QUAND UN AVION PRESIDENTIEL DEVALUE LA MONNAIE BURUNDAISE
Burundi news, le 26 septembre 2006
Par Gratien Rukindikiza
A l’université, dans la faculté d’économie, les non initiés qui constatent que les cours d’économie politique et de politique économique sont programmés ont tendance à dire qu’il y a une erreur. Les deux sont interdépendants et s’influencent mutuellement. La politique économique du New Deal aux USA a influencé l’économie politique des années qui ont suivi. Les politiques économiques préconisées par la Banque Mondiale et le FMI dans les années 1980 sont des émanations de la théorie de l’économie politique même si elles étaient inadaptées à la situation des pays du tiers monde.
Au Burundi, la politique économique appliquée n’est ni une émanation de l’économie politique, ni une adaptation d’une politique économique d’un autre pays qui a relancé son économie. Elle est basée sur la politique de la corruption. C’est un cours qui est dispensé à ceux qui sont atteints par le ventriotisme.
L’avion présidentiel a été vendu aux moins offrants par Radjabu, président du CNDD-FDD, l’ancien ministre des finances Ngowenubusa et le Président de la République. Ils avaient invoqué les coûts de parking en Suisse élevés mais la société suisse a démenti, preuve à l’appui. Quant à la maintenance, le Burundi avait payé celle de toute l’année. Sur la vente de cet avion, les 3 burundais ont partagé plus de deux milliards quelque soit le mode de répartition. A tout seigneur tout honneur, la part du lion est revenu à Radjabu. L’argent de la corruption est resté à l’étranger. Certains services de renseignement pensent qu’il a été viré sur des comptes dans des pays arabes.
La radio RPA et l’OLUCOME ont fait des enquêtes et ont révélé aux Burundais et à la communauté internationale les irrégularités qui ont entouré cette vente. N’ayant pas d’argument, le pouvoir, représenté par Karenga Ramadhani, a affirmé qu’il aurait même pu donner l’avion gratuitement. En pleine crise des finances de l’Etat, le gouvernement burundais qui affirme ne pas être intéressé par 2 millions de dollars, du jamais vu !
La Banque mondiale devait octroyer un prêt de 60 millions de dollars au Burundi. Cette affaire de la vente de l’avion a freiné l’élan de cette banque. Aujourd’hui, la Banque mondiale pose des conditions avant de débloquer les fonds. L’ancienne 2è vice-Présidente Alice Nzomukunda avait bien expliqué au Parlement que la première tranche sera débloquée quand une société d’audit sera désignée. Radjabu qui n’a rien dit au Parlement quand Alice l’a annoncé et il a profité d’un meeting au stade de Bujumbura pour dire que la Banque mondiale a déjà débloqué l’argent. Qui disait vrai ? Alice ou Radjabu ? Le représentant de la Banque mondiale au Burundi a donné raison à Alice Nzomukunda et Radjabu a été ridiculisé. L’arroseur a été arrosé.
Il y a un mois, les caisses de l’Etat étaient vides, l’ancien ministre des finances avait demandé au Parlement de pouvoir recourir à la planche à billets, communément appelée la monnaie de singe. Le phénomène consiste à demander une avance de la banque centrale sans émettre des bons de trésor pour ne pas payer les intérêts. Cette monnaie est en surplus par rapport à l’équilibre monétaire. Elle entraîne à court terme non seulement une inflation mais aussi des risques de dépréciation de la monnaie burundaise. L’ancien ministre demandait 30% du budget annuel en promettant de rembourser dans les plus brefs délais. Il a obtenu l’accord et les fonctionnaires ont reçu ainsi leurs salaires. Si cette avance n’est pas remboursée, l’Etat n’aurait plus recours au même phénomène si il ne veut pas mettre à terre le système monétaire burundais. Le dernier recours sera la dévaluation de la monnaie burundaise. De ce fait, l’Etat empocherait la plue value générée par cette dévaluation notamment à travers les réserves en monnaies étrangères qui seraient converties dans la comptabilité bancaire.
Peut-il encore éviter une dévaluation ?
La société choisie pour faire l’audit sur la vente de l’avion présidentiel Deloit and touche est très connue par son sérieux, sa rigueur et ses méthodes irréprochables. Après avoir compris les contours de cet audit et les dangers de désigner Radjabu et le Président comme responsables de cette vente irrégulière, la société a préféré jeter l’éponge avant de commencer. Elle vient d’envoyer une lettre à PAGE pour signifier qu’elle renonce à l’audit. La société d’audit belgo-américaine qui était en deuxième position n’est pas intéressée par cet audit. Décidément, il y a un hic dans cet audit. Les cabinets d’audit fuient le Burundi. Aujourd’hui, l’audit ne se fait pas avec les stylos au Burundi mais avec les armes.
La situation ne s’arrange pas. La Banque mondiale ne peut pas débloquer les fonds par manque de cabinet d’audit. Le renoncement de l’audit du cabinet Deloit est aussi un rapport d’audit.
L’Etat burundais est incapable de rembourser la banque centrale. Cette situation peut poser un problème de refinancement des banques centrales si les dirigeants de la BRB sont aussi rigoureux que leurs précédents.
Le Burundi s’achemine vers une dévaluation qui pourra atteindre 30%, voire 40%. La situation ne s’arrangera pas car le pays connaîtra la stagflation, c'est-à-dire l’augmentation généralisée des prix qui s’accompagne de la stagnation économique.
Quand on est encore à la phase de la confusion entre un prêt et un don, le remède qui sera préconisé par le détenteur de ce pouvoir sera catastrophique.
Incapable de stabiliser le Burundi, incapable d’assurer la justice, incapable de prendre des bonnes mesures économiques, incapable de fixer le cap politique, le pouvoir burundais est capable d’emprisonner sans motif, de tuer, de piller l’Etat.
Il lui reste un seul exploit ; c’est celui de mettre l’Etat burundais en faillite. L’avenir nous réserve des surprises.