QUE VA FAIRE LE BURUNDI DANS LA COMMUNAUTE DE L’AFRIQUE DE L’EST?
Burundi news, le 28 janvier 2007
Par Gratien Rukindikiza
Un pays isolé n’a pas d’avenir. Les économies des pays sont interdépendantes et le capital n’a plus de frontières. Les alliances sont nécessaires pour consolider les politiques régionales et renforcer les richesses des nations. La communauté des pays des grands lacs (CPGL) est partie avec la fin des régimes de Bagaza, Mobutu et Habyalimana.
Aujourd’hui, les pays des grands lacs n’ont pas l’intention de redonner la vie au CPGL. La donne a changé avec l’arrivée au pouvoir au Rwanda du FPR à majorité anglophone. Le Burundi dirigé par le CNDD-FDD fait des yeux doux aux pays anglophones. Le pays le plus influent au Burundi est l’Afrique du Sud.
Le Rwanda dirigé par le FPR a changé la géopolitique des pays des grands lacs. Il est situé dans la mouvance anglo-saxonne. L’anglais est devenue la langue officielle à côté du français. Un professeur d’université ou de l’école secondaire peut enseigner sa matière en français ou en anglais. L’armée est dominée par la langue swahili et anglaise. L’administration rwandaise est à 50 % anglophone. Le Président Rwandais ne parle pas français. C’est un anglophone comme des millions de rwandais qui vivaient en Ouganda. L’Ouganda fait partie de la communauté de l’Afrique de l’Est composée par le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie.
Le Burundi et le Rwanda viennent d’entrer dans la communauté de l’Afrique de l’Est. Le Rwanda est déjà préparé et connaît bien le système du fait que des millions de Rwandais étaient réfugiés en Ouganda et en Tanzanie. Or, le Burundi n’est pas préparé pour entrer dans cette communauté.
Cette entrée dans l’East Africa Community est un grand événement pour le Burundi. Au-delà des querelles entre les hutu et les tutsi, les querelles au sein des partis politiques, le Burundi a franchi un pas capital. Les dirigeants ont engagé le peuple sur un sujet très sensible sans qu’il soit consulté. Un référendum était nécessaire car c’est la souveraineté du pays qui en dépend. Très peu de Burundais évaluent les conséquences sur cette entrée dans une communauté dominée par les anglophones ayant des lois proches de celles de la Grande Bretagne. Le système burundais est calqué sur celui de la Belgique et de la France, pays francophones de la CEE.
Au niveau économique, le Burundi est le maillot faible de la communauté. Il ne s’est pas préparé à cette entrée. Les hommes d’affaires n’ont pas été informés de l’avancement, des conséquences positives et négatives de cette adhésion. Ainsi, la faible économie burundaise aura du mal à rivaliser avec les économies de la Tanzanie, du Kenya, de l’Ouganda et même du Rwanda.
Pour être compétitif sur ce genre de marché, il faut soit innover, soit diminuer les coûts de production et de gestion, soit choisir des produits qui ont un avantage comparatif sur ce marché ou même le tout à la fois. Les entreprises kenyanes en général ont déjà amorti les outils de production car certaines ont commencé à produire depuis la colonisation. Au Burundi, il n’existe presque pas d’entreprises viables, capables d’affronter la concurrence en dehors de deux ou trois entreprises para étatiques comme la Brarudi. Le Cotebu est l’ombre de lui-même. Les entrepreneurs privés sont trop prudents qu’ils n’investissent pas dans les secteurs de production. Les hommes d’affaires Burundais se contentent d’acheter et vendre sans transformer. Ils privent le pays de la valeur ajoutée et du travail aux citoyens. Le pays a des hommes d'affaires qui n’entreprennent pas de risque.
En rentrant dans la communauté de l’Afrique de l’Est (Au niveau économique, le Burundi est déjà membre du Comesa), les produits étrangers vont étrangler l’économie burundaise et le pouvoir n’aura plus de levier pour défendre la fragile économie. En effet, les lois qui régissent le commerce, les règles douanières seront harmonisées pour s’aligner sur celles des trois anciennes colonies anglaises. C’est le Burundi à s’adapter. Je dirai que l’entrée du Burundi dans cette communauté est comparable au rachat d’une société par une autre plus importante. A l’exception que le Burundi a fusionné avec des géants sans échange d’actions !
Il n’est pas exclu que des compagnies de téléphonie ou pharmaceutiques ferment en raison des produits très compétitifs sur le marché burundais. Or, le Burundi n’a pas de produits à vendre sur le marché de cette communauté. Il devra faire des efforts importants pour tirer un avantage comparatif et avoir une plus value générée par cette entrée dans la communauté. Les hommes d’affaires burundais devront se mettre à l’école de la gestion, de la réduction des coûts et du marketing.
Paradoxalement, le marché propice aux produits du Burundi est l’Est du Congo. Or, le Burundi tourne le dos au Congo en entrant chez les anglophones. La réaction du Congo sera d’entrer dans un ensemble parrainé par la France. Les marchés Est Africains sont presque saturés alors que le marché congolais est porteur de demande énorme non satisfaite.
Au niveau de l’éducation, le Burundi rentre dans un système anglophone. Les langues officielles sont l’anglais et le Swahili. Or, ce sont deux langues non maîtrisées par les Burundais. Les Burundais devront alors apprendre à l’école non seulement le swahili et l’anglais mais aussi tous les cours en anglais, good bye le français !
Est-ce que le Burundi a les moyens de changer les langues officielles du jour au lendemain ? La réponse est non. On ne s’imagine pas le Burundi trouver des professeurs anglophones et swahiliphones enseigner l’anglais et le swahili dès la première année de l’école primaire. Le budget serait énorme et le financement ferait défaut. Les professeurs Rwandais sont mieux payés que leurs collègues Burundais. Les faire venir travailler au Burundi pour enseigner l’anglais et les cours aussi en anglais serait une catastrophe dans les finances publiques et aussi une erreur politique. Le plan Marchal pour passer à la langue anglaise n’aura pas lieu.
Au niveau politique, le Burundi a commis une erreur liée à la maladie de jeunesse. Le Burundi entre surtout parce que le Rwanda fait aussi son entrée. Comme deux frères jumeaux, même dans les bêtises, le Burundi suit le Rwanda. Le Rwanda tient aujourd’hui des conférences en anglais. Il suffit de tenir une conférence en anglais au Burundi sans traducteur et inviter des fonctionnaires Burundais pou se rendre compte du retard du Burundi. Si vous leur demandez de prendre la décision ou de donner la position du Burundi face à des questions diverses, le Burundi pourrait être vendu sans qu’on le sache.
L’évolution de cette communauté de l’Afrique de l’Est aboutira à la création d’un ensemble politique, économique et monétaire. C’et en général le plus faible qui est absorbé. Dans la communauté européenne, les plus faibles ont eu des subventions pour s’adapter et se mettre plus ou moins au même niveau que les grands. Ces subventions ont permis au Portugal, à l’Irlande de prendre de l’avance au niveau de la croissance économique. Or, le Burundi, non seulement il n’aura pas des subventions mais il devra cotiser pour faire fonctionner les institutions.
Le système juridique devra s’adapter et les dirigeants burundais pourront se faire épingler par la communauté dans leur gestion du pays notamment en matière des finances publiques et des droits de l’homme.
Le Burundi tire ses aides de trois pays européens à savoir la Belgique, les Pays-Bas et la France, soit deux pays francophones. L’entrée dans cette communauté peut-être interprétée comme une volonté de quitter la francophonie.
Le Burundi devra traduire ses textes, ses lois et ses décrets en anglais selon le règlement de l’a communauté. Certains de ces textes datent de la colonisation. Le gouvernement est incapable de trouver de trouver des financements pour ces travaux. Va-t-il demander au peuple de payer plus par le biais de la TVA, des diverses taxes et impôts pour que le Burundi puissent respecter les accords de cette communauté sans en tirer profit ?
La décision d’entrer dans cette communauté a été hâtive alors qu’elle ne procure au pays que très peu d’avantages par rapport aux inconvénients. Les années à venir, surtout quand les règles de fonctionnement de cette communauté seront précisées, le Burundi regrettera cette décision.
Que va vraiment faire le Burundi dans cette communauté de l’Afrique de l’Est ? La question est ouverte. Notre site lance le débat car l’enjeu dépasse les autres enjeux nationaux. Ceux qui se battent pour le petit gâteau aujourd’hui iront quémander le petit gâteau chez les voisins dominants.