Face aux défis en matière d’énergie, le Gouvernement patauge

Burundi news, le 28/03/2011


Par Eliakim Miburo

Le Burundi est loin d’être un scandale géologique comme son voisin de l’ouest qu’est la RDC mais il n’en est pas moins un scandale et un casse-tête chinois par son déficit énergétique malgré l’abondance des pluies et des rivières, du soleil et du vent.

Dans son sol, le Burundi regorge de tourbe qui n’est utilisée que l’armée et la police ainsi que quelques entreprises de production. ONATOUR ignore ou manque de technologie pour transformer la tourbe comme on le fait en Ouganda par exemple. Pendant ce temps, la majeure partie du territoire est sous les ténèbres tandis que le déboisement décime l’environnement pour produire du charbon ou du bois de chauffage. Aucune autorité ne s’indigne vraiment des camions aux chargements pantagruéliques qui descendent approvisionner la capitale en charbon et en bois de chauffage ou en madriers pour la construction des villas. Pardon, on ne cible pas les biens mal acquis!

Ces derniers temps, la REGIDESO mène une campagne de sensibilisation des citadins à l’utilisation des ampoules à faible consommation d’énergie. Bonne initiative même si offrir trois ampoules à quelques familles (puisque le stock disponible ne dépasse pas quatre cent mille ampoules) reste dérisoire. Pire encore, ce genre d’ampoules coûtent très cher alors que le citoyen lambda qui a découvert les avantages de l’opération cash power (ou énergie prépayée) acceptera difficilement d’acheter une ampoule de six mille francs alors qu’il en existe qui coûtent moins de mille francs ! A-t-on vraiment pris en compte le facteur du pouvoir d’achat avant de lancer cette promotion ? Et si la promotion cachait quelque contrat louche et des fuites de fonds ?

Une réforme qui cache une fuite en avant

En matière de planification, il est recommandé de mener des enquêtes préalables: analyser la situation afin de cerner le problème sous toutes ses facettes; analyser les atouts, les opportunités, les obstacles et les contraintes ; poser les postulats et les risques de l’échec etc. On peut croire que la campagne actuelle a bénéficié d’un travail d’analyse en amont même si elle trahit une énième fuite en avant des autorités au sommet de l’Etat.

La véritable solution pour laquelle il faut mener une campagne est l’obligation pour le Gouvernement de libéraliser le secteur de l’énergie. De par le monde, les investisseurs atterrissent régulièrement au Burundi pour proposer de construire des barrages hydroélectriques et des éoliennes. Ils exigent la mise en place d’une autorité de régulation de ce secteur et surtout l’accord du gouvernement que les tarifs soient le fruit des règles du marché à savoir l’offre et la demande. Ils font remarquer à titre d’exemple que les hôpitaux publics existent mais qu’ils n’empêchent pas les Burundais de fréquenter des cabinets privés ! La santé est-elle moins une priorité pour le gouvernement ? Si le secteur a été libéralisé, il peut donc en être de même pour les sociétés privées de production de l’énergie qui auraient leurs clients tout en permettant gouvernement de réguler et de récolter des impôts.

Du côté du gouvernement, on refuse d’autoriser la libre concurrence. Par conséquent, les dossiers des investisseurs sont en souffrance dans les placards du ministère de l’énergie voire du deuxième vice-président de la république. De l’avis des autorités, ce serait une mesure impopulaire car la population serait sacrifiée au profit des intérêts des investisseurs étrangers qui imposeraient des prix exorbitants. Un cadre du ministère de l’énergie qui a requis l’anonymat s’indigne de voir le gouvernement briller par cette politique de deux poids deux mesures. « Si le Gouvernement a horreur des mesures impopulaires, il n’aurait pas osé exproprier les habitants de Gasenyi pour y ériger un palais présidentiel. Mais voilà que des investisseurs veulent produire assez d’énergie pour lancer l’ère industrielle, développer le tourisme et faciliter l’exploitation des minerais, et le gouvernement se rebiffe. Il espère arriver à construire des barrages mais voilà que même pour le barrage de Mpanda dont une partie du budget a été prévue dans le budget de cette année, il est à parier que le début des travaux va être renvoyé aux calendes grecques », s’indigne-t-il.

Un manque criant de vision et de cohérence dans l’action

C’est l’une des preuves du manque d’audace politique que de se féliciter de l’intégration du Burundi dans l’EAC tout en refusant d’adopter les mêmes standards quant aux prix des consommations énergétiques. Au Burundi, on paie 90 fbu par kilowatt tandis qu’au Rwanda, on paie 250 fbu, en Tanzanie 300 fbu et au Kenya 300 fbu ! Les investisseurs à qui on chante que le marché burundais de l’énergie est vierge et plein d’opportunités sollicitent un tarif qui soit la moyenne de ceux des pays membres de l’EAC. En guise de réponse, le gouvernement se réfugie derrière des manœuvres dilatoires à travers des commissions et des autorités de régulation. Impossible d’avoir le beurre et l’argent du beurre ! C’est à cette conclusion que le gouvernement est tombé devant le rejet de la banque mondiale de la politique visant à diviser la REGIDESO en deux entités distinctes. Derrière cette réforme, il était clair que le régime voulait éviter de mener à terme l’utilisation d’une enveloppe de cinquante millions de dollars débloquée par la Banque Mondiale ! Or, cette institution internationale était loin d’ignorer les magouilles qui éclaboussent les hautes sphères de la République et surtout les ratés des opérations de réhabilitation des barrages de Mugere, Ndurumu ou Ruvyironza. Des sommes importantes ont été détournées, sans suite !

Si la Banque Mondiale parle d’aide désintéressée, ce n’est pas le cas des investisseurs avertis. Ils analysent et surtout respectent leurs études de faisabilité. Ils font remarquer que le Gouvernement peut garder ses tarifs dits sociaux pour le cas des abonnés de la REGIDESO mais laisser les privés appliquer les prix de l’EAC! Et un industriel prêt à lancer l’usine de production de tôles ondulées au Burundi de confier : « Plutôt que de manquer d’énergie, je préfère en acheter à des privés. Les prix se négocient selon l’importance de la commande. C’est une attitude obscurantiste de nous guider vers la REGIDESO qui préfère les clients qui ne sollicitent pas des mégawatts » ! Une société tanzanienne a déjà installé des groupes électrogènes pour fournir aux industriels de l’énergie thermique. Mais le gouvernement tergiverse toujours à donner suite à sa demande quant à la révision des tarifs. Un Belge qui était récemment à Bujumbura dans le cadre de la semaine au Burundi a confié attendre toujours l’autorisation d’installer des éoliennes le long du lac. Comme pour le cas de l’expropriation des habitants de Gasenyi, les cadres du ministère de l’énergie attendent l’ordre du chef de l’Etat. Mais ce dernier a déjà sa solution en trompe-l’œil: la villagisation du pays avec des plaques solaires à distribuer aux paysans ! Cette proposition est pourtant loin de séduire les intellectuels bien que Pierre NKURUNZIZA ne se lasse d’exhorter les citadins à avoir des résidences secondaires dans leur village natal.

Grâce à la vision 2020 au Rwanda, le taux de croissance économique avoisine les 8% tandis qu’au Burundi il stagne autour de 3%. Où est passée la vision 2025 ? De quoi s’agissait-il au juste ? Le PNUD vous dira qu’il est pour le moment occupé à financer le CSLP bis. Silence, vous êtes assistés! Avec la crise dans les pays arabes, les prix des produits pétroliers flambent. Le peuple ne sait plus à quel saint se vouer surtout que même pour s’établir dans un autre pays membre de l’EAC, il lui faut un passeport qui depuis peu coûte les yeux de la tête. L’énergie que le bon Dieu a donnée en abondance se perd comme ces alluvions charriées dans les eaux des rivières vers le Congo ou le Nil. La révolution des bios carburants est ignorée malgré cette forêt de palmiers à huile et d’autres champs à perte de vue qu’on peut créer dans les régions d’Imbo et du Moso. Et dire que le slogan « l’énergie c’est le développement » est parfois utilisé au Burundi ! Sans vision ni cohérence dans l’action, on ne fait que patauger.