Burundi news, le 20/10/2015

COMMUNIQUE DE PRESSE DE L'AVOCAT BERNARD MAINGUIN

-         ASSASSINAT DE CHARLOTTE UMUGWANEZA

-         SIX CADAVRES RETROUVES DANS LA PROVINCE DE KAYANZA

 

 

Samedi 17 octobre, nous avons été informés que le corps sans vie de CharlotteUmugwaneza a été retrouvé sur la route RN1 vers Bugarama.

Cette dame était d’origine rwandaise, sa famille étant arrivée au Burundi dans les années cinquante. Elle était membre du comité exécutif de l’OLUCOME, office de lutte contre la corruption, dont le directeur général Ernest Manirumva avait été assassiné il y a quelques années. L’affaire Manirumva avait agité le Burundi car les enquêtes menées à l’époque avaient identifié les commanditaires de l’assassinat dans l’appareil d’état burundais. Un procès de lampistes avait été mené en son temps et pour la première fois dans l’histoire judiciaire, l’on avait vu les avocats des parties civiles et l’avocat du principal lampiste condamné, Hilaire Ndayizamba, s’insurger contre le verdict de la Cour de Bujumbura et réclamer que l’arrêt prononcé soit cassé afin qu’une enquête digne de ce nom soit menée et qu’un procès équitable soit mené.

C’est l’une des collaboratrices directes de feu Ernest Manirumva qui vient d’être assassinée. Elle était aussi une militante active du MSD.

Elle avait charge de famille, trois enfants et deux orphelins. Son mari est burundais.

Elle avait quitté son domicile en vue de préparer un déménagement, souhaitant quitter le quartier sans sécurité où elle résidait.

Le réseau d’informateurs a été avisé qu’elle avait été enlevée et qu’elle devait se trouver retenue aux services de la documentation… Depuis plus de nouvelles sauf ce corps à tout jamais torturé et abîmé par ses meurtriers.

 

Dans un premier temps, certains services officiels ont signalé quele cadavre retrouvé n’était pas celui de Charlotte.

Quelle naïveté lorsque l’on sait que des tests ADN permettent d’identifier aisément les personnes, qu’elles soient victimes ou …..assassins.

Face à ce type d’arguments méconnaissant les progrès de la science en matière criminelle, les autorités se sont rétractées.

Devant ce nouvel assassinat qui vient s’ajouter à la liste des victimes d’exécutions extrajudiciaires constitutives de crimes contre l’humanité, imprescriptibles en droit pénal, nous réclamons que Monsieur le Procureur général du Burundi sollicite l’assistance de services de police étrangers, dotés d’outils de recherche concernant l’ADN. Nous demandons à tous les membres de la communauté internationale, africaine d’abord et de la CPI et des Nations Unies ensuite, de déléguer une équipe d’enquêteurs de police capables d’effectuer les constatations scientifiques requises sur les corps des victimes mais aussi en d’autres lieux où l’on pourra effectuer des constatations nécessaires à la manifestation de la vérité, et ce indépendamment des témoignages qui restent à recueillir dans les règles de l’art.

Nous attirons une fois encore l’attention du Procureur général du Burundi sur sa responsabilité écrasante en cette période d’exécutions extrajudiciaires qui ne sont pas élucidées.

Nous rappelons que des dispositions pénales répriment les entraves aux enquêtes judiciaires.

Nous rappelons qu’en ne réprimant pas les auteurs, coauteurs et complices d’enlèvements, de tortures et d’exécutions extrajudiciaires frappant des civils et émanant d’autorités appartenant à l’appareil d’Etat, et constitutives de crimes contre l’humanité, le Procureur général, les membres du Parquet et les officiers de police judiciaire construisent un état d’impunité judiciaire qui contribue à l’appel au meurtre. La systématisation des enquêtes non élucidées et l’absence totale d’assistance aux familles de victimes, parties civiles, engagent la responsabilité de leurs auteurs.

L’équipe d’enquête qui soutient nos efforts, les témoins clandestins des assassinats, les avocats qui partagent la position des parties civiles, les parties civiles elles-mêmes, n’abandonneront jamais leur combat pour la vérité judiciaire. Elles n’hésiteront pas à réclamer l’arrestation des magistrats et policiers qui furent les premiers complices de ces crimes, fût-ce par leur passivité.

Nous demandons une fois encore, que de premières sanctions soient prises à l’encontre de ces personnes.

A l’heure où nous terminons ce communiqué, nous recevons une nouvelle information selon laquelle six corps auraient été retrouvés en province de Kayanza. Ceci reste à établir mais manifestement, la chaine de commandement des exécutions extra-judiciaires au Burundi, échappe à tout contrôle ou intervention, tant préventivement que dans le cadre de la recherche et de la poursuite des crimes commis.

Pour notre part, nous continuerons notre travail pour que justice soit rendue pour ces crimes contre l’humanité.

 

 

Bruxelles, le 19 octobre 2015

 

 

Bernard Maingain

Avocat au Barreau de Bruxelles

Rapporteur au Tribunal Russell pour le Burundi sur les exécutions extrajudiciaires de civils par des autorités de l’appareil d’Etat ou par des groupements paramilitaires liés à l’appareil d’Etat

 

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