Par Sisyphe Sebuja

 

 

 Quand le commerce criminel empire la santé fragilisée par la pauvreté au Burundi : le cas d’un fournisseur de l’Hôpital-Prince-Régent-Charles de Bujumbura.

Qu’est-ce qu’un commerce criminel des médicaments?

« Un commerce criminel de médicaments » est une opération qui a pour objet la vente des médicaments périmés, falsifiés, prohibés et/ou contrefaits. Selon l’OMS, « un médicament contrefait est un médicament qui est délibérément et frauduleusement muni d’une étiquette n’indiquant pas son identité et/ou source véritable. Il peut s’agir d’une spécialité ou d’un produit générique, et parmi les produits contrefaits, il en est qui contiennent les bons ingrédients ou de mauvais ingrédients, ou bien encore pas de principe actif et il en est d’autres où le principe actif est en quantité insuffisante ou dont le conditionnement a été falsifié. »

 

Gucci, Lacoste, Lois, Vuitton, pour ne citer que ceux-là, sont des  marques souvent associées à la contrefaçon. Perçue comme un délit d’ordre économique, la contrefaçon prend une nature toute criminelle lorsqu’elle concerne les fournitures médicales. Il est vrai qu’on ne meurt pas quand on achète et porte « un faux bleu jean » ou un pagne « faux real », mais quand il s’agit des médicaments falsifiés et contrefaits, la question devient existentielle, déontologique, pour ne pas dire éthique. Et qui pèche contre l’éthique et la déontologie n’a d’autres récompenses que le châtiment et la neutralisation hors pair, car il n’y a pire meurtrier que cet individu.

Que s’est-il passé alors à l’Hôpital-Prince-Régent-Charles?

Le tout commence au mois de février 2007 quand PHARMA REPARTITION gagne le marché de fourniture de fils de suture résorbables de type VICRYL2 à l’Hôpital-Prince-Régent-Charles. En date du 8 février 2007, sous le bordereau No 26, monsieur Cassien Ntadambanya, un pharmacien qui se réclame professionnel et honnête de PHARMA REPARTITION, livre la marchandise audit hôpital et s’en va en paix.

C’est en déballant les colis que le personnel de cet hôpital a découvert l’escroquerie et l’effronterie de monsieur Cassien Ntidambanya. De toutes les manières, il a livré 12 douzaines de VICRYL2 parmi lesquelles 6 douzaines, soient 72 fils de suture, étaient falsifiées. Sur l’emballage global et sur chacune de ces 72 boîtes, on avait  pris le soin de mettre une « étiquette de VICRYL2 valide jusqu’en 2009 ». Mais en réalité, toutes ces boîtes contenaient des fils VICRYL2 dont la date de péremption était février 2005. Passe encore ces fils résorbables, on a aussi découvert d’autres fils non résorbables en l’occurrence, le « nylon », le « dermalon », la « soie », le « fil monfilament »…

Pourrions-nous nous demander que monsieur Cassien Ntidambanya aurait pensé que l’Hôpital-Prince-Régent-Charles était une grande compagnie de couture qui avait besoin de nombreux fils pour coudre des costumes et autres accoutrements? Ou mieux, croyait-il que les médecins dudit hôpital étaient des dieux qui accomplissent des miracles, qui changent le nylon et la soie en « fils de suture résorbable VICRYL2 »? Ni l’un ni l’autre, puisque quand il a su que sa fraude ignominieuse était au grand jour, aidé de sa patronne, il a tenté désespérément d’étouffer l’affaire. Quelle solidarité négative qui révèle tout un esprit cautérisé! Monsieur Cassien Ntidambanya et sa patronne oubliaient que les Romains disent que « se tromper est humain, mais persévérer est diabolique »?

A titre d’information, la pharmacie PHARMA REPARTITION est une Société anonyme à responsabilité limitée œuvrant dans le secteur de la santé et plus spécialement dans la vente de médicaments au Burundi depuis sa création en 2003. Son siège social se trouve à l’Avenue de l’Amitié à Bujumbura et fonctionne avec un capital social de 50 millions de Francs burundais (50.000.000 FrsBu). Ce n’était mal comme entreprise privée s’elle ne s’enrichissait pas en empoisonnant tout un monde, en s’adonnant au commerce criminel et à la corruption.

Qu’a fait la Direction de l’Hôpital-Prince-Régent-Charles?

Considérant ce qui vient d’être dit et selon des sources concordantes et dignes de foi, la Direction de l’Hôpital-Prince-Régent-Charles a fait son travail, d’ailleurs louable, et la balle est dans le camp de l’Ordre des pharmaciens du Burundi et du ministère de tutelle pour infliger des sanctions administratives exemplaires au pharmacien ainsi qu’à la pharmacie PHARMA REPARTITION. Vu le caractère criminel de ce délit, il est aussi indispensable de référer ce dossier au Ministère public et aux corps de police pour une répression sans états d'âme.

N’eut été le comportement conforme à la probité, à la déontologie et à la dignité de la professionnelle du personnel et de la Direction de l’Hôpital-Prince-Régent-Charles, le bloc opératoire et la gynécologie de cet unique hôpital public de la mairie de Bujumbura allaient être victimes des faussaires et des mafieux qui distribuent de faux médicaments,  du petit matériel médico-chirurgical et des accessoires pharmaceutiques. 

Conclusion

En conclusion, nous voudrions reprendre la citation de B. NZOSABA quand, en 2003, il attira l’attention des autorités burundaises en ces termes : « Le commerce illicite et nocif des médicaments est une affaire à géométrie variable, qui suit les filières secrètes dans la mesure où la majorité des produits qui y sont vendus viennent pour la plupart des structures officielles d'importations frauduleuses. Mais au bout du tunnel, le produit finit sa course dans les mains d'un patient lambda qui en pâtit ».

Sisyphe Sebuja (sisyphesebuja@yahoo.fr)