SI J'ETAIS LE CONSEILLER DU PRESIDENT NKURUNZIZA, JE LUI DIRAI...

Burundi news, le 09/07/2011

Par Gratien Rukindikiza

Le titre de cet article peut susciter des interrogations. Je tiens à rassurer le Président et ses conseillers que je ne suis pas demandeur d'aucun poste, je dis bien d'aucun poste. Par ailleurs, mon devoir de citoyen m'incite à donner mes conseils au Président, à prendre ou à laisser mais pour le bien de la nation burundaise.

Vos conseillers vous mentent, virez, Monsieur le Président, ceux qui vous disent que vous êtes le meilleur

Monsieur le Président, les conseillers qui viennent vous voir avec de louanges, qui vous disent que la population vous adore, sont des menteurs. Pire, ils disent dans les salons de Bujumbura et dans les capitales européennes, hors cadre officiel, que vous êtes un paresseux, que vous ne lisez pas les dossiers. Selon vos conseillers, vous n'avez pas en réalité le pouvoir. Vous ne tenez compte que  tout ce qui vous rapporte de l'argent. Certains disent même que vos convictions religieuses sont à prendre avec des pincettes.

Le pire de vos détracteurs est la catégorie de vos conseillers. Certains disent que vous partagez l'argent avec un petit cercle dont le député Alexis Barakabavuge.

Monsieur le Président, votre erreur est d'avoir pris des conseillers "politiciens", membres de votre parti. Vous avez plutôt besoin des conseillers techniciens, des conseillers qui vous disent que vous êtes en tort quand c'est vrai. Les louanges, vous les aurez tant que vous êtes au pouvoir. Quand vous l'aurez quitté, vous serez dans l'étonnement de votre image renvoyée par cette même population. Confrontez-vous à la réalité. Le peuple ne vous aime pas. Que faire pour vous faire aimer? Pourquoi ce divorce? Pourquoi le peuple pense que Nkurunziza II est deux fois plus pire que Nkurunziza I? Le conseiller qui vous répondra à ces questions est à garder. Ceux qui sont incapables de répondre sont de faux conseillers ou des incompétents.

La corruption est combattue au sommet d'abord

Monsieur le Président, les Burundais disent que "Wiba uhetse, ukabwiriza uwo uhetse kwiba" (Vous volez avec un enfant dans le dos et l'enfant deviendra voleur comme vous). La corruption est comme un serpent, tant que la tête garde le venin, le serpent est toujours dangereux. Le planton qui vole des papiers ne fait que suivre les pratiques dans le ministère. Le ministre qui détourne dit qu'il ne peut faire autrement parce que le Président est aussi corrompu. Je n'ose pas citer les noms des ministres qui m'ont dit cela.

Je pense que, Monsieur le Président, il vous manque des anecdotes. En voici une. Un commerçant a été dans un ministère voir un nouveau directeur de ..... pour le corrompre. Le nouveau directeur, fier de sa fonction, un des rares patriotes qui restent au Burundi, refuse sèchement cette corruption pour attribuer le marché au commerçant. Arrogant, le commerçant lui dit que le ministre lui attribue toujours les marchés. Il lui dit que s'il n'accepte pas de signer, le ministre le limogera et nommera à sa place une autre personne qui signera les yeux fermés. Intrigué, le directeur en a référé au ministre. Le ministre lui a fait comprendre que le commerçant est très honnête et qu'il faut signer avec une promesse des bonbons des enfants. Le directeur a compris qu'il est dans une situation insoutenable et a accepté de signer. Ce directeur a sauvé sa place et a obtenu de l'argent pour renouveler la garde robe de sa femme qui se plaignait du fait que les autres femmes des directeurs de son rang ont les moyens.

Voyez Monsieur le Président comment la corruption est devenue comme "ca gihute carikira mu ntege, kiti ugorore nturike, upfunye, nturike".

Cette corruption a créé l'inflation dans le pays. Je n'y reviens pas. Monsieur le Président, je vous conseille de combattre d'abord la corruption de Monsieur Pierre Nkurunziza, les autres suivront. Il donne un mauvais exemple. Si vous réussissez avec lui, je vous promets que vous aurez une grande médaille en or. Je pense  que ce qu'il détourne vaut des millions de médailles en or. Il suffira de garder une seule.

Changez votre entourage pour être fréquentable

Monsieur le Président, il est difficile d'être fréquentable quand vos principaux proches sont accusés d'avoir assassiné Ernest Manirumva. Vous connaissez les noms de ces généraux qui sont devenus les petits Samuel Doe du Burundi. Vous êtes devenu la risée du monde. Cela n'enchante pas les Burundais. Faites le ménage et vous vous referez une nouvelle image.

Partez dans deux ans et négociez votre départ

Monsieur le Président, beaucoup de chefs d'Etat africains savent bien comment arriver au pouvoir mais rares sont ceux qui ont compris quand et comment quitter le pouvoir. Il faut souvent anticiper. Le peuple ne vous aime pas. Vous avez triché les élections. Les rébellions naissent ici et là. Elles se consolident. Vos troupes militaires n'ont aucune motivation pour se battre. A quoi ça sert d'aller se faire tuer deux mois avant les négociations? Le militaire gagnant est celui qui échappe à cette guerre inutile. Les blessés de guerre sont vite oubliés. Monsieur le Président, épargnez nos militaires et policiers cette guerre.

Annoncez Monsieur le Président les futures négociations, votre départ du pouvoir dans deux ans et de confier l'organisation des élections à une commission mixte internationale et burundaise. Vous en sortirez vainqueur. Vous serez maître du calendrier. Si vous refusez cette proposition, le calendrier peut s'imposer à vous et vous serez perdant. Rien ne sert de vouloir rester au pouvoir à vie comme ça se dit dans certains  milieux des renseignements européens. Ces services sont convaincus que vous voulez rester au pouvoir à vie. Vous devenez ainsi un ennemi de la démocratie.

Votre force sera cette surprise, vous prendrez le terreau par les cornes et votre sortie sera négociée. En dehors de cette option, tout est possible, y compris des sorts tragiques.

Monsieur le Président, vous ne pouvez pas dormir tranquillement quand les grands politiciens burundais sont soit en prison, soit à l'étranger, soit en insécurité au Burundi. Créez de bonnes conditions pour que ces politiciens rentrent dans le pays.

Monsieur le Président, ces émissaires des puissances étrangères qui viennent vous dire que seule la voie des négociations est salutaire au Burundi sont à écouter. Le dernier en date est le président de l'Assemblée Nationale de la France. Le message est clair. Négocier.

A quoi ça sert d'étrangler les Burundais au nom de vos intérêts égoïstes? Regardez la misère en face Monsieur le Président. Du haut de votre palais et de votre aisance, le peuple a faim.

Cédez vos terres acquises illégalement Monsieur le Président

Un dernier conseil concerne la terre. Fils d'un paysan et paysan dans l'âme, il est difficile d'éviter ce conseil.

Monsieur le Président, vous avez partout des terres que vous avez acquises sans payer. Nos paysans s'entretuent pour avoir un petit lopin de terre. Les Twa n'ont pas de terre. S'il vous plaît, cédez ces terrains, ces champs aux paysans qui en ont besoin. Les Twa de Gasanda en commune Kayokwe pourront cultiver vos champs de Kondo à Gitega sur le frontière entre Mwaro et Gitega. Vous n'avez pas besoin de ces champs pour vivre. Vous avez déjà montré des exemples. Oui, vous pouvez labourer la terre comme vous voulez car vous avez les moyens, même de l'Etat comme les tracteurs donnés par le Président libyen Kadhafi au Burundi.

Monsieur le Président, aucune méchanceté ne peut justifier des actes de bruler des maisons des paysans de Rumonge. Ces paysans ont le droit de vivre. L'administrateur de Rumonge dit bien clairement que l'ordre est venu de vous. Monsieur le Président, s'il vous plaît, expliquez au peuple burundais comment un homme qui prie Dieu peut oser faire ces actes ignobles? Espérons que vous soyez étranger à ces actes. En ce cas, dites au peuple comment pouvez-vous fermer les yeux face à ces actes barbares qu'un humain sur cette terre ne doit faire subir à son semblable. Les conseillers qui vous ont dit que vous avez raison en mettant à terre les maisons des paysans dont le seul tort est de ne pas voter pour vous, sont à limoger.

Monsieur le Président, mes conseils ne vous sont pas familiers. Je sais que vous n'aimez pas les conseils. Ils sont gratuits et sont salutaires pour vous. L'histoire dira que j'avais raison et vous avez refusé de prendre la balle au bond. Probablement que l'histoire pourra dire que mes conseils n'ont pas été vains.

Bon courage car le Burundi change. Demain, il sera tard. C'est aujourd'hui que se joue l'avenir du Burundi et surtout votre avenir. Il vous faut du courage pour prendre des décisions courageuses. Il vous faut du courage pour rester sourd aux différents conseils.

On dit en kirundi que "Kananira abagabo ntinyimye" (Celui qui refuse les conseils des humains n'a pas un bon avenir).