LA CRISE ECONOMIQUE ET L'AFRIQUE

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 25/09/2009

Les crises économiques sont considérées par plusieurs économistes comme des ouragans qui secouent certaines zones géographiques après certaines périodes. Une fatalité? Probablement. La nature humaine ne change pas. Les mêmes causes produisent les mêmes effets et l'homme refuse de tirer les leçons de l'histoire. Cette crise était attendue. Les plus malins en ont profité pour s'enrichir. Les Madoff ont profité de la folie financière pour faire miroiter les intérêts mirobolants aux investisseurs et épargnants soucieux de l'argent facile. Certains patrons d'entreprises ont prélevé des bonus sur des bénéfices purement comptables et financiers liés à l'explosion de la bourse sans se soucier de la baisse des activités principales de leurs sociétés. Des entreprises se retrouvaient avec des excédents bruts d'exploitation négatifs mais avec des résultats financiers liés à la bourse très positifs.

La crise, est-elle derrière ou devant nous?

Cette fameuse crise est insaisissable. Personne ne l'a vue venir ou n' a avoué l'avoir vue. Personne ne sait exactement quand elle laissera la place à la croissance. Tous les spécialistes ne font que des spéculations sans parler des politiciens qui divergent selon que la politique intérieure impose le pessimisme pour les prudents et l'optimisme pour ceux qui se rapprochent des échéances électorales. L'électeur veut entendre de bonnes nouvelles.

Cependant, certains chiffres sont révélateurs. Les ménages américains se remettent à consommer mais timidement. Le moral revient. La bourse mondiale reprend ses envolées. Sa croissance actuelle est tellement rapide et saluée par les investisseurs qu'elle commence déjà à inquiéter. Ne va-t-elle pas générer une autre crise? Les politiciens font pression pour une régulation financière.  Les mesures actuelles préconisées n'auraient même pas la place dans le programme d'un candidat socialiste français des années passées. Les politiciens de droite veulent appliquer au capitalisme une dose de cheval. C'est à peine qu'on ne se demande pas si ce n'est pas le libéralisme qui va passer à la guillotine. Les politiciens occidentaux veulent limiter les salaires des patrons, les bonus, la libre circulation de l'argent du fait que les paradis fiscaux sont dans le collimateur. Que reste-t-il du libéralisme cher à Madelin, à Margaret Thatcher? Allons-nous ressortir le capital de Karl Marx qui expliquait les crises du capitalisme?

Aujourd'hui, les banques font des bénéfices mais surtout sur la partie spéculative à la bourse que sur la partie traditionnelle de la banque. Par ailleurs, les entreprises subissent toujours de plein fouet la crise. La crise financière ou la crise boursière est derrière nous. Mais la crise économique, communément appelée économie réelle, est devant nous. Les ménages européens sont encore dans l'expectative. Les entreprises licencient, ferment leurs portes. Elles naviguent dans l'incertitude. 2010 est annoncée comme une année de l'inversion. Les spécialistes disent que l'économie réelle redémarrera en juin 2010 ainsi que l'emploi.

Personne ne sait si réellement cette envolée boursière actuelle ne tient pas du fait que les banques ont pu se débarrasser des actifs pourris et de ce fait, les investisseurs reviennent à la charge du moment où les cours sont bas pour spéculer quand les cours vont monter jusqu'à la maximisation des profits. Les fonds des fonds spéculatifs changent de forme, se cachent derrière d'autres fonds pour faire jouer les cours des bourses avant de se retirer en empochant leurs intérêts. Ils ont la mission de récupérer ce qui a été perdu pendant la crise. Ils ne se laisseront plus prendre au piège. Or, c'est ce jeu qui est très dangereux qui pourra précipiter l'occident encore une fois dans une nouvelle crise.

Et l'Afrique?

Contrairement aux pays de l'occident, l'Afrique n' a pas été touchée par la crise, à part l'Afrique du Sud et le Caire qui ont des bourses intermédiaires. L'économie réelle n'a pas été atteinte car elle n'est pas très ouverte sur le monde. L'Afrique a continué à consommer mais localement. Les banques sont restées bénéficiaires, du moins celles nationales sans investissement à l'étranger.

Au moment où les taux directeurs des banques du Japon, à l'Europe, les Usa, sont inférieurs à 1%, certains pays africains les affichent à plus de 12 % comme le Burundi. En Europe, ce n'est pas le moment d'épargner pour gagner 0.30 % par an mais d'investir. C'est un cercle vicieux. Les banques ont besoin des liquidités pour financer l'économie et aussi spéculer. Si les ménages n'épargnent du fait du faible taux, l'économie réelle manque de financement et la crise se stabilise. Heureusement qu'il y a l'intervention de l'Etat. Les Européens sont devenus socialistes dans les pratiques mais les Africains, croyant faire comme les occidentaux sont devenus plus libéraux que les libéraux occidentaux.

Les Etats africains refusent de baisser les taux d'intérêt pour relancer l'économie. Ils n'ont pas été touchés par la crise mais ils n'ont pas profité de l'occasion pour reprendre le flambeau. Pourquoi certains pays africains riches n'ont-ils  pas proposé le sauvetage des banques européennes pour prendre des participation et entrer dans les comités de direction? Pourquoi les pays africains n'ont pas décidé au moins le principe de la monnaie unique? Aujourd'hui, les monnaies africaines sont soit attachées l'euro, soit attachées au dollar. Le dollar baisse dans ces jours, certaines monnaies baissent aussi. L'euro prend de la valeur, le franc CFA prend de la valeur. Ceux qui ont la monnaie attachée au dollar ont des problèmes à importer car les biens de l'étranger coûtent chers en d'autres monnaies. Ils peuvent profiter des avantages comparatifs en exportant des produits compétitifs moins chers dans la zone euro ou au Japon. Ces pays profitent du pétrole dont les cours mondiaux sont fixés en dollar. Pour les pays dont les monnaies sont attachées au francs CFA, ils peuvent importer à un coût bas car les produits mondiaux sont souvent calculés en dollar. Or, le dollar est faible par rapport à l'euro. Ces pays se retrouvent avec des produits chers et difficiles à exporter dans la zone dollar.

L'Afrique devrait tirer les leçons de cette crise. L'atomisation des décisions économiques est un véritable suicide collectif. Il ne sert à rien d'ouvrir les marchés sans harmoniser, non seulement la fiscalité mais aussi les taux d'intérêt, certaines décisions économiques comme les dévaluations etc... Les crises s'exportent, pourquoi ne pas exporter aussi ou importer les solutions.

L'Afrique doit inventer son avenir. Elle doit reprendre les choses en main. Que gagnera un pays africain à fabriquer des avions ou des armes à feu? L'Afrique doit trouver ses armes anti crise. Elle a la matière première. Pourquoi les vélos et les motos sont-ils  importés de Chine? Pourquoi même les allumettes sont -elles made in China? Ce n'est pas la technologie qui manque, mais la volonté politique. Si les pays africains produisaient les biens et services dont le paysan de Kaye au Mali ou la paysan de Ruzo à Muyinga au Burundi, a besoin, la relance économique ferait de l'Afrique le nouveau monde. C'est cette Afrique qui refuserait de mettre dans des charters les immigrés européens et qui offrirait l'hospitalité légendaire et aussi le bien être aux jeunes européens frappés par le chômage.

L'Afrique a un avenir mais elle manque des dirigeants. Avec les matières premières, la main d'œuvre locale, ses intellectuels,  les fonds dans les banques occidentales, l'eau, le soleil, l'humanisme, l'Afrique a tout pour faire d'elle le continent du futur.