Note de la rédaction : Nous publions ce texte de Habarugira même si nous ne partageons pas les mêmes idées sur les communautés burundaises.

 Burundi news, le 13/11/2008

 

« PALIPEHUTU », un nom anticonstitutionnel ou simple parapluie politico juridico diplomatique!!

 

J

uste pour vous mettre l’eau à la bouche, permettez-moi chers lecteurs, surtout vous chers compatriotes de revenir d’abord sur cette histoire du jeune Narcisse raconté par Oscar Wilde[1] bien que très populaire déjà. J’essayerai  de ne pas m’y éterniser pour la  transposer sans désemparer  dans le contexte burundais:

 

« L’Alchimiste connaissait la légende de narcisse, ce jeune homme qui allait tous les jours contempler sa propre beauté dans l’eau d’un lac. Il était si fasciné par son image qu’un jour il tomba dans le lac et s’y noya ». Mais ne vous méprenez pas quant à mes intentions : je ne souhaite bien entendu à quiconque de subir ce terrible sort. Je vous prie surtout de continuer la lecture.

 

« A l’endroit où celui-ci était tombé, naquit une fleur qui fut appelée Narcisse. Mais ce n’était  pas de cette manière qu’Oscar Wilde terminait l’histoire. Il disait qu’à la mort de narcisse, les oréades, divinités des bois, étaient venues au bord de ce lac d’eau douce et l’avaient trouvé transformé en urnes de larmes amères.

 

“Pourquoi pleures-tu ? Demandèrent les oréades.

 

n      Je pleure pour Narcisse, répondit le lac.

n      Voilà qui ne nous étonne guère, dirent-elles alors. Nous avions beau être toutes constamment à sa poursuite dans les bois, tu étais le seul à pouvoir contempler de près sa beauté.

n      Narcisse était donc beau ? demanda le lac.

n      Qui, mieux que toi, pouvait le savoir? répliquèrent les oréades, surprises. C’était bien  sur tes rives, tout de même, qu’il se penchait tous les jours!”

 

Le lac resta un moment sans rien dire. Puis:

 

“Je pleure pour Narcisse, mais je ne m’étais jamais aperçu que Narcisse était beau. Je pleure pour Narcisse parce que chaque fois qu’il se penchait sur mes rives, je pouvais voir, au fond de ses yeux, le reflet de ma propre beauté. »

 

“Voilà une bien belle histoire”, dit l’Alchimiste.”


 

 

Un parapluie  tellement fragile qu’il risque de sauter au premier coup de vent.

 

D

ans mon dernier article, j’interpellais nos autorités à faire preuve d’un certain volontarisme politique. Je me référais à la victoire de l’UPRONA en 1962, du FRODEBU en 1993 puis de CNDD-FDD tout récemment, pour présager la victoire de RWASA Agaton en 2010 ou tout au moins le départ du CNDD-FDD.

 

Pour l’instant, je constate que le président Nkurunziza a carrément déployé un véritable bouclier « constitutionnel » pour justifier le blocage des négociations avec le PALIPEHUTU-FNL sans s’inquiéter d’une moindre pression de la médiation, de l’initiative et du monde diplomatique .

Une excellente déclaration de bonnes intentions aurait, me semble- t-il impressionné l’initiative régionale et le monde diplomatique au point que ces derniers auraient cautionné et même ordonné le changement de nom « PALIPEHUTU FNL » sans aucune autre forme de procès .

 

Et pourtant la même initiative régionale et la communauté internationale, avaient avalisé, à travers les  accords d’Arusha, le partage du pouvoir sur base d’une clé de répartition tout simplement ethnique. Ceci me laisse penser que l’identité ethnique est devenue une réalité politique et sociale dont il faut tenir compte dans un pareil contexte.

 

« Nous ne sommes pas obligés de nous embrasser tous les matins, mais l’essentiel est de respecter les droits élémentaires de chacun », martelait Jaques Bigirimana dans une conférence de presse à Bruxelles.

 

Monsieur Jacques Bigirimana avait totalement raison. L’identité ethnique est devenue une réalité cruelle dont la loi devrait désormais  tenir compte pour une meilleure gouvernance politique. Je pense même que le pacte social de cohabitation pacifique tarde à venir. Ceci devrait faire l’objet du prochain débat intercommunautaire si le processus de négociation en cours se dénouait sans encombre.

 

En effet, à l’instar d’un arbre qui ne peut avoir de feuillages verdoyants que s’il est profondément enraciné dans le sol, la cohabitation communautaire au Burundi passera par une exploitation positive de nos différences identitaires pour leur cohabitation harmonieuse. C’est  l’ensemble  d’arbres profondément enracinés dans le sol qui finit par donner une certaine harmonie de tout le boisement  et constituer sa vraie beauté. Ainsi en est-il pour notre communauté. Le plus important est que la reconnaissance des différences identitaires s’accompagne d’un bon programme de renforcement des liens sociaux de façon que chaque communauté puisse entièrement s’intégrer dans la société et en tirer les éléments de son identité. Les communautés pourront ainsi cultiver l’entente et la reconnaissance mutuelle dans leurs différences identitaires.

 

Il me semble donc que le blocage des négociations sur fond du caractère ethnique du nom « PALIPEHUTU-FNL » est synonyme d’une nage à contre courant. Il ne relève pas du tout d’une préoccupation d’ordre juridique ou de risque de déchirement du tissu social. Ce tissu a par ailleurs été suffisamment déchiqueté qu’une telle préoccupation n’est qu’un bouclier politique et diplomatique déployé à la veille des élections pour nous distraire par rapport aux dossiers plus importants comme la justice transitionnelle, les gros dossiers de corruption, de lutte contre la pauvreté pour ne citer que ceux là.

 

Une communication honnête est essentielle.

 

L

e fauteuil présidentiel est unique et indivisible partout au monde et à plus fortes raisons dans un pays à espace vital très réduit comme le Burundi . Ceci a pour conséquence de créer une situation conflictuelle qui ne peut être gérée que par un leadership qui fait réellement la différence et qui recherche constamment le bien être du citoyen dont les fondements essentiels sont la paix et la sécurité.

 

Pour ceux qui ont été bergers ou chasseurs, ils doivent certainement avoir eu l’opportunité d’observer deux ou plusieurs mâles se disputant une femelle. Ils ne se font en tout cas pas de cadeau. Dans ce genre de conflit en effet, l’un et l’autre auront intérêt à tromper l’autre ! Si deux animaux mâles se contestent une femelle, chacun des deux a intérêt à bien « impressionner » l’autre afin qu’il parte sans se battre. Mais, d’autre part, chacun des deux a intérêt à ne pas se laisser tromper par un « bluff ».

 

Par conséquent, la pression de sélection en réaction à ces deux besoins à la fois mène à des signaux honnêtes (autrement dit à l’impossibilité de bluffer).

 

Pour cela, la dimension pertinente du signal doit être corrélée avec les capacités effectives de l’émetteur. Le résultat est souvent que ces signaux de contexte conflictuel sont intenses et coûteux pour l’émetteur, comme constate le professeur Maurer de l’Université de Lausanne dans son expérience sur la communication animale. Notre situation colle bien à ce constat scientifique et les manœuvres dilatoires nous coûtent énormément cher.

 

Comme je viens de le dire ci haut, le gouvernement vient de passer un excellent message, riche en déclaration de bonnes intentions à l’initiative régionale et au monde diplomatique au point que l’initiative a exigé au ALIPEHUTU FNL de changer de nom sans aucune autre forme de procès.

 

Mais la petite cerise sur le gâteau que, c’est que le chef d’Etat très légaliste serait entrain de faire changer le règlement d’ordre intérieur du CNDD-FDD pour pouvoir se porter candidat à sa propre succession. Respect constitutionnel exige !!!

 

Il n’a pas fallu d’efforts particuliers de décryptage pour comprendre que le caractère anticonstitutionnel du nom PALIPEHUTU FNL n’est qu’un alibi politique et diplomatique qui a occasionné un sommet de plus et qui nous replonge dans l’expectative .Ceci s’inscrit dans la logique de conflits de prétendants évoqués dans les lignes précédentes pour celui qui veut comprendre.

J’ai l’impression que la région s’est fait pigeonnée dans cette affaire de frères burundais, car il y a un large tranché entre le discours politique et la volonté effective de s’engager dans une optique de compromis pour trouver une issue à la question de la paix. Et pourtant ce diplomate en fin de mission qui avait conclu que « les politiciens Burundais ne sont que des menteurs », ne s’y était pas trompé. C’est bien évidemment à ma honte que je le cite mais les preuves sont là et on ne cessera jamais de récidiver si nous ne prenons pas le courage de dénoncer à hautes et intelligibles voix cette façon de faire.

En termes clairs, le PALIPEHUTU-FNL, en tant que mouvement armé, a offert le silence des armes et le rapatriement du processus à Bujumbura qui étaient si coûteux financièrement et en terme de pertes de vies humaines. Et tout le monde s’accorde certainement sur le fait que le manque d’échange crée de l’agressivité  entre partenaires, sinon la monnaie qui nous cause tant de misères, n’aurait pas dû être inventée. Même le principe sacro saint de réciprocité diplomatique n’aurait pas de raison d’être.

Comme contre partie au silence des armes, et surtout comme gage de volonté politique d’en découdre avec la guerre, le pouvoir aurait dû déjà offrir au PALIPEHUTU FNL l’entrée dans les institutions telles que le gouvernement et les services de sécurité. C’est ça vouloir avancer et non des déclarations des bonnes intentions. C’est ça que le Président Buyoya a eu le courage d’offrir  au FDD-CNDD alors que le cessez-le feu n’était même pas effectif. Il semble même que le mouvement CNDD-FDD n’était pas encore agréé. Mais le pouvoir était préoccupé par le retour à la paix quel qu’en soit le prix. C’est cet esprit qui a conduit le président NDAYIZEYE de respecter le verdict des urnes et remettre son fauteuil présidentiel et non pas qu’il en détestait le confort.

L’entrée du PALIPEHUTU FNL dans les institutions serait donc  non seulement un dividende à la cessation des hostilités mais d’une pierre deux coups, elle donnerait aux nouveaux gestionnaires de l’organisation l’opportunité d’être confrontés aux réalités de la gestion des affaires d’Etat après tant d’années de guerre et de frustrations. Ceci permettrait aux probables futurs gestionnaires de mettre déjà la main dans la pâte et faire une entrée progressive et éviter de recommencer chaque fois à la case départ dans la conduite des affaires. C’est comme ça que les partenaires politiques pourront parler le même langage et non le fait de  balader des compatriotes entre la médiation, le corps diplomatique et consulaire ainsi que le gouvernement lui même comme une balle de tennis de table, créant ainsi des frustrations de plus qui risquent de nous replonger dans le désarroi.

Enfin, une foi que ceci est fait, le gouvernement serait en position confortable pour exiger au nouveau collaborateur le changement de nom comme condition de participation à la course électorale quitte même à repousser les échéances électorales pour lancer la campagne dans des conditions sécuritaires optimales pas seulement pour les deux protagonistes mais aussi pour les autres candidats aux élections.

Il faut en effet envisager qu’il peut y avoir des membres du FNL qui ne se reconnaissent pas dans la nouvelle appellation ou carrément dans la lutte politique par exemple mais qui doivent bénéficier de cette moisson de cessez-le feu. Raison de plus d’isoler les dividendes des accords de cessez-le-feu à la conformité légale exigée pour exercer officiellement les activités politiques, notamment la campagne électorale.

Je le répète là ça serait du concret, ça serait un geste matériel de volontarisme politique qui nous permettrait d’avancer. N’est-ce pas que la bible demande aux chrétiens d’être des lettres lisibles et que c’est de l’abondance du cœur que leur bouche doit parler !!! Le reste est contraire à la marche chrétienne même si la politique est aussi l’art de gérer les contradictions !!!

A qui profite le statu quo ?.

 

L

e PALIPEHUTU- FNL ne doit pas s’attendre à ce que NKURUNZIZA fasse une petite entorse à la constitution pour lui permettre l’agreement sous cette identité. Pourtant, le président de la République a le pouvoir de faire un tel geste pour l’intérêt général, surtout que ses partenaires du gouvernement et du parlement (FRODEBU, UPRONA, CNDD) ne s’y opposent apparemment pas.

 

Une large opinion s’accorde à dire que le parti présidentiel préfère écarter un sérieux rival de la course de 2010, même au prix d’un éventuel conflit armé. La population burundaise qui est sans doute la grande perdante de ce bras de fer entre frères ennemis politiques, a déjà en grande majorité montré sa préférence.

Malheureusement l’avis de la population ne pourra être pris en compte qu’en 2010, un référendum étant pour le moment difficile à être organisé, sans oublier que c’est le chef d’Etat en exercice qui devrait le convoquer.

 

Qui pourrait faire plier NKURUNZIZA ? L’initiative  régionale s’étant déjà prononcée ! Personnellement, je vois mal l’OUA dédire ceux qu’elle a mandatés. Il reste l’Union Européenne qui agirait dans le cadre de la communauté internationale. Sa liberté de manœuvre est assez réduite pour trois raisons : l’UE est partie prenante de l’accord d’ARUSHA qui a donné naissance à l’actuelle constitution, la communauté internationale est préoccupée par d’autres dossiers brûlants tels que la crise financière mondiale, le risque de régionalisation de la guerre à partir de la RDC ? Un certain attentisme la position du nouveau pouvoir américain par rapport à la guerre au Moyen Orient mais aussi la nouvelle vision du Président Obama dans la politique étrangère en général etc.

 

 

 NKURUNZIZA pourra évoquer en dernier ressort le principe de la souveraineté nationale pour refuser toute injonction, bien évidemment si il y en avait une.

 

En définitive, si la situation n’évolue pas,le peuple s’enlise dans la misère et NKURUNZIZA se dirige en 2010 vers une victoire sans gloire mais qui sera validée par une commission électorale qu’il aura pris soin de mettre en place pour son propre compte.

 

Cela lui évitera des tracasseries du style, faible taux de participation liée au boycott probable des sympathisants du PALIPEHUTU-FNL dont les rangs se gonfleront par la transhumance politique déjà amorcée et qui s’accélérera à la veille des élections , à l’insécurité électorale organisée pour cause, et aux inévitables fraudes.

 


 

 

Et si le PALIPEHUTU FNL S’appropriait la paternité de la marche vers la paix en concédant le changement de nom ?

 

C

e schéma me semble en tous cas le meilleur que l’option de la reprise des armes aussi envisageable d’après les informations qui nous tombent à l’oreille.

J’ai appris dans la boxe française, il y a quelques temps déjà, que la meilleure façon de déséquilibrer un adversaire est d’utiliser sa propre force en y opposant la faiblesse. Le temps est bien évidemment court pour détailler le principe. Revenons en donc à nos moutons.

 

Une nouvelle désarçonnante pour le parti au pouvoir serait  que le PALIPEHUTU- FNL accepte de verser un peu d’eau dans son verre de vin en changeant de nom (dans le meilleur des cas après avoir eu accès aux institutions), tout en s’assurant que le parti présidentiel n’en profite pour rendre caduque les accords signés. Car, vu l’état de délabrement du pays, la mauvaise gouvernance, le non respect des droits de l’homme, on voit mal la population burundaise renouveler sa confiance   au  pouvoir CNDD-FDD  dans la soif actuelle de changement. Le cas américain nous a en effet servi de leçon.

 

En attendant, toutes les options ne sont pas encore épuisées, et rien ne dit que NKURUNZIZA ne finira pas par se résoudre à privilégier l’avancée du processus de paix en permettant au PALIPEHUTU- FNL de garder une identité forgée dans un contexte historique particulier.

 

Comme cet apprenti écrivain qui, à défaut de trouver une belle conclusion, termina ainsi son livre : “voilà, j’ai dit tout ce que j’avais à dire”, ainsi en est-il pour moi.

 

Il est plus que certain que ma suggestion ne soit en rien une source d’inspiration, tellement il y a d’autres priorités à la paix et le temps presse : Rwasa Agaton en face, Nyangoma derrière, Ndayizeye sur le flanc et l’UPRONA de l’autre pour faire basculer la balance !! L’heure n’est certainement plus à l’écoute ! Mais le parapluie de la peur déployée contre les adversaires, me semble tellement fragile pour résister au premier coup de vent.

 

En tout cas la météo nous annonce un temps burundais particulièrement lourd pour l’an 2010. Et pour ceux qui savent discerner les temps, les nuages commencent déjà à changer de couleur.

Dieudonné

HABARUGIRA.

VICE-PRÉSIDENT commission Bonne gouvernance.

Cellule des experts de la diaspora burundaise au BENELUX


 

[1] Paulo Coello, L’Alchimiste traduit du portugais par Jean Orecchioni, Editions “J’ai lu”.