LA CRISE FINANCIERE MONDIALE MET A NU LES FAILLES DU SYSTEME FINANCIER MONDIAL

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 22/09/2008

A l'université, un professeur d'économie monétaire nommé Bonaventure Kidwingira nous disait que la mauvaise monnaie chasse la bonne. Depuis que la monnaie a été inventée, elle a subi plusieurs mutations. Elle est même passée de l'état réel, palpable à l'état fictif, purement comptable. L'étalon or qui symbolisait la richesse de celui qui possédait la monnaie a perdu de sa splendeur. L'or a été abandonné aux coffres forts des banques centrales quand il n'orne pas les corps des femmes et des hommes. Jusqu'à une certaine époque, un pays ne pouvait émettre de la monnaie qui dépassait son or en réserve qui servait de garantie. La dernière monnaie à garantir en or fut le dollar jusqu'au jour où le Président Nixon, incapable d'assumer cette tâche en pleine guerre du Vietnam si budgétivore, a arrêté ce mécanisme. Ceux qui détenaient le dollar ne pouvaient plus se retourner contre le pouvoir américain pour réclamer l'or qui était le garant du dollar. La monnaie fiduciaire, monnaie de confiance, est une créance de l'Etat. La valeur de cette monnaie tient à la puissance de l'Etat qui possède son pouvoir régalien pour émettre la monnaie.

Monnaie devenue électronique et imprévisible

La monnaie en billet a complètement changé. En occident, la carte bancaire a remplacé les billets ou les chèques. La monnaie voyage des milliers des fois par jour. La traçabilité des circuits monétaires est devenue un cauchemar des juges financiers. L'argent est devenu le plus grand voyageur de la terre. Un virement peut faire autant de banques que de jeu d'écritures sans quitter la banque de départ par la biais des compensations. Le métier de banquiers, naguère, précis est devenu incertain. L'homme qui proposait des placements ou des crédits, achète et vend du vent. Il joue à la bourse pour anticiper un événement. La monnaie est devenue une marchandise en soi qui se vend, qui s'achète, qui est l'objet des spéculations.

Le monde à l'envers dans le domaine des finances

Les courtiers financiers et les banquiers sont souvent attirés par des étranges marchandises. Les dettes les plus risquées sont vendues le plus simplement du monde et les acquéreurs se bousculent car elles se vendent avec des rabais. Les dettes des pays africains se vendent plusieurs fois dans l'année et ceux qui les achètent font des affaires car ils finissent par les échanger contre des mines et autres avantages en nature. On s'imagine mal comment une banque peut utiliser l'argent de l'épargnant pour acheter les dettes des pays africains ou celles des Américains endettés. Le paradoxe de la finance actuelle est que les banques se partagent les risques dans le but de se partager les bénéfices. A force de jouer avec les dettes pour gagner plus, les banques ont créé une situation qui a failli tourner à une crise semblable de celle de 1929 sauf que celle de ces derniers jours était plus financière qu'économique   dans le sens classique du terme.

Ces banques subissent la pression de rentabilité et même une concurrence sur certains secteurs par les fonds de pension, retraites des vieux anglo saxons. L'exigence la rentabilité de ces fonds, capables de faire tomber un PDG d'une banque ou d'une entreprise, est un problème pour les financiers et les industriels. Pour gagner plus, tout est permis.

Le monde des finances a frôlé une catastrophe

Mille milliards de dollars pour sauver le monde financier de la part du gouvernement américain est un signe fort qui prouve qu'une catastrophe était à craindre. Les bourses commençaient à s'effondre comme un château des cartes. La solidarité des banques quand il s'agit d'investissements à risque entraîne aussi une noyade collective. La faillite de plusieurs banques américaines pouvait entrainer l'Europe, l'Asie etc...Les banquiers qui étaient encore en possession des liquidités auraient adopté la politique de la prudence. Les entreprises auraient eu des problèmes pour financer des investissements. De ce fait, la crise financière serait devenue économique. Aucun pouvoir n'aurait accepté de subir ce cauchemar. Les Américains sont pris en Irak dans une guerre qui coûte cher. La chute de plusieurs banques auraient entrainé la baisse des recettes fiscales. En période de forte récession, ils auraient eu du mal à maintenir les troupes en Irak et en Afghanistan. Pour un Etat, il est facile de s'endetter pour investir ou pour financer le budget en période de croissance que de s'endetter pour faire la guerre en période de stagnation économique.

Les Chinois, les financiers de l'Etat américain

Incroyable mais vrai, c'est une puissance communiste, un pays dirigé par un parti communiste, qui finance le budget américain. L'Etat américain est le premier endetté au monde. Il doit financer le budget en déficit chronique depuis ces dernières années par des bons de trésor. Or, les capacités d'absorption de ces bons en occident ont été épuisées et pour d'autres, ils ne sont pas assez rentables. En forte croissance, les Chinois ont trouvé un moyen  pour mettre de côté leurs réserves excédentaires. Si les Américains peuvent intervenir pour financer l'économie, c'est qu'il y a un financier de l'Etat. Les Chinois évaluent aussi les risques mais l'Amérique est toujours solvable. Jusqu'où les Chinois accepteront-ils de financer le déficit américain?

Et le Burundi dans cet imbroglio financier mondial?

Le Burundi n'a pas de bourse. Aucune action d'une société privée ne se vend au grand jour. Les banques ferment pour une mauvaise gestion et désorganisation. Elles pourraient être touchées s'il y avait une crise mondiale mais au dernier moment. Par ailleurs, si les pays occidentaux manquent de liquidités, il y aura peu de fonds destinés à l'aide internationale ou aux prêts. La Banque Mondiale et le FMI sauveront d'abord les banques occidentales avant les pays africains. Cette fois-ci, le banquier retrouvera son ancienne casquette de prêter aux riches. Or, la crise est partie du fait que les banques ont trop prêté aux pauvres sans garanties suffisantes, incapables de rembourser les dettes quand les taux augmentent dans les cas fréquents de prêts à taux variables.

Au Burundi, le banquier prête aux riches et à la classe moyenne avec des garanties précises. Les subprimes n'existent pas au Burundi. Cette crise invite à la prudence. Les banques burundaises ne sont pas confrontées aux subprimes mais elles sont sous la pression des gens du pouvoir qui demandent des prêts sans garanties suffisantes et dont les remboursements mensuels dépassent les revenus officiels.

Le Burundi est sous monétisé. L'argent circule surtout dans les villes et les centres provinciaux. Il doit inventer un mécanisme pour injecter l'argent à la campagne. Sans l'argent, la pauvreté de la campagne sera toujours le frein au développement.

Repenser autrement le développement et revoir le rôle de la monnaie sont les outils indispensables pour que le Burundi réponde au rendez-vous de 2020. Ceux qui subissent une crise financière sont déjà en avance. Se relever est facile et rebondir est un salut. Celui qui est à terre doit d'abord penser à relever avant de rebondir.