La coalition pour le changement au Burundi : espoirs et pièges.

 Burundi news, le 27/10/2014

Par Damienne Nduwimana

 

Un régime gangrené par plusieurs maux.

Au début, il y avait l’envie et la jalousie. Sorti du bush, vidé de son leadership politique éparpillé aux FRODEBU et aux CNDD, il ne reste au système CNDD-FDD que la branche militaire. Exception : quelques cadres politiques ayant nourri le mouvement de leur apport politique et financier. Le Secrétaire Général du Mouvement de l’époque, M. Rajabu Hussein qui ne les supportait pas les appelait « ceux qui parlent français ». Ceux du bush ne les aiment pas. Les percevant comme étant venus récolter ce qu’ils n’avaient pas semé. Les nouveaux venus sont dévorés par l’envie et la jalousie. Les autres ont des maisons, roulent carrosse, se la coulent douce. Eux qui ont offert leur vie sur l’hôtel de la démocratie sont des va-nu-pieds.

L’envie et la jalousie engendrèrent la corruption, le vol et le pillage systématique des biens publics et des particuliers. Vint ensuite un appétit de plus en plus croissant pour le pouvoir. Et naquit le « j’y suis, j’y reste » ambiant. La chasse à l’homme chassant sur leur terreau politique. Tout ce qui est FNL, UPD est pourchassé, persécuté, éliminé, massacré. M. Nditije, hutu, conduit un UPRONA de plus en plus intransigeant sur les péchés du régime. J’y suis, j’y reste. Le système trouve des commissionnaires du genre Sindimwo Gaston et Tharcisse Nkezabahizi pour lui vendre ce parti historique. Bref, tout ce qui peut constituer une entrave est écarté et des montages sont concoctés pour barrer le chemin à tout leader politique coupable d’un minimum de popularité. Les Alexis Sinduhije, Frédéric Bamvuginyumvira, Léonce Ngendakumana et autres Léonard Nyangoma en paieront les frais.

Le pays est mis à feu et à sang. Les citoyens sont dans l’amertume totale et ne savent plus à quel saint se vouer. Une véritable descente aux enfers ponctuée par les privations de libertés, l’appauvrissement, la montée du chômage la corruption, le pillage des biens publics... L’eau déborde le vase. Les citoyens sont las. Y’en a marre. Assez. Jusqu’au cœur du système régnant. Les « banyamabanga sans voix », ce n’est pas une invention de l’Ex-Secrétaire Général du Mouvement Manassé Nzobonimpa. C’est une triste réalité pour les tenants du pouvoir. Et ils l’ont manifesté lors de la tentative avortée de modification de la Constitution. Les gens n’ont peut-être pas remarqué que le régime avait pour ainsi dire jeté l’éponge. Ne s’est-il pas attribué la note 51% en proposant la majorité simple comme quota des décisions au sein des institutions ?

En clair le pouvoir est vacant. Le régime est aux abois. Le peuple n’a hâte que de chasser ceux qui lui ont spolié de son pouvoir. Il en appelle intensément à une large coalition pour le changement. Même la communauté internationale est fatiguée de soutenir un régime devenu ubuesque, vorace et sans racines.

Une coalition balbutiante ?

Agathon Rwasa du FNL, Jean Minani du FRODEBU Nyakuri, Charles Nditije de l’UPRONA, Chevineau Mugwengezo de l’UPD, Léonce Ngendakumana du FRODEBU veulent la coalition pour le changement. Ils l’ont déclaré à plusieurs reprises. Du fond de la lointaine Europe, Alexis Sinduhije et Léonard Nyangoma n’en disent pas moins. Il est donc permis d’espérer.

Pourtant le citoyen est impatient de voir cette coalition. Il a bien pris connaissance de la dernière déclaration conjointe sur le déroulement du processus électoral. Il n’en reste pas moins sceptique. Qu’est-ce qui cloche ?

Certains vous diront qu’il y a un problème de leadership. C’est vraisemblable. D’autres vous diront, en corollaire, qu’il y a des problèmes de positionnement. Ce n’est probablement pas très loin de la vérité.

D’autres évoquent des problèmes d’ordre structurel. La coalition tant attendue devrait naître de forces politiques en situations différentes. Le premier groupe comprend des partis reconnus par le système en place. Ils ont la légalité. Les plus combatifs sont déjà sur le terrain de la compétition. C’est le cas pour le MSD d’Alexis Sinduhije, le FRODEBU de Léonce Ngendakumana, le FRODEBU Nyakuri de Jean Minani et quelques autres. Le deuxième groupe comprend des acteurs politiques spoliés de leur parti pour des raisons électoralistes par le parti au pouvoir. Le FNL d’Agathon Rwasa, l’UPRONA de Charles Nditije, l’UPD Nzigamibanga de Chevineau Mugwengezo. Le troisième groupe et l’Alliance des Démocrates pour le Changement (ADC-Ikibiri). Il comprend des éléments appartenant aux deux premiers groupes. Ainsi le FNL d’Agathon Rwasa et l’UPD Nzigamibanga en font partie, alors que dans le premier groupe, le FRODEBU Nyakuri de Jean Minani n’en fait pas partie.

Où seraient les difficultés ? Premièrement, il n’y aurait pas de consensus autour de l’ADC-Ikibiri qui se voudrait le noyau de la large coalition envisagée. Cette divergence aurait été à la base de l’échec public de la réunification du FRODEBU de Melchior Ndadaye. A l’UPRONA Charles Nditije, il n’y aurait pas de consensus sur la question. Deuxièmement, la loi ne prévoit pas de coalition entre formations politiques et listes d’indépendants. Ici, deux alternatives. Ou bien, « les sans parti légal » s’intègrent dans les partis légaux, ou bien les partis légaux se dépouillent de leurs partis politiques pour se constituer indépendants. La quadrature du cercle! Troisièmement : et Rwasa, et Nditije, et Chevineau Mugwengezo rêvent de récupérer leur parti. Avant ou après les élections. Or ils sont ou ils devraient être conscients que les pseudo-partis pro pouvoir de Messieurs Gaston Sindimwo, Jacques Bigirimana et Zed Feruzi les attendent au tournant. Vous êtes indépendants, vous avez rejoint d’autres formations politiques, O.K. Après les élections nous serons les seuls légitimes. Vous n’aurez qu’à rester où vous êtes. Il semblerait même que le sieur Gaston Sindimwo serait entrain de se pourlécher les babines à l’idée de pouvoir régner seul sur les innombrables biens du parti UPRONA. Et ce serait pour cela qu’il ne voudrait plus entendre le vocable réconciliation. Quitte à enrôler des imbonerakure et autres bakenyererarugamba empruntés au parti au pouvoir comme cela a été le cas ce samedi 25 octobre à Rumonge.

Et pourtant il faut au peuple burundais une large coalition pour bouter la dictature dehors.

On ne le répétera jamais assez. Le peuple est las d’attendre. Il attend de nos leaders politiques un véritable sursaut patriotique. Ne pourraient-ils pas lui offrir dans un premier temps ne fût-ce qu’une déclaration commune d’intention ? Une déclaration qui donne à espérer. Une déclaration qui pose les bases d’une plate-forme politique consensuelle. Une déclaration qui pose les principes et jette les bases d’une structuration politique de la coalition. Ne pourraient-ils pas prévoir une structure neutre pour les aider à assainir leurs divergences ?

Oui. Les leaders politiques doivent comprendre que le plus important, c’est de secourir le peuple burundais, la nation burundaise mis en grave danger par le pouvoir CNDD-FDD. Car c’est de sauvetage qu’il s’agit. Et face à cela, les intérêts individuels ou ceux de groupe n’ont pas de place. Il faut les mettre en veilleuse pour sauvegarder l’essentiel.