéger nos institutions des fauteurs de guerre. Qu’a-t-il fait de ces si belles semences ? Pourquoi le fruit de cet arbre est-il si amer ? Pourquoi n’a-t-il pas été à la hauteur des promesses de la fleur ? Peut-être que, comme je le disais dans un texte antérieur, nous devons refaire nos devoirs et implanter lentement, patiemment, une culture démocratique avant de parler de changements et d’institutions démocratiques. Peut-être que nous avons mis la charrue avant les bœufs, que nous avons rêvé en couleurs, que nous ne sommes pas, au fond, mûrs pour la démocratie, comme le prétendait un ancien président français, un monarque républicain qui n’était pas lui-même follement amoureux de la démocratie.

Et si tout basculait ? Et si le système DD s’effondrait ?

Alors que le président burundais semble avoir supprimé le verbe écouter de son vocabulaire et que ce que nous vivons actuellement au Burundi ressemble à s’y méprendre à une fin de règne, j’ose à peine imaginer des scénarios heureux pour sortir de notre crise institutionnelle. Ceux qui parlent à mots couverts de limogeage du président n’ont que le chaos en tête, un chaos revu, corrigé et peut-être augmenté à la place du chaos actuel. Nul ne peut prédire avec exactitude quel homme prendrait le pouvoir à la place du président actuel, tant décrié pour sa préférence pour la prière et le sport, à la place de la tâche de gérer la Cité que nous lui avons confiée. Mais à ceux qui proposent son ” impeachment „, ce dernier n’a que, tantôt le silence, tantôt l’arrogance et la provocation à offrir, alors qu’il sait très bien qu’il doit son pouvoir aux suffrages des deux chambres du Parlement réunies.

Nous allons donc vers un point de rupture dont nous ne savons pas quelles forces, dans les coulisses, sont en train de préparer les lendemains. Ce que nous savons avec certitude, c’est que ce ne sont pas des lendemains qui chantent. Le grenouillage d’un certain parti perdant des élections de 2005 pour récupérer des ministères stratégiques lors du récent remaniement ministériel n’augure rien de bon. Même si les journées ville morte et leurs cortège de victimes n’étaient plus au menu…

Il est une autre chose que nous savons avec certitude. Si nous sommes incapables de concrétiser les promesses de changement qu’incarnait le parti aux commandes de la République, les acteurs étrangers nous en proposeront un, brandi à toutes les sauces comme un professeur émérite en démocratie. Gustave – puisque c’est de lui qu’il s’agit - a ses entrées chez Manuel Baroso, l’homme à la tête de l’Union européenne. Il a ses entrées dans les cercles politiques parisiens et belges, toutes tendances confondues, alors que Paris et Bruxelles restent des centres majeurs de la politique européenne en Afrique.

Gustave est dépêché partout en Afrique où l’on tente de bâtir un semblant d’ordre démocratique. Et il est un conférencier très en demande dans les cercles académiques américains. S’il a enfermé dans des camps de concentration des milliers de nos compatriotes où certains sont morts comme des chiens, ce n’est là que péchés de jeunesse. On lui pardonne d’autant plus ses péchés qu’un pouvoir issu de la majorité démographique qui, pour la première fois, est représentée par les forces de défense et de sécurité, se révèle incapable de gérer adéquatement le pays, pour faire advenir un ordre social et politique de nature à favoriser le développement économique d’un peuple qui n’attend que la fin des tracasseries du pouvoir pour se prendre en charge.

Quand le système DD aura épuisé toutes ses cartouches et qu’il se sera complètement brûlé, discrédité même auprès des modestes citoyens qui l’ont mis en place, il se trouvera des gens dans les cercles des décideurs internationaux – FMI et Banque mondiale en tête - pour affirmer que les majorités démographiques sont incapables de gouverner un pays et que les minorités actives et éclairées, fussent-elles soutenues par des pointes de baïonnettes comme chez nos voisins du Nord, sont les seules à pouvoir faire régner un semblant d’ordre, fut-il musclé et étroitement surveillé par un service de sécurité aussi expéditif qu’omniprésent.

La situation socioéconomique et la crise institutionnelle actuelles que vit le Burundi sont inacceptables. Politiquement, moralement, humainement. Pour parodier ce paradoxe de Guiseppe de Lampedusa, ” Si les partisans du système CNDD-FDD veulent que les choses restent comme elles sont, il va falloir que ça change „. Ne pouvant se faire harakiri, le système CNDD-FDD doit redresser vigoureusement la barre, pour reprendre le cap. Si ce changement stratégique n’intervient pas, le bateau CNDD-FDD coulera et nous coulerons tous avec. Il y aura peut-être des gagnants dans cette nouvelle donne, mais ce ne sera sûrement pas le peuple burundais.

La crise que traverse mon peuple et mon pays me rappelle l’histoire de Sisyphe, ce héros tragique condamné par les dieux de l’Olympe à rouler éternellement une pierre qui, rendue au sommet d’une montagne, retombait aussitôt, obligeant le pauvre condamné à reprendre sa longue et lourde tâche. J’imagine un Sisyphe, éreinté, qui s’éteint et lègue sa pénible tâche à son fils qui, à son tour, la léguera au sien. On peut bien finir par aimer le défi que représente cette tâche – après tout il y a des peuples qui semblent condamnés à mener une vie dure et épuisante –mais que cela devienne la norme pour des générations de personnes, on finit par devenir un peuple de psychopathes qui s’ignorent. Ce compatriote qui disait que nous sommes tous des polytraumatisés ne croyait pas si bien dire .

Fabien Cishahayo