LES DEGATS COLLATERAUX D'UN DETOURNEMENT DE 10 MILLIONS DE LA COOPEC

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 23/05/2008

Il fallait y penser. Détourner l'argent et grâce aux relations au sein du parti au pouvoir tendre une embuscade aux contrôleurs relèvent des films de Hollywood. Ce qui se passe à Ruyigi et Gitega montre bien la nature du régime du CNDD-FDD.

Dans les Coopec de Ruyigi, un comptable nommé Désiré avait détourné 11 millions de francs bu. Ce comptable n'est pas n'importe qui dans le royaume du CNDD-FDD. Il est le chef de la ligue de la jeunesse CNDD-FDD en province de Ruyigi.  A ce titre, il bénéficie d'une certaine protection et répond aussi aux ordres du parti. Ainsi, certains pensent que ce détournement est lié au financement du parti CNDD-FDD.

Dès que les responsables de la Coopec au niveau de la région ont eu vent de ce détournement, ils ont voulu envoyer des inspecteurs des Coopec basés à Gitega. Ces inspecteurs ont reçu des menaces, des téléphones anonymes, les intimant de ne pas faire ce contrôle. Ils se sentaient menacés mais n'ont pas voulu annuler ce contrôle. Ils ont ajourné le voyage à Ruyigi et ont fini par y aller  sans se faire remarquer.

Après le contrôle à Ruyigi, l'OPJ Fidèle Ntimpirangeza avait prévu de les emprisonner pour un motif inconnu mais en réalité pour protéger le comptable qui a détourné 11 millions de frs bu. C'était une façon de les empêcher de rendre compte de leur trouvaille dans la comptabilité de Ruyigi. Les inspecteurs ont quitté Ruyigi le soir tout en évitant d'être suivis. Il a suffi que l'OPJ qui voulait les emprisonner se rende compte que les six inspecteurs ont quitté la province de Ruyigi pour lancer une alerte afin de faire arrêter les inspecteurs. La police de Gitega s'est mise à la tâche. Sachant déjà de quoi il s'agit, le gouverneur a participé personnellement à l'arrestation des inspecteurs. Le gouverneur est parti à Makebuko, accompagné de sa garde et du responsable provincial de la police et de son adjoint. A l'arrivée du véhicule des inspecteurs, le gouverneur a demandé au commandant provincial de la police de tirer et celui-ci a refusé et n'a pas donné non plus l'ordre de tirer à ses policiers. Le gouverneur, furieux, a donné l'ordre à un policier qui assure sa sécurité de tirer sur le véhicule et le policier a accepté de tirer.

Dans cette histoire, il est très curieux de constater que le gouverneur s'implique à ce point pour l'arrestation, la maltraitance de ces inspecteurs. Le gouverneur aurait lui-même participé au tabassage des inspecteurs de la Coopec. On se demande si même un présumé coupable n'a pas droit à la sécurité. Si c'est le gouverneur qui donne un tel exemple, on s'imagine l'attitude de la police. Il est à remarquer que dans certaines provinces, notamment Ruyigi, les policiers font peur à la population. C'est pour cela aussi que les inspecteurs avaient refusé de s'arrêter du fait qu'ils se sentaient menacés et qu'ils savaient que le dossier des 11 millions était explosif.

Aujourd'hui, l'OPJ de Ruyigi qui a donné l'ordre n'a pas pu expliquer la raison de son ordre d'arrêter les inspecteurs. Le procureur de Ruyigi hésite toujours pour l'arrêter car il craint la perte de son poste. Au royaume du CNDD-FDD, tous les malfaiteurs n'ont qu'à prendre la carte du parti et prendre quelques responsabilités pour obtenir leur immunité judiciaire. Aux innocents non membres du CNDD-FDD de faire attention avec la justice et la police.