LA CONSTITUTION BURUNDAISE, EST- ELLE RESPECTEE ?
Par Gratien Rukindikiza
Burundi news, le 05 mars 2006
Tout citoyen a le droit de savoir si la constitution est bien respectée. La vigilance du peuple fait partie de son exercice du pouvoir. La question mérite d’être posée. Au pouvoir de vérifier. J’ai repris quelques articles qui me semblent non respectés dans la pratique.
Article 5
La langue nationale est le Kirundi. Les langues officielles sont le Kirundi et toutes autres langues déterminées par la loi.
Tous les textes législatifs doivent avoir leur version originale en Kirundi.
Commentaires : Le Président a présenté devant le Parlement le programme politique de son gouvernement en français. Nyangoma, président du CNDD, a demandé par plaisanterie un interprète. Selon la constitution, les députés ne doivent pas connaître le français. Tout représentant du peuple doit pouvoir suivre le débat dans la langue nationale. Comme nos politiciens sont surtout issus des universités, les textes qui passent au Parlement et les budgets sont présentés en français, c’est une pure violation de la constitution. Ceux qui ont élaboré cette constitution aurait dû le prévoir. Le peuple est souverain et il a voté. Personne ne peut y déroger sauf le même peuple.
Aujourd’hui, les textes législatifs ont une version originale en français.
Article 32
La liberté de réunion et d’association est garantie, de même que le droit de fonder des associations ou organisations conformément à la loi.
Commentaires : Ce droit est reconnu théoriquement. Il suffit de présenter un dossier pour voir après quel délai il sera signé. Au pire, le dossier ne sera jamais signé sans piston ou billet.
Article 40
Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public durant lequel toutes les garanties nécessaires à sa libre défense lui auront été assurées.
Commentaires : Dans ces jours, les présumés coupables sont présentés au stade pour qu’ils soient montrés au public. Certains sont innocents et n’ont même pas vu un juge. Le public et le pouvoir les condamnent avant la justice en violation de la constitution. Dans des pays démocratiques, ces personnes pourront intenter un procès contre le pouvoir s’ils s’en sortent innocentées.
Article 53
Tout citoyen a droit à l’égal accès à l’instruction, à l’éducation et à la culture.
L’Etat a le devoir d’organiser l’enseignement public et d’en favoriser l’accès.
Toutefois, le droit de fonder les écoles privées est garanti dans les conditions fixées par la loi.
Commentaires : Beaucoup d’enfants intelligents ont abandonné l’école faute d’argent. Par ailleurs, la constitution stipule que tout citoyen a droit à l’égal accès à l’instruction. Quelque soit l’état des finances de l’Etat, la constitution est la loi fondamentale ; donc à respecter. Les priorités budgétaires ont d’abord fixées par la constitution. Aujourd’hui, le gouvernement a des difficultés pour scolariser les enfants à l’école primaire. Il ne pourra pas avoir les moyens de rendre accessible à tous l’école secondaire. Le gouvernement ne respecte pas la constitution par manque de moyens. Comme le dit le proverbe, le papa qui ne t’aime pas te lègue ce qu’il n’ a pas pu faire ( So akwanka akuraga ivyamunaniye). L’ancien Président Ndayizeye a compliqué la tâche de son successeur à travers la constitution. L’article aurait dû être formulé à la manière de l’article 54.
Article 54
L’Etat reconnaît à tous les citoyens le droit au travail et s’efforce de créer des conditions qui rendent la jouissance de ce droit effective. Il reconnaît le droit qu’a toute personne de jouir des conditions de travail justes et satisfaisantes et garantit au travailleur la juste rétribution de ses services ou de sa production.
Article 55
Toute personne a le droit d’accéder aux soins de santé.
Commentaires : Des burundais sont emprisonnés du simple fait de ne pas pouvoir payer les soins de santé. D’autres n’ont pas accès aux soins de santé parce qu’ils n’ont pas de garanties financières pour payer les soins. Il s’agit d’une pure violation de la constitution. Ces malades à qui on refuse le droit d’accéder aux soins de santé ont en principe le droit de porter plainte devant une juridiction. Le gouvernement est tenu d’élaborer des stratégies pour respecter cet article 55 de la constitution.
Article 56
L’État a l’obligation de favoriser le développement du pays, en particulier le développement rural.
Commentaires : Que se passerait-il si un paysan de Giteranyi ou Bugenyuzi portait plainte contre le gouvernement en demandant des dommages et intérêts pour la famine subie? Le gouvernement devrait prouver qu’il a mis tous les moyens pour favoriser le développement rural. Si un avocat arrivait à prouver qu’aucune proposition de moderniser l’agriculture n’a pas été faite par le gouvernement, il pourrait être condamné à des dommages et intérêts. Ne rêvons pas, on est au Burundi et le Burundi n’est pas les USA, la Grande Bretagne ou la France.
Article 57
A compétence égale, toute personne a droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
Commentaires : Cet article pourrait déclencher des procès sans précédent. Combien de Burundais à compétence égale, ancienneté égale, pour un travail égal, n’ont-ils pas les mêmes salaires même dans la fonction publique ?
Article 83
Le financement extérieur des partis politiques est interdit, sauf dérogation exceptionnelle établie par la loi.
Commentaires : Ce n’est qu’un secret de Polichinelle que certains partis burundais ont été financés de l’extérieur. La cour constitutionnelle préfère fermer les yeux.
Article 100
Les fonctions du Président de la République sont incompatibles avec l’exercice de toute autre fonction publique élective, de tout emploi public et de toute activité professionnelle.
Commentaires : Nyangoma avait soulevé un cas où le Président de la République avait présidé la réunion du conseil communal de sa commune de naissance. La constitution est claire, il y a incompatibilité. Nyangoma avait raison et j’espère que les conseillers du Président ont rectifié le tir.
Article 146
Les cadres et agents de l’Administration Publique sont tenus de faire la déclaration de leur patrimoine à leur entrée en fonctions
Commentaires : Je suis convaincu que cet article 146 a été oublié. Les cadres et agents de l’Administration Publique ne déclarent pas leur patrimoine à l’entrée en fonctions.
Article 173
Les partis d’opposition à l’Assemblée Nationale participent de droit à toutes les commissions parlementaires, qu’il s’agisse de commissions spécialisées ou de commissions d’enquête.
Un parti politique disposant de membre au Gouvernement ne peut se réclamer de l’opposition.
Commentaires : Un politicien Français du nom de Chevènement disait qu’un ministre ferme sa gueule ou démissionne. La constitution burundaise prévoit qu’un parti ne peut pas être en même temps au gouvernement et à l’opposition. Le Frodebu se réclame des deux casquettes. Il est en violation de la constitution. Le jour où l’action du gouvernement ne lui sera pas positive, il devra retirer ses ministres et faire l’opposition.
Article 178
Il est créé une Cour des Comptes chargée d’examiner et de certifier les comptes de tous les services publics. Elle assiste le Parlement dans le contrôle de l’exécution de la loi de finances.
La Cour des Comptes présente au Parlement un rapport sur la régularité du compte général de l’Etat et confirme si les fonds ont été utilisés conformément aux procédures établies et au budget approuvé par le Parlement.
Elle donne copie dudit rapport au Gouvernement.
La Cour des Comptes est dotée de ressources nécessaires à l’exercice de ses fonctions.
La loi détermine ses missions, son organisation, ses compétences, son fonctionnement et la procédure suivie devant elle.
Commentaires : La cour des comptes vient d’essuyer un camouflet. Personne ne l’a vu venir. Dans le dossier Lubelsky, les avocats de la défense ont démontré avec succès que cette cour des comptes n’avaient pas le pouvoir de juger. Le dossier a fait sa pause tout en espérant qu’il n’entre pas définitivement dans les tiroirs. Le gouvernement ne s’est pas rendu compte que la cour des comptes était dans l’illégalité. Le président de la cour des comptes Dwima, avait-il accéléré le dossier pour échapper à son ombre qui le poursuivait dans le même dossier ?
Cette cour devra alors se conformer à la constitution car le gouvernement en a profité pour revoir le fonctionnement de cette cour.
En définitive, la constitution burundaise a été votée à une large majorité. Son respect doit aussi s’en référer. Certains manquements sont liés à la pauvreté du pays et aussi à la mauvaise gouvernance.