Débat d’idées : Salvator NAHIMANA.

A quand le décollage politique et économique du Burundi ?

 

            La génération burundaise dont l’âge vient d’atteindre le demi siècle aura vu et entendu bien des choses en ce qui concerne la politique de leur pays. Par ailleurs, chacun aura été marqué par ce qui le concerne directement. Cependant, un constat commence à se dégager : les espoirs que faisaient naître l’arrivée de chaque nouveau régime ont été vite remplacés par les vieux démons que sont l’ethnisme, le régionalisme et d’autres mots en « isme ». Dieu seul sait le nombre de Barundi qui ont été emportés par l’égoïsme de leurs fils instruits.

 

Cette génération ne se remettra jamais ou difficilement du traumatisme tant que justice ne sera  pas rendue sur la disparition des leurs et/ou de la destruction de leurs biens. De plus, cette souffrance est exacerbée par le fait que les instruits n’ont pas la même lecture de cette histoire. Il faut oser dire les choses telles qu’elles sont : une partie de l’élite hutu ne s’émeut pas de ces tutsi morts dans les campagnes ou en milieux urbains. Il en est de même pour une partie de l’élite tutsi : elle ne s’émeut pas non plus de ces hutu morts dans les mêmes conditions que leurs voisins tutsi.

Je dis bien « une partie » parce que la globalisation est aussi un mal qui gangrène les esprits.

Malheureusement, une partie de la nouvelle génération vit dans ce même obscurantisme.

Aujourd’hui, il est scandaleux de constater qu’il y ait des Barundi qui disposent des moyens d’informer les autres et qui s’enferment dans des ghettos ethniques, de continuer à défendre des positions si partisanes. On peut réellement se demander à quoi cela sert d’être instruit, de voyager, de côtoyer d’autres cultures sociales et économiques, … Les Barundi ont besoin de connaître, entre autres, les subtilités des constitutions des vieilles démocraties, les enjeux économiques du monde, … Il est effrayant de constater que les responsables des communications sur le Burundi ne fassent pas des investigations sur les enjeux  de son entrée dans les ensembles économiques régionaux. Les médias ont en effet un rôle à jouer pour l’intérêt national.

 De plus, la culture de la responsabilité individuelle, la mobilisation contre l’injustice doivent être renforcées.

 

         La question qui se pose alors, est de savoir quand un leader politique sortira de cette classe discrète d’instruits, qui désire ardemment le décollage politique, réellement démocratique du Burundi. Le décollage économique  ne se fera que quand le système politique sera fiable et aura montré que l’alternance se fait sans ruptures ni destructions. Ce leader ne devra pas être prisonnier des clivages que le Burundi a connus. Si nous voulons que ce décollage ait lieu, l’honnêteté intellectuelle doit être de mise ; reconnaître ce qui est et l’assumer.

 

 Le pays étant pauvre, le leader, celui qui montre aux autres la voie à suivre, ne doit pas vouloir accéder au pouvoir pour son ENRICHISSEMENT PERSONNEL. Il doit surtout AVOIR UNE VISION A LONG TERME. Il ne faut pas oublier qu’avoir un logement décent, un chauffeur aux frais de l’Etat, un véhicule dont il ne paie ni frais de carburant, ni réparation est un grand luxe dans ce pays dont la majeure partie de la population ne mange pas à sa faim.

         Le choix des collaborateurs doit être judicieux. Seul le militantisme ne suffit pas, il doit être accompagné par la compétence et la bonne conduite dans la mission à assumer. Dans certaines vieilles démocraties, la gestion du pouvoir est à l’heure des coalitions et non à un seul parti. Notre jeune démocratie explore ce qui commence à être démodé ailleurs ! Décidément, que de temps perdu !

Le Burundi a des atouts internes et externes pour décoller. Les cadres compétents à l’intérieur du pays sont légion. Les Burundais de la diaspora qui ont démontré leurs compétences dans leurs pays d’accueil sont nombreux. Il ne reste qu’aux partis qui gèrent le pays de placer les gens compétents et intègres qu’il faut aux places qu’il faut.

L’autorité qui dispose du pouvoir de nomination ou de proposition de nomination est interpellée. Quant au citoyen, son bulletin de vote doit aller dans l’urne de ceux qui lui auront indiqué clairement comment ils vont améliorer son niveau de vie.