CONSTITUTION DU BURUNDI, RETOUR A LA CASE DE DEPART
Burundi news, le 23/12/2013
Par Gratien Rukindikiza
Le méridien de Greenwich a été défini comme la référence de la longitude depuis 1884 et il est le point de départ 0. Au Burundi, depuis 2010, le point de référence de la politique burundaise est la candidature au 3 è mandat du Président Nkurunziza. Nkurunziza a une équation à résoudre. Comment se présenter pour un troisième mandat interdit par les accords d'Arusha et par la constitution et empêcher les opposants de contester sa candidature? Voilà une équation qui a fait tomber beaucoup d'X et qui se reposent tranquillement dans les cimetières pour les chanceux et d'autres dans les fosses communes ou dans les ventres des crocodiles de Tanganyika qui étaient affamés.
Les dégâts avant la tempête
Dans l'histoire du Burundi, jamais un régime dirigé par un hutu n'avait massacré autant de hutu, des dizaines de milliers de hutu dans Bujumbura rural, dans la plaine de l'Imbo et en provinces aussi. Leur seul tort, soutenir un autre hutu qui pouvait prendre la place du Président Nkurunziza. Qui a dit que le pouvoir n'a pas d'ethnie? Il avait raison. S'il y a eu des morts avant 2010, ceux qui ont été assassinés par une machine du pouvoir après la réélection du Président Nkurunziza de 2010 se comptent par des milliers. Avant l'arrivée au pouvoir d'un hutu, une dizaine de hutu assassinés par le pouvoir suscitait des protestations des groupes de hutu basés à l'étranger. Aujourd'hui, les milliers de hutu assassinés ne suscitent aucune protestation, à part les partis politiques visés. C'est à se demander si les protestations d'avant ne servaient pas à accéder au pouvoir et que cet "amour" coethnique n'était que hypocrisie, un trompe l'œil. Le silence aussi des tutsi qui assiste à ces massacres des hutu ne les protège pas pour autant. Le voisin, le compatriote tué est une perte pour soi- même. Faudra-t-il crier quand il y aura uniquement des tutsi tués? Un pouvoir qui est capable de tuer un groupe n'a pas peut de tuer un autre groupe.
La préparation de la campagne de 2015 est passée par les cadavres et cela n'est pas terminé. Certains opposants sont rentrés après une période d'absence au pays et le pouvoir a dû céder à la pression internationale. La tentative d'éliminer l'opposant Alexis Sinduhije à Dar Es Salam en Tanzanie, il y a une année et aussi l'humiliation de Banvuginyumvira, vice-président du Frodebu, montrent que le pouvoir ne recule devant rien.
La marionnette Uprona aux mains du CNDD-FDD dans le rôle de l'auto flagellation
L'Uprona a dirigé le Burundi pendant 31 ans. Ce parti a mis en place une dictature et est resté au stade de cette dictature. C'est un parti qui ne se gêne pas à soutenir une dictature qui peut lui offrir des miettes. La constitution du Burundi a été modifiée en conseil des ministres en présence des ministres de l'Uprona et d'un 1 er vice-Président issu de l'Uprona. Ce même parti Uprona dispose de ce poste de vice-Président grâce aux accords d'Arusha. Voilà la même Uprona qui scie la branche sur laquelle elle est assise. Le nouveau vice-Président Busokoza est silencieux depuis que ses patrons lui ont fait comprendre qu'il est là pour soutenir la dictature du CNDD-FDD. Qui ne dit mot consent. Le président de l'Uprona est très critique quant au projet de constitution. Le Major Busokoza, 1 er vice-Président, ne l'est pas. Est-ce qu'il est un envoyé de l'Uprona? Y-a-t-il des divergences au sein de l'Uprona? Sans la complicité de l'Uprona, le CNDD-FDD ne pourrait pas exercer une telle dictature sur le Burundi. Ceci pour souligner cette complicité néfaste de l'Uprona.
Le va-t-en guerre de l'opposition
L'opposition burundaise avait réalisé que cette modification de la constitution était la dernière provocation du pouvoir. Le bras de fer était engagé. Céder aurait signifié leur mort politique et aussi une manque de force. L'appel à des manifestations dans tout le pays pour faire céder le pouvoir était à la hauteur des enjeux. L'opposition a eu raison car le pouvoir ne voulait pas en discuter. La pression de l'opposition a interpellé la communauté internationale qui n'a pas donné du repos du Président Nkurunziza.
L'Assemblée Nationale a lancé des invitations à la société civile et aux opposants pour discuter de ce projet. Les discussions ont eu lieu au Parlement car le gouvernement ne pouvait pas le reprendre sous peine de ne pas pouvoir le représenter qu'après les élections. Le va-t-en guerre de l'opposition a porté ses fruits.
Le président de l'Assemblée Nationale piégé et un modérateur à la hauteur
Le président de l'Assemblée Nationale était piégé par son initiative. Les conclusions devaient tenir compte des discussions. Tout était prévu car la rédaction était confiée à une ONG neutre. Le rapport final a conclu qu'il y a trois points principaux à modifier à savoir l'adaptation de la constitution aux exigences de l'East Africa Community, le pourcentage des femmes au Parlement porté à 35 % et l'usage du bulletin unique lors des élections. Tous les articles prévus pour permettre un 3 è mandat du Président Nkurunziza ont été écartés.
L'opposition qui a répondu à l'invitation a dominé les débats et ses points de vue ont eu gain de cause. Les accords d'Arusha devront être respectés selon les conclusions.
Les Burundais ont démontré qu'ils pouvaient discuter sans recourir à une médiation étrangère. Saluons le travail remarquable réalisé par Charles Ndayiziga, président de l'ONG "Centre National d’Alerte pour la Prévention des conflits" (CNAP). Il était facilitateur et son travail a donné les fruits de l'espoir. Espérons que le parti au pouvoir CNDD-FDD saura que la parole donnée devant les bashingantahe doit être respectée.
Nkurunziza ne sera pas candidat en 2015
Les conclusions des discussions de Kigobe sont claires. Le Président Nkurunziza ne sera pas candidat en 2015. Toutefois, il n'a pas encore dit son dernier mot. Mettra-t-il le pays à feu et à sang pour qu'il puisse se présenter en violant les accords d'Arusha et la constitution?
Si Nkurunziza n'est pas candidat, qui sera le candidat du CNDD-FDD? Il est fort à parier que les cadres civils du CNDD-FDD ne seront pas sur la liste des éligibles. Les généraux présenteront un des leurs, le plus corrompu. Nous y reviendrons.