LES DESSOUS DU CONFLIT ENTRE LA RADIO  RPA ET LA PRESIDENCE

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 23 juillet 2005

L’histoire est souvent mal expliquée. Les origines des conflits se trouvent là où les historiens n’explorent pas. Des conflits sanglants ont été déclenchés à la suite de désaccords entre deux individus. Le cours de l’histoire peut être modifié en raison de la jalousie entre deux hommes.

Le conflit entre le Président Ndayizeye et Alexis Sinduhije, directeur de la RPA est un véritable roman. Tout part d’un coup de fil de Bujumbura à Kinshasa dont le contenu mène aux gendarmes commandés par le colonel Mushwabure qui enfoncent la porte de la radio RPA sans mandat de perquisition.

Incroyable mais vrai, Alexis Sinduhije a un conflit personnel avec le Président Ndayizeye et ce dernier a juré de se venger.

Pendant la campagne d’explication de la constitution, le Président Ndayizeye avait besoin des médias pour faire accepter au peuple l’idée de se faire élire. Il a compris que la RPA occupe une place importante et qu’elle est écoutée par la population. Il voulait avoir un autre mandat, d’une part pour être un Président élu et d’autre part pour bien finir son building. Il fallait contacter Alexis Sinduhije, directeur de la RPA pour lui faire la campagne. Or, Sinduhije était à Kinshasa au Congo. Le Président a pris l’affaire au sérieux et a téléphoné lui-même Alexis Sinduhije à Kinshasa.

La conversation téléphonique a tourné au bras de fer. Le Président Ndayizeye demandait à Sinduhije de  faire sa campagne pour que le peuple accepte d’avaler la pilule amère de violer la constitution en se faisant élire, contrairement aux accords d’Arusha. Alexis Sinduhije n’est pas passé par quatre chemins et lui a dit catégoriquement non, que les accords prévoient qu’il doit partir. Le Président Ndayizeye lui a dit, je le cite : « Tu refuses de m’ aider, je ne t’aiderai pas quand tu en auras besoin ». La suite a été comme un divorce. Tout projet de la RPA est bloqué sur ordre de la Présidence. C’est notamment le projet d’extension de la radio à Ngozi. Le Conseil National de la Communication dirigé par un homme qui n’a jamais fait le journalisme a toujours suivi à la lettre les instructions du Président.

Outre ce refus de faire la campagne pour le Président Ndayizeye, Sinduhije est « accusé » par le Président et son entourage d’être proche du CNDD-FDD. Comme il a refusé de l’aider, il est considéré comme proche de ce parti qui vient de gagner. Il ne reste qu’à punir ce peuple burundais qui a voté pour le CNDD-FDD. La défaite du Frodebu qui a provoqué une dépression de notre cher dictateur Président n’a pas arrangé les choses. La faute est aux électeurs « qui ne savent pas voter », la faute est à la RPA qui a favorisé la victoire du CNDD-FDD pour avoir couvert en direct un ou deux meetings du CNDD-FDD, bref la faute est à tout le monde, vous et nous.

La victime choisie est la RPA. Le Président a demandé à Jean Pierre Manda de fermer la radio et le CNC  a pris la mesure de fermeture. La RPA a refusé de fermer la radio. Le Président a demandé à l’armée de couper le canal d’émission de la radio RPA. Par malheur, notre pauvre Président a essuyé un refus. L’armée lui a dit que la RPA a payé son utilisation de la fréquence et qu’elle n’a pas violé les secrets défense.

Le matin du 22 juillet, le Président s’est alors adressé au directeur général de la police le général de brigade Bunyoni pour exécuter un ordre de fermeture de la RPA. Bunyoni a refusé, son adjoint a refusé aussi. Il s’est tourné vers le commissaire chargé des opérations de maintien de l’ordre. Ce dernier lui a dit qu’il doit recevoir des ordres de son hiérarchie. Le Président s’est retrouvé l’après-midi avec des refus de tout ce qu’il a comme forces de sécurité. Il a lors haussé le ton en menaçant qu’il ne sera pas Président si Bunyoni refuse de fermer la RPA. Le général de Brigade Bunyoni a finalement cédé en donnant l’ordre au colonel Mushwabure, commandant du district de Bujumbura. Ce dernier a accepté les ordres et s’est mis dans l’illégalité transmise en chaîne. Il a enfoncé la porte de la RPA sans aucun mandat de perquisition. Certains se demandent comment le Président s’est arrangé pour ordonner une intervention contre une radio sans un mandat d’un procureur. Aurait-il essuyé un refus du procureur aussi ?

Du coup de fil du Président à Sinduhije à Kinshasa, nous en arrivons à un comportement digne des dictateurs du temps de Mobutu.

A part la fermeture de la RPA, le Président avait dit à Sinduhije que si le Frodebu gagne les élections, Sinduhije sera obligé de se réfugier à l’étranger. Pour la première fois, un Président menace un citoyen de le faire quitter le pays. Du jamais vu !!! Heureusement, le Frodebu a perdu. Le peuple est conscient de la dangerosité du Frodebu. Le Frodebu a perdu et Sinduhije reste au Burundi.

Vivement qu’il quitte le pouvoir ce dictateur Président !