QUE CACHE LA PROVOCATION DE LA  CNTB?

Burundi news, le 02/06/2013

Par Gratien Rukindikiza

Le Burundi vit dans ces jours une situation difficile. La pauvreté, la désorganisation, la violence de l'Etat et la corruption ne font qu'assommer un peuple meurtri pendant plusieurs années. La commission nationale des terres et autres biens CNTB fait un travail très contesté depuis la présidence de Mgr Sérapion Bambonanire. Elle inquiète les Burundais. Le Président Nkurunziza se réjouit. Une véritable provocation.

Une situation économique catastrophique

Généralement, un pays qui a des problèmes économiques a tendance à chercher des coupables, des boucs émissaires. Il peut aussi lancer des hostilités aux frontières pour crier à une menace nationale dans le but de souder le peuple.

Au Burundi, l'inflation bat son plein, le chômage des jeunes atteint son apogée.  Même pendant l'embargo, le chômage n'avait été à ce niveau.  Les mécontentements sont monnaie courante au Burundi, y compris au sein du parti présidentiel. C'est justement ce mécontentement au CNDD-FDD qui inquiète le Président. Certains jurent même de ne plus voter pour lui. Le Président a besoin de mobiliser sa troupe pour le combat de 2015. D'autres prétendants se préparent pour se présenter au sein du CNDD-FDD afin d'être candidats en 2015. Le Président Nkurunziza a une arme fatale pour mobiliser, regrouper son supposé électorat. Il table sur un "électorat hutu".

La CNTB, la 6 è compagnie du CNDD-FDD

Cette commission a un rôle à jouer dans la campagne présidentielle du Président Nkurunziza. Pour ceux qui ne le savaient pas, la campagne a déjà commencé avec la nomination de Sérapion Bambonanire à la tête de la CNTB. La CNTB est l'arme fatale de Nkurunziza pour gagner les élections de 2015. Il a des doutes sur les tricheries électorales. Il croit que la CNTB lui ouvre la voie à la victoire électorale avec les voix des Hutu.

La CNTB a la mission de chasser ceux qui occupent des maisons ayant appartenu dans le passé aux Hutu assassinés en 72, même si les maisons étaient vendues par les mêmes Hutu avant les évènements. Burundi News a un exemple à Gitega d'un terrain vendu par le propriétaire au début du mois d'avril 1972 et la CNTB a décidé d'attribuer la maison construite sur ce terrain aux descendants de cette personne qui l'avait vendu et malheureusement tuée quelques semaines après. La CNTB va jusqu'à chasser des gens, surtout des Tutsi qui ont acheté des terres que l'Etat avait pris aux Hutu réfugiés hors du Burundi. Comme si l'Etat n'avait pas de continuité, les gens chassés de leurs biens achetés à l'Etat ne sont même pas indemnisés. Si nous parlons en termes ethniques, c'est pour faciliter la compréhension de la question. Ceux qui ont perdu leurs biens étaient des Hutu, souvent instruits ou commerçants. Ceux qui les ont acquis sont des Tutsi, avec la complicité du pouvoir de ce moment dirigé par un Président tutsi.

Selon la loi, un acquéreur de bonne foi, ayant obtenu des documents prouvant l'acquisition de bonne foi d'un bien ne peut être chassé de son bien ou dépossédé sans être indemnisé. L'Etat burundais devrait indemniser toute personne dépossédée de son bien car les perdants de bonne foi le sont parce que l'Etat a failli à sa mission en acceptant les ventes ou acquisition en 72 des biens appartenant à autrui. Du moment où un pouvoir prend l'actif transmis depuis des décennies, il en est de même pour le passif. Or, ces problèmes de terre sont au passif de l'Etat.

En chassant les Tutsi majoritairement de ces biens, le Président Nkurunziza lance un signal fort aux Hutu, en tentant de les mobiliser afin qu'ils votent pour lui. Entre 1972 et 1988, les Hutu étaient à 2, 3 ou 4 dans un gouvernement. Tout était fait comme si les Hutu ne pouvaient pas être aussi intelligents que les Tutsi. Ce sont des pouvoirs tutsi enfermés dans l'extrémisme ambiant de l'entourage des Présidents qui maintenaient les Hutu dans l'exclusion. Aujourd'hui, un pouvoir hutu reprend la même conception des choses en prenant les Hutu pour des non intelligents. Ce pouvoir pense que la peur qui se lit sur des visages dans la plaine de l'Imbo, dans les villes, empêchera les Hutu de bien réfléchir pour qu'ils tombent dans le piège de Nkurunziza. Ce piège consiste à dire que c'est le seul pouvoir qui remet les biens des Tutsi aux Hutu. Or, il y a même des Hutu qui ont acquis ces biens de bonne foi  et qui sont en train de les perdre dans un grand silence. Le Président pense raviver le sentiment ethnique et la peur de l'autre ethnie.

Cette CNTB a aussi une mission de distraire. L'attention est tournée vers ces conflits. Entre temps, le pays est pillé, des assassinats continuent et ce sont surtout ces mêmes Hutu qui sont tués et enterrés dans des fosses communes à Rukoko, Kayanza, près de la frontière avec le Rwanda et  Rumonge.

Cette politique de la CNTB risque de rallumer surtout le sentiment de peur chez les Hutu car comme dit le proverbe africain, "quand la barbe  de ton voisin prend feu, il faut penser à mouiller la tienne". Au Burundi, les divisions ont toujours entraîné d'autres. Les dégâts collatéraux ne sont prévus par personne dans certaines circonstances. Elle peut rallumer aussi une certaine volonté d'autodéfense. Or, le Président est un Président pour tous. Il lui appartient de rassurer, de recadrer ces spoliations, ces injustices.

Il est grand temps que le Président Nkurunziza comprenne qu'il a fait deux mandats et qu'il ne pourra pas se présenter. Les accords d'Arusha et la constitution sont clairs. A quoi ça sert d'opposer les Burundais, de cultiver la haine entre les citoyens juste pour se maintenir au pouvoir? Les réfugiés qui rentrent ont le droit de récupérer leurs biens ou équivalents. Mais ce droit n'empiète pas sur le droit de ceux qui ont acquis de bonne foi. Il appartient à l'Etat d'indemniser une des parties. 

Monsieur le Président, arrêtez cette tragi- comédie de la CNTB. La cohésion du peuple burundais est une notion chère. Quand elle a fait défaut, il y a eu des centaines de milliers de morts. Nous avons toujours en mémoire les assassinats de 62 de Kamenge, 1965, 1969, 1972, 1988, 1991, 1993 etc... Les morts de ces périodes ont été victimes de ce genre de machinations entretenues dans le but de se maintenir ou d'accéder au pouvoir. Le peuple n'est pas un tremplin mais le détenteur du pouvoir. C'est en son nom qu'on l'exerce et jamais en son nom qu'on peut spolier ou entretenir un climat d'insécurité.

Des solutions existent pour que toute personne de bonne foi ne soit lésée.