IMBROGLIO AUTOUR DE L’ ANNONCE PAR LE PRESIDENT DES PREPARATIFS DE DESTABILISATION DU POUVOIR

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 26 mars 2006

Chaque régime a sa façon de diriger, de communiquer. Aucun pouvoir burundais ne ressemble à un autre. Chacun a sa manière de se tromper et de rectifier. La communication est une nouvelle mode pour diriger un pays. Dans les pays occidentaux, la campagne électorale se gagne plus à la télévision et à la radio que sur le terrain. La communication est aussi à l’origine de plusieurs bavures qui ont déclenché des démissions.

La dernière communication du Président concernant la tentative de déstabilisation du pays par 3 colonels de l’Armée, 3 colonels de la Police et quelques politiciens a fait couler beaucoup d’encre. Plusieurs questions se posent et les réponses n’ont pas été apportées par les différents intervenants du pouvoir. Pire, certains ont enfoncé les clous.

Pourquoi le Président a-t-il parlé de cette tentative ? 

Quelle est la réalité de cette histoire ? Qui sont les coupables ?

En général, quand un Président de la République rencontre les commandants de l’Armée et de la Police, il le fait en tant que commandant suprême de l’Armée. La rencontre est à huis clos. Aucun journaliste ne pouvait y assister. Même les conseillers civils du Président n’étaient pas sur les lieux. Les changements intervenus pour déroger à la règle n’ont pas porté bonheur. Le service de presse du Président a commis une erreur en laissant la présence des journalistes sans se rassurer de tout le contenu du discours du Président.

A Mwakiro le 6 mars 2006, il n’était pas prévu de parler de cette fameuse déstabilisation. Le Président avait été informé quelques jours avant des réunions qui indiquaient de probables préparatifs de déstabilisation du pays. J’y reviendrai. En cours d’enquête, la nouvelle ne devait pas sortir du petit cercle du pouvoir. Dans son improvisation, le Président a sorti la nouvelle avec son interprétation. Les journalistes présents ont trouvé un bon scoop. Les enregistrements audio du Président ne pouvaient pas être démentis facilement. La radio a été plus  rapide que les conseillers du Président. La nouvelle était déjà connue et il était difficile de l’arrêter. La nouvelle s’est répandue rapidement à tel point que je l’ai su de Paris même avant que la radio en parle. Vive les téléphones portables !

La nouvelle sortie, il fallait gérer la suite. Or, c’est cette étape qui est la plus délicate. La répartition des tâches devient indispensable. Pour corriger une mauvaise communication, le gouvernement et le parti CNDD-FDD ont tiré dans tous les sens jusqu’à se tirer dessus. Le directeur de la Police Nationale le Général Bunyoni déclarait le lendemain  que les preuves était là et que les coupables allaient être connus. Quelques jours après, l’Armée par le biais de son porte-parole, déclarait ne pas être au courant de cette déstabilisation.

D’autres jours après, le porte-parole du gouvernement et ministre de la communication déclarait que le Président avait été mal compris et qu’il n’y avait pas de tentative de déstabilisation.

Une semaine après,  c’est le secrétaire général du CNDD-FDD qui entre en danse avec un communiqué tout à fait étonnant. Il fustige les journalistes qui propagent des rumeurs en répétant ce que le Président a dit et en profitent aussi pour mettre en garde ceux qui tentent de déstabiliser le pays. La question qui se pose est de savoir si ce communiqué contradictoire était nécessaire après les précédentes interventions.

Après ces démentis, mise en garde, notre rédaction a voulu savoir ce qui se trame derrière ces histoires.

Peut-on parler de préparatifs de putsch ?

D’emblée, j’affirme que c’est non, NON et NON. Il n’y a pas eu des préparatifs de putsch. Le colonel Maregarege n’ a jamais été à la Documentation pour interrogatoire. Il a juste été contrôlé au retour au Burundi après son voyage à Kampala comme tous les voyageurs.

Des noms ont été avancés. Il y a eu beaucoup de spéculations, chacun y mettait son ennemi tout en espérant qu’il soit arrêté.

A la Présidence, on promettait que la liste de ces comploteurs sera publiée.

En réalité, cette tentative de déstabilisation est constituée des informations non encore complètes pour accuser des gens. A l’heure actuelle, démocratiquement et avec une justice indépendante, personne ne peut-être inquiétée en raison de ces histoires de cette tentative. Par ailleurs, des arrestations peuvent se faire ; ce qui serait arbitraire.

Quelles sont ces informations de déstabilisation ?

Certains politiciens, notamment Nyangoma et Buyoya (Ce dernier est depuis un mois auxUSA) auraient essayé de mobiliser les démobilisés pour se révolter contre les conditions de démobilisation. Ils auraient aussi voulu pousser les syndicats à faire des grèves. Parmi ceux qui sont derrière ces revendications des démobilisés, on parle aussi des Colonels et un Général. Les contacts seraient en cours. Certains estiment que le Président aurait averti ces personnes par ses propos et les enquêtes pourraient piétiner.

Dans un pays démocratique comme la France, de telles accusations(encore secrètes) ne pourraient pas se faire. Un parti politique ne peut en aucun cas s’empêcher de déstabiliser un gouvernement par le biais des mécontents. La déstabilisation du gouvernement est différente de celle d’un pays. Il y a des limites à ne pas franchir. L’opposition est là pour récupérer le pouvoir. Elle ne fait pas de cadeaux. C’est au pouvoir de bien régler les questions pour éviter à l’opposition de sauter sur les occasions. Il y a des domaines interdits comme l’armée et la police. Or, les démobilisés sont des civils, mais anciens militaires et rebelles. Ce qui est sûr, c’est que les démobilisés n’ont pas été incités à renverser le pouvoir mais probablement à revendiquer leurs droits. Encore faut-il discuter sur la forme.

Ceux qui attendent des arrestations de ceux qui auraient tenté de déstabiliser le pays vont déchanter. Les comploteurs risquent de devenir des fantômes plus que la réalité. Nyangoma a déjà voyagé depuis ces histoires et il est rentré au Burundi. S’il était impliqué de près ou de loin, les services de la Documentation lui auraient empêcher de voyager pour des besoins d’enquêtes.

L’amplification de ces histoires, la cacophonie dans la communication et les démentis n’ont pas servi le pouvoir. Les conseillers du Président ont du pain sur la planche. Il est plus facile de perdre la sympathie du peuple que de la gagner. La communication est un outil à double tranchant. S’en servir est aussi un art pour un pouvoir.