DU BAS VERS LA HAUT OU DU HAUT VERS LA BAS, ELECTIONS BURUNDAISES

Par Gratien Rukindikiza

Burundi news, le 15/07/2009

Notre confrère Gérard Gakiza du site Abarundi a contribué au débat sur les élections burundaises. La question de savoir s'il faut commencer par le haut ou par la bas anime les débats. Gakiza a défendu la version du CNDD-FDD, probablement son parti politique. Au delà de la polémique politicienne, cette question d'élections soulèvent des questions pratiques qui ne peuvent pas être ignorées dans le but de se maintenir au pouvoir ou d'y arriver à tout prix. La priorité principale est de préserver le libre choix du peuple et aussi la sécurité du peuple burundais.

En reprenant les idées de Gakiza, quelques commentaires s'imposent. Voici un paragraphe :


"Ce qu`il conviendrait de rappeler ici, c`est que les contextes des deux élections sont forts différents:

- en 2005, le Président de la république devait être élu au suffrage universel indirect, par les deux chambres du Parlement réunies. L`ordre logique des scrutins du bas vers le Haut se justifiait par conséquent car les Sénateurs devaient être élus par les Conseillers communaux et les Députés au suffrage universel direct, avant d`élire eux-mêmes le Président de la République.
 

- Le contexte des élections de 2010 quant à elles consacre le suffrage universel direct. Dans ces conditions, chaque scrutin à mon avis pourrait se jouer indépendamment des autres, pourvu qu`il y ait la bonne foi et le sens de responsabilité de la part des uns et des autres pour respecter les échéances de fin des différents mandats. Rien n`empêcherait alors de commencer même par le scrutin présidentiel, donc du Haut vers le bas."
 
Le Sénat et l'Assemblée Nationale ont été élus les premiers avant les Présidentielles parce que, non seulement, ils devaient élire un nouveau Président mais aussi le Président devait prêter serment devant les deux chambres réunies. Il en sera encore vrai en 2010 car le Président devra prêter serment devant les deux chambres réunies. De plus, le Sénat ne pourra être élu que par les conseillers communaux.
 
Tous les scrutins  ne sont  pas indépendants. Le Sénat dépend des élections des conseillers communaux. S'il faut respecter les échéances, comme le dit Gakiza, le haut vers le bas ne respecterait pas la constitution car le Président ne pourra que prêter serment devant un Parlement réuni ayant dépassé son mandat; donc vide. Le Président ne pourra pas prêter serment devant la cour constitutionnelle qu'il a nommé lui -même et en plus ce qui sera contraire à ce qui est dans la constitution.

"Les craintes exprimées par Gratien Rukindikiza à propos d`un vide politique au cas où ça commencerait par le Haut ne tient pas la route du tout. La date du 06 juillet 2010 dont il parle pour la fin du mandat parlementaire n`est pas la vraie. C`est le 03 août si j`ai bonne mémoire pour le Parlement et le 26 août pour le mandat présidentiel. Si le Président sortant se présentait comme candidat à sa succession, si le scrutin présidentiel était organisé bien avant ces deux dates et si ce candidat sortait vainqueur, rien ne l`empêcherait de prêter directement serment devant le Parlement encore en plein exercice de mandat en présence des membres de la Cour Constitutionnelle!! Au cas contraire, rien n`empêcherait l`autre candidat gagnant d`attendre jusqu`à l`expiration du mandat du sortant (le 26.08.2010), à défaut de pouvoir prêter directement serment avant le 03.08.2010."
 
Gakiza semble fonder son raisonnement en postulant sur la victoire du Président sortant. Or, quand il y a des élections, chaque candidat peut s'attendre à gagner et à perdre aussi. Le gagnant n'est pas désigné d'avance sauf dans des dictatures. Si le Président sortant est perdant, cela reviendrait à ce qu'il reste dans ses fonctions jusqu'à la fin de son mandat; soit avant la fin des autres scrutins si les élections commencent par le haut. Le Président entrant ne pourrait pas prêter serment devant un Parlement en campagne. Même s'il le faisait, il ne pourrait pas nommer aux hautes fonctions car selon l'article 187 de la constitution, ces nominations sont validées par le Sénat. De plus, les deux vices -Présidents sont préalablement approuvés et séparément par l'Assemblée Nationale et le Sénat. Le nouveau Président ne pourrait pas accepter les refus du Sénat qui lui est hostile et surtout au moment où ce Sénat et Assemblée Nationale sont en campagne. Ces deux institutions ne seront pas en mesure d'exercer leurs fonctions pendant les élections de ces mêmes institutions. Il devra attendre des mois avant de nommer son gouvernement et commencer à prendre les premières mesures. Le Burundi serait alors un pays sans Président en exercice.
 
En cas de deux tours présidentiels
 
Si aucun candidat présidentiel n'obtient 50 % au premier tour, il faudra un deuxième tour. Il faudra attendre fin août pour connaître le futur Président. En ce cas, les autres élections devront attendre. Ainsi, le Burundi n'aurait pas de Parlement. Le 03 août sera déjà dépassé et le mandat des députés aura expiré. Il est alors impossible de prêter serment avant la fin du deuxième tour à moins que le Président soit désigné avant la fin des élections.
 
Compte tenu de ces complications techniques, il n'est pas compréhensible de la part du CNDD-FDD de vouloir tout inverser. Les conseillers de ce parti ont misé sur la victoire du Président pour que cette victoire influence celle des autres élections. C'est quitte ou double. Or, en cas de défaite du Président, le CNDD-FDD pourrait connaître le sort de l'Uprona en 1993. Techniquement, les élections ne pourront que commencer par la base. Même Gakiza, défenseur de la ligne du CNDD-FDD est obligé de nous sortir sa dernière carte de la cour constitutionnelle, une violation de la constitution.
 

Quant au vide du pouvoir qui pourrait générer de putsch, je préfère ne pas aborder ce sujet pour respect du peuple burundais. Le putsch n'est pas seulement militaire, c'est aussi le refus de la défaite.