LA DERNIERE TENTATION DU PRESIDENT NKURUNZIZA : DISSOUDRE SON POUVOIR

 Burundi news, le 10 août 2007

Par Gratien Rukindikiza

Dans l’art militaire, la conquête d’un point vital  est plus facile que sa défense. En politique aussi, certains arrivent au pouvoir et se disent que tout est à leur disposition y compris la dictature ou la négation du système qui les a aidés à arriver au pouvoir. Celui qui est élu par le peuple l’oublie le lendemain. Celui qui est élu par le Parlement l’ignore après quelques mois.

L’Assemblée Nationale est bloquée depuis la formation du nouveau gouvernement. Le Président de la République ne dispose plus de majorité à l’Assemblée Nationale. Démocratiquement, il devrait le constater et faire une alliance avec ceux qui peuvent l’aider à redevenir majoritaire ou céder l’exécutif à ceux qui ont la majorité, étant entendu qu’il ne peut pas dissoudre le Parlement au cours de son mandat.

Radjabu, maître incontesté de la situation politique burundaise

Le 24 juin, j’écrivais que Radjabu était l’homme fort du pays même en prison. Je disais qu’il était le seul à pouvoir débloquer l’Assemblée Nationale. Aujourd’hui, c’est la réalité. Le forum de l’opposition a la majorité grâce aux voix des députés pro Radjabu. Ce sont ces mêmes députés qui manquent au  CNDD-FDD pour que le Président de la République soit heureux dans son travail quotidien de prière et de football.

Pour débloquer la situation, sauf une alliance avec le Frodebu et Uprona seuls avec le CNDD-FDD qui isolerait les pro Radjabu, il faudra libérer Radjabu de la prison sans un procès. Au sein du forum de l’opposition, l’exigence des pro Radjabu est la sortie de Radjabu du prison et de son retour à la tête du parti CNDD-FDD. Il serait réhabilité.

Ce retour est un casse-tête chinois. Il pourrait être comparé à un homme n’ayant que de choix que de couper une de ses deux jambes pour sauver ses bras. J’ai posé la question de la sortie de Radjabu de prison à un général du CNDD-FDD, non des moindres. La réponse a été négative, très appuyée. La sortie de Radjabu signifierait l’humiliation des généraux qui se sont impliqués dans sa chute. Ils savent bien que la revanche serait garantie. Même si le Président de la République le souhaite, il se trouve devant le refus net des généraux. Or, aujourd’hui, s’il lui manque ce soutien des généraux, anciens FDD, il serait sur une forte pente descendante. C’est le dilemme du Président Nkurunziza.

Radjabu ne pourra jamais accepter les résultats du congrès de Ngozi qui, disons la vérité, n’a pas respecté le règlement intérieur du parti car Radjabu l’avait bien verrouillé. En contestant ce congrès, il s’imposerait comme le véritable président du CNDD-FDD. Il aura des facilités d’autant plus que le président actuel de ce parti fait tout pour démériter. Sa façon de faire fait de lui un homme le plus haï des cadres de ce parti.

Aujourd’hui, certains cadres de ce parti préfèrent le quitter que de voir Radjabu revenir à la tête de ce parti. S’il sort de la prison, il fera tout pour récupérer son poste. A défaut, il fera tout pour déstabiliser le CNDD-FDD.

Etat d’exception suivi de référendum pour changer la constitution, le hara kiri secret du Président

Compte tenu des difficultés rencontrées par le Président de la République et de son obstination au refus de dialogue, il prépare dans ces jours un état d’exception qui sera suivi d’un référendum sur la constitution. La course contre la montre est lancée.

L’état d’exception permettrait au Président de légiférer par décret sans passer par le Parlement. Il pourrait aussi décréter un couvre-feu et une interdiction de réunion y compris les séances du Parlement. Il empêcherait ainsi les députés de voter la destitution du Président. Par ailleurs, les députés pourraient refuser l’état d’exception et continuer à se réunir. Le Président de la République ferait appel à la police puis à l’armée. C’est là où il y a le piège. Faire un appel à l’armée est à double tranchant. Elle peut en profiter pour contrôler la situation et destituer le Président de la République. L’armée sait bien qu’elle ne peut pas faire un coup d’Etat et garder le pouvoir. Tenant compte du mécontentement de la communauté internationale par rapport au refus de dialogue du Président de la République et à son incapacité politique de diriger le pays, l’armée pourrait décider de demander au Parlement de se réunir et de choisir un autre Président de la République.

L’armée burundaise ne pourrait pas tirer sur l’Assemblée Nationale. Si elle le faisait, elle se disqualifierait et ferait aussi tomber le Président par une révolte ou des mutineries.

Sachant que le Président veut organiser un référendum pour changer l’article qui permet de le destituer, les députés pourraient le devancer en le destituant car ce n’est un secret pour personne que c’est le Président de la République lui-même qui a organisé la vente illégal du Falcon 50 avec Radjabu. Des dossiers de corruption du Président ne manquent pas. On peut citer le Falcon 50, le dossier du pétrole nigérian, les cahiers ougandais etc…

Organiser un référendum sur la constitution est très risqué car le Président peut perdre la partie. En ce cas, le chemin de la sortie serait tracé. Je suis convaincu que tous les médias, la société civile et les autres partis politiques, en dehors du CNDD-FDD, demanderaient au peuple de voter NON.

Un chantage sur les avantages des députés : Une grande bourde

Quand j’ai lu dans les médias les propos du Président de la République, je n’y ai pas cru car j’étais convaincu qu’il ne pouvait pas dire ce que les médias rapportaient. Pour être convaincu, il a fallu que la RPA diffuse les propos du Président avec sa voix en personne. Son discours est l’équivalent de Gahanga wishwe n’iki de Radjabu.

Les avantages des députés, les véhicules achetés par les députés subventionnés par l’Etat congolais qui s’est occupé du transport, les indemnités ont été décidés par le gouvernement burundais dirigé par un certain Nkurunziza. Voilà le même Nkurunziza qui dénonce devant la population les avantages des députés.  Est-ce que c’est le bon Dieu qui lui a donné ce conseil ? Je crois que NON. Celui qui se ridiculise n’est pas celui qui a reçu les avantages qu’il mérite car il les a reçus sans contestation mais celui qui les octroie et qui passe derrière pour les critiquer.

En critiquant les avantages des députés, le Président Nkurunziza fait un lynchage aussi de ses députés car si les députés de l’opposition ne les méritent pas, les siens ne les méritent pas non plus. Il faudra penser à les baisser pour tout le monde.

Le Président de la République est un homme nourr, blanchi, habillé, véhiculé, logé etc… par les deniers publics. Il est parmi les Burundais les mieux payés. Il ne paie pas son loyer, il n’achète pas ses habits, toute sa famille est habillée par les impôts des Burundais, il est transporté, lui et les siens par des véhicules de l’Etat. Il ne paie pas de ration. Son argent ne sert qu’à épargner. Il doit coûter en tout, salaires et intendance, plus de 5 millions d’euros par mois, soit 60 millions par an. Si on ajoutait l’argent de la caisse noire qu’il met dans sa poche et l’argent de la corruption, le Président burundais coûte à l’Etat burundais plus d’un milliard de francs Bu par an. Il suffit d’ajouter le million de dollars du Falcon 50, l’argent du pétrole nigérian, les cahiers ougandais, le sucre etc….Il n’y a aucun patron burundais qui gagne autant.  C’est le salaire des grands PDG des groupes de taille mondiale.  Cependant, un PDG ou un patron d’une société qui travaillerait comme le Président de la République, qui s’occuperait plus de la prière et du football que de ses affaires serait remercié les premiers mois.

Le Président de la République, qui critique les indemnités des députés  décidées, devrait adopter un profil bas car c’est lui qui ne mérite pas ses avantages. Le silence de ce jour-là aurait valu de l’or.

Le journal Intumwa contre les députés : Une publication attaquable en justice

Le journal Intumwa sort cette semaine une parution dans laquelle il dresse la liste des députés ayant voté NON à l’Assemblée Nationale. Les députés peuvent voter Oui ou NON et ils ne sont pas coupables pour autant. Seul le parti CNDD-FDD ne l’a pas encore compris. Après la grande bourde du Président de la République, voilà le journal Intumwa, dirigé par Willy Nyamitwe, conseiller du Président de la République et directeur du journal du parti CNDD-FDD, qui diffuse la liste des noms des députés qui ont voté NON.

Cette diffusion est illégale et a un caractère offensant pouvant les mettre en danger. Les députés peuvent porter plainte contre Willy Nyamitwe et demander des dommages et intérêts. Cette pratique s’inscrit dans une campagne de diabolisation de l’opposition. C’est exactement le contraire de ce que devait faire le parti au pouvoir. Cette publication ne fait qu’enfoncer le fossé entre les deux forces politiques.

Ceux qui disent tout haut soutenir le Président de la République dans son refus de dialogue sont les mêmes qui vont le critiquer quand il sera en mauvaise posture ou ne sera plus Président de la République. Le cas de Radjabu n’est pas loin. Selon certaines informations, certains prétendants pousseraient le Président à la faute pour récupérer son poste. Ce sont des gens de son entourage qui ont de grandes ambitions.