FAUT - IL ANNULER LA DETTE DU BURUNDI ?

Par Gratien Rukindikiza

 Burundi news, le 17 juillet 2005

La question semble dérangeante. Certains peuvent la considérer  comme étant contraire aux intérêts du Burundi. Or,  les intérêts des burundais divergent souvent avec ceux des dirigeants. L'annulation de la dette est destinée en général à développer les peuples. Dans certains pays, le budget de remboursement de la dette et des intérêts atteint 40 % du total. Les intérêts dépassent souvent le capital reçu.

L'annulation de la dette permet aux pays africains de pouvoir affecter autrement le budget. Affecter les 40 % du budget est le nœud du problème. C’est cette façon d’affecter ce budget qui peut même remettre en cause l’intérêt de l'annulation de la dette pour ces pays.

La dette rwandaise vient d’être annulée. Elle était ignoble car on demandait aux rwandais de payer les factures des machettes et des armes qui ont servi au génocide. Au-delà de cet élément, le Rwanda a rempli certaines conditions. Est-ce que le Rwanda pourra bien affecter le budget correspondant à la remise de la dette ? Qu’est-ce qui va se passer si le Rwanda reprend le chemin du Congo ? Il est fort à parier que les 40% ou plus seront affectés à la guerre.

Le Burundi a besoin d’un ballon d’oxygène pour relancer l’économie et réformer le système social. La remise de la dette burundaise à hauteur d’environs 40% de son budget a des conséquences importantes sur le pays. Je peux comparer cette remise de dette à un pays qui découvre des gisements de pétrole sur son sol. L’Angola, le Nigéria, le Congo ont des gisements importants de pétrole. L’habit ne fait pas le moine. Le pétrole ne fait pas la richesse des peuples. Plus pauvre que les nigérians, angolais et congolais, on en meurt. L’histoire nous apprend que les africains ont la malchance d’être dirigés par des corrompus, qui haïssent leurs peuples.

Si cette remise de dette intervient en 2006 par exemple, le pouvoir du CNDD-FDD aura alors à déterminer cette réorientation. Si ces 40% sont affectés au train de vie de l’Etat et aux augmentations des salaires, ce gouvernement  aura pratiqué une injustice sociale. Les 40 % devraient relancer l’économie et améliorer le niveau de vie des citoyens. Au niveau macroéconomique, la relance pourrait se faire grâce aux grands travaux financés par la moitié de cet excédent à réaffecter. En relançant les grands travaux, d’une pierre deux coups, le gouvernement pourrait atteindre le plein emploi. Ainsi, la confiance des consommateurs permettrait de reprendre la consommation, soit le moteur de toute croissance solide. Outre la consommation, les burundais se mettraient à épargner le surplus car ils auraient confiance dans l’avenir. Ce surplus engendrerait une épargne stable pendant la période de croissance, soit des prêts bancaires à l’économie et à la consommation. Les rentrées fiscales augmenteraient sensiblement et l’Etat pourrait augmenter les salaires et améliorer le niveau de vie des citoyens notamment en matière de santé et d’éducation.

La situation actuelle est catastrophique. En cas d'annulation de la dette, il serait indispensable d’affecter environs 10% du budget au secteur de la santé et de l’éducation et les autres 10% à l’augmentation des salaires. Toute relance économique a besoin des citoyens en bonne santé pour produire. C’est ainsi qu’il faudra concevoir un nouveau système de santé pour permettre aux travailleurs et aux indépendants (y compris les paysans) d’accéder facilement aux soins de santé. 

Si le Burundi affecte correctement cette remise de dette, il aura les chances d’améliorer les conditions de vie de la population et d’augmenter sa croissance économique. Le CNDD-FDD pourrait démontrer qu’il a réalisé des grands travaux après une pause de 20 ans. Il aura sur un plateau d’argent la victoire aux élections de 2010.