CORROMPU ! CORROMPU TOI- MEME !

 Burundi news, le 11 février 2006

Par Gratien Rukindikiza

Quand j’étais petit, on disait qu’il fallait faire attention au marché de Mwaro car c’était celui à qui on volait l’argent qui se sauvait. Le voleur criait au voleur et la victime n’osait pas attraper le voleur. La technique sert aussi au niveau national. Celui qui est accusé de détournement se lance dans une course contre les autres présumés corrompus.

L’ancien Président Ndayizeye et le ministre de la Bonne gouvernance Joseph Ntakirutimana, alias Mafero, ont engagé un match dont l’issue est incertaine. Ce match se déroule sur un terrain spécial de corruption et de détournement. Les deux hommes ont un passé d’amitié et d’inimitié selon le climat politique.

Ndayizeye a dirigé le Frodebu au moment où Minani était en Tanzanie. Ntakarutimana était en ce moment député du même parti Frodebu. Vers 2000, Joseph Ntakarutimana a revendiqué son appartenance au CNDD-FDD, encore dans les maquis. Il continuait à être député avec la casquette du Frodebu comme le CNDD-FDD n’était pas encore au Parlement. Quant le président du CNDD-FDD, Pierre Nkurunziza, est devenu ministre de la Bonne gouvernance, Joseph Ntakarutimana a été choisi pour diriger le cabinet du ministre Nkurunziza. Ndayizeye était Président de la République burundaise.

A la mort du ministre de l’intérieur Nyandwi, le CNDD-FDD proposa Joseph Ntakarutimana au poste du ministre de l’intérieur. Le Président Ndayizeye opposa son refus catégorique. Il le jugeait incompétent et pas très honnête. Un bras de fer s’engagea entre le Président Ndayizeye et le ministre Nkurunziza. La solution fut trouvée en Afrique du Sud. Le CNDD-FDD céda et accepta la nomination de Jean Marie Ngendahayo. La haine entre Ndayizeye et Ntakarutimana s’est beaucoup accentuée en raison de cet incident.

En juillet 2005, Ntakurutimana fut impliqué dans le dossier de corruption concernant les haricots de la police vendus à un prix double du marché. Le Président actuel Nkurunziza a reconnu ce cas de corruption devant les responsables de la police de la zone Ouest.

A l’arrivée au pouvoir du CNDD-FDD, Joseph Ntakarutimana accéda au ministère de la Bonne gouvernance. Sa priorité est devenue un jeu de diversion politique. Il fallait faire oublier le dossier des haricots. Le ministre s’est lancé dans une « lutte sans merci contre les corrompus ». Comme disait le politicien français Charles Pasqua, les promesses n’engagent que ceux qui y croient. Les promesses de Ntakarutimana ne servaient qu’à détourner l’attention de la presse. L’ultimatum fixé au 31 décembre 2005 n’a servi à rien. Ce ne sont pas les 2 pauvres comptables qui ont ruiné l’Etat burundais.

Dans le cadre de lutte contre la corruption, le ministre Ntakarutimana a trouvé un gros poisson en la personne de Ndayizeye. L’ancien Président Ndayizeye a acheté la résidence du gouverneur de Kayanza au moment où il était vice-Président. Il s’agit d’une prise illégale d’intérêt. La résidence avait été retapée par l’Etat pour être rachetée. Ndayizeye est sommé de rendre la résidence à l’Etat. Si le fond du problème peut-être correct, la forme est tout autre. Le ministre de la Bonne gouvernance  ne peut en aucun cas se substituer au rôle du ministère public ou du procureur. L’acharnement du ministre sur le dossier de l’ancien Président Ndayizeye est en réalité un règlement de compte par rapport à son refus de laisser Ntakarutimana occuper le poste de ministre de l’intérieur.

Ndayizeye peut -être accusé de rembourser 20 ou 30 millions de francs burundais. C’est insignifiant par rapport à celui qui a participé à un détournement de 465 millions de francs bu.

L’histoire du marché de Mwaro se retrouve au niveau national. Au moment où Ndayizeye dirigeait le Burundi, Ntakarutimana a participé à un détournement de 465 millions de francs bu, aujourd’hui, c’est Ntakarutimana  qui poursuit  Ndayizeye pour un dixième de ce qu’il a lui-même détourné.

La lutte contre la corruption est une bonne chose. Quand on confie à un corrompu la tâche de combattre la corruption, le peuple peut se demander si il est pris au sérieux ou pas. En démocratie, il dispose d’une arme fatale. Le Frodebu en a fait les frais. La justice doit sévir en évitant des règlements de compte. La pauvreté ne fait qu’augmenter. Une véritable lutte contre la corruption est aussi une façon de combattre la pauvreté si une politique de répartition des richesses existe.

Un congrès du CNDD-FDD est attendu le 19 février 2006. Plus de 5 mois de pouvoir, le CNDD-FDD pourra évaluer le pas franchi, les difficultés rencontrées. Il pourra aussi décider de remercier les militants ministres corrompus, rectifier le tir du gouvernement qui peine à définir sa ligne. Le peuple est impatient des changements.