UN GOUVERNEMENT SOUS PRESSION DES LE DEPART

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 31 août 2005

Le nouveau gouvernement était attendu. Depuis la surprise de la nomination des deux vice-Présidents, les noms des membres du gouvernement étaient jalousement gardés.

Les spéculations ont bien marché en commençant par les vice-Présidents. Certains croyaient que le colonel Bayaganakandi allait avoir le ticket gagnant. Il a été vite dépassé par Yves Sahinguvu, député uproniste de Muramvya. Il paraîtrait que ce dernier était sûr de devenir le vice-Président jusqu’au jour du décret présidentiel. Les pressions internationales auraient changé le cours des choses au profit du Dr Nduwimana Martin, député de Bururi. L’histoire dira si réellement il y a eu pressions ou pas.

Le nom d’Alice Nzomukunda en tant que deuxième vice-Président a commencé à circuler depuis qu’elle n’a pas obtenu la présidence du Parlement qu’elle cherchait. Grande militante, elle est à la tête du mouvement des femmes du CNDD-FDD. Elle a un diplôme d’ISCO de Bujumbura. Sa place a d’abord été attribuée par la rue à Rufyikiri. Son élection à la tête du Sénat a poussé les observateurs à chercher d’autres personnalités du CNDD-FDD. A un certain moment, Ngendakumana du Frodebu avait été pressenti à ce poste. Dans certains salons de Bujumbura, on attribuait déjà ce poste à Jean Marie Ngendahayo pour sa carrière politique et sa connaissance des affaires gouvernementales. Alice Nzomukunda a été annoncée deux jours avant pour la première fois par le site Abarundi par son rédacteur qui est actuellement à Bujumbura, Steve Decliff. Plusieurs n’en croyaient pas et la nouvelle n’a même pas été relayée par d’autres sites, pourtant à la recherche des derniers scoops.

Alice Nzomukunda a été alors nommée à la deuxième vice-présidence. Elle sera chargée du secteur clé socio-économique. Le temps des spéculations est dépassé. Il lui appartient de démontrer ses capacités pour prouver qu’elle mérite sa place.

Le gouvernement qui vient d’être nommé mérite quelques réflexions. Les commentaires se font dans les rues à Bujumbura, à Bruxelles, à Paris, à Toronto, à Amsterdam, etc…, il ne servira à rien de ne pas faire un commentaire.

Ngendahayo Jean Marie ne figure pas parmi les membres du gouvernement. Sa femme Antoinette Batumubwira est nommée à sa place. Les gens se demandent si Ngendahayo a démérité ou si d’autres responsabilités l’attendent ailleurs. Ses connaissances internationales et son expérience gouvernementale ne profiteront pas à la nouvelle équipe.

Le CNDD-FDD était avant tout un mouvement militaire. Les FDD ont fusionné avec l’armée pour devenir les FDN. Depuis la signature du cessez-le-feu en 2002, le CNDD-FDD est capable aujourd’hui de diriger le ministère de la défense qui est en soi un ministère politique plus que technique. Plusieurs militants se demandent  à juste titre pourquoi le CNDD-FDD n’a ni le poste de chef d’Etat major, ni celui du ministère de la défense nationale. Les cadres de ce parti sont capables de gérer ce ministère avec l’aide des officiers intègres, anciens FAB. Le général major Adolphe Nshimirimana quitte l’Etat major des FDN pour diriger la documentation. Il laisse sa place à un colonel alors qui sera promu général de brigade pour rattraper les autres généraux de l’Etat major, anciens FDD.

Contrairement à ce qui a été dit, le ministre de la justice, ancien membre de la CENI, Niragira Clotilde, n’est pas membre de l’Uprona. Elle est sympathisante ou même membre du CNDD-FDD.

Le ministère de la bonne gouvernance, de l’inspection de l’Etat et de l’administration locale a été attribué à Ntakarutimana Joseph, ancien directeur de cabinet du même ministère au moment où Nkurunziza, le Président actuel, occupait ce poste. Le manque de résultat de ce ministère clé a été attribué à Ntakarutimana, ancien directeur de cabinet de ce même ministère. Il n’avait pas pu obtenir le poste de ministre de l’intérieur du fait que l’ancien Président Ndayizeye le jugeait incompétent. Ce ministère est un ministère clé de ce nouveau gouvernement. Il doit produire des résultats pour combattre la corruption. Joseph Ntakirutimana devra prouver qu’il est capable de réussir dans son nouveau poste. Si la corruption se maintient au niveau actuel, il aura échoué.

Le ministre des finances a lui aussi du pain sur la planche. Il aura la lourde tâche de négocier avec le FMI et la Banque Mondiale. Il devra faire face à ces messieurs et dames pour prouver que le Burundi peut innover et trouver une autre voie de développement, même si elle ne va pas dans le sens du FMI et de la Banque Mondiale.

Ce gouvernement est sous pression dès le départ. D’une part les militants qui veulent des résultats. D’autre part, le peuple burundais  demande à ce qu’il ne soit pas déçu comme avant. Une nouvelle équipe peut faire tout : Le meilleur ou le pire. Tout le monde espère que cette équipe réussisse sa tâche. Elle ne doit pas oublier que l’action du gouvernement a aussi un autre volet communication et pédagogie. Au-delà des actes, il faudra convaincre et prouver que le pays va dans le bon chemin. Le gouvernement devra aussi écouter, dialoguer sans s’enfermer dans un monologue, écouter aussi les critiques. Les conseillers qui disent toujours que le chef a raison sont des mauvais conseillers. Pour les gloires, les chefs peuvent payer les chansons en leur honneur, c’est de leur droit. Par ailleurs, pour rendre service à la nation, ils ont besoin surtout de savoir ce qui ne va pas bien, reconnaître  ses erreurs pour rectifier.